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traits brûlans de ce discours? Si le hasard t'eût donné une parcille amante, aurais-tu refusé de la voir à tes côtés dans la carrière qui s'ouvrait devant toi? L'amante de Louis XIV, la tendre Lavallière, suivant son auguste amant dans sa campagne de Flandre, n'avait que des caresses et des baisers à lui offrir. Charlotte venait m'offrir des conseils et de douces consolations. La tendresse et la volupté entraînaient la première, l'amour de la gloire et mon intérêt personnel étaient les seuls stimulans de la seconde aussi les projets de ma bouillante amie furent-ils entièrement approuvés.

Charlotte, bien décidée à me suivre, l'était encore plus à laisser ignorer à tout le monde, et son projet et son travestissement. J'étais

informé que l'on me destinait à servir sous les ordres de M. le général Dommartin, qui commandait alors l'artillerie en avant des gorges d'Olioules.

Pour ne laisser aucun soupçon à la famille Clary, ainsi qu'à nos autres connaissances, mademoiselle Midelton feignit d'avoir reçu une lettre de Toulon, où son père l'at-tendait pour la ramener à Boston. Cette ruse lui réussit parfaitement; et tandis que mon amie était à mes côtés, toutes les personnes qui la connaissaient la croyaient en Amérique. En attendant mon départ qui ne devait pas tarder, ce fut à Grasse où mon amante se réfugia. Je reçus enfin mon brevet, avec l'ordre de rejoindre sur-le-champ le quartiergénéral en avant d'Olioules. A peine

arrivé, j'écrivis à Charlotte qu'elle eût à me rejoindre. Deux jours après, j'en reçus la lettre suivante.

. Mon ami,

Je suis contrainte de reculer de quatre jours le moment de notre réunion, mes préparatifs n'étant point encore prêts. Emploie ce tems à prévenir le général en chef. Annonce-moi près de lui, comme un jeune homme de tes amis qui desirerait, pour son plaisir et son instruction, faire la campagne près de toi, en qualité de volontaire dans l'arme de l'artillerie. Je n'ai point perdu mon tems depuis que je suis à Grasse, et je te promets que toi seul peut soupçonner et connaître mon sexe. Je suis vêtue en simple

nomme

aspirant du génie, et de manière à te faire honneur ; je me Dutrenel. N'allez pas oublier, Monsieur, que cette Charlotte qui vous veut tant de bien n'existe plus; mais qu'en récompense c'est son frère qui désormais sera

Votre plus tendre ami,

DUTRENEL. a

Avant le crime affreux de la cruelle Daletti, au reçu d'un pareil billet, j'aurais volé au-devant de son auteur, Hélas! ils étaient passés ces jours heureux, où tout entier aux caresses de l'amour, je ne voyais dans les femmes que des êtres aimans et sensibles. J'étais attaché, il est vrai, à mademoiselle Midelton; c'étaient son originalité et mon tem

pérament qui m'entraînaient près d'elle. La tendresse et l'amour ne pouvaient plus habiter mon cœur. Un cruel souvenir le leur avait fermé.

Cependant le plaisir de voir Charlotte sous les habits de mon sexe, me faisait desirer son retour. J'étais

décidé à ne point lui permettre de rester avec moi, si la plus petite chose de son extérieur pouvait faire soupçonner son travestissement: mes craintes étaient inutiles. Charlotte n'était pas une femme à se laisser pénétrer, et le mystère de son sexe lui tenait autant au cœur qu'à moi. J'avais rempli ses vues relativement au général Dommartin. Celui-ci me dit que mon ami pouvait me suivre pendant toute la campagne, et met

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