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chir aux propositions qui m'étaient faites. D'un côté j'entrevoyais un brillant avenir; mais il n'était pas commencé, et Barras pouvait m'en fermer la route. Refuser était à-peuprès mon intention. Cependant je réfléchis que c'était ruiner ma fortune à peine commencée; enfin, avant de prendre un parti, je voulus voir madame de Beauharnais, que je ne connaissais que de nom.

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Le surlendemain Barras nous ménagea une entrevue chez l'un de ses amis. J'avouerai qu'au premier abord la vicomtesse me parut charmante. Une taille élégante, une fraîcheur qui démentait son âge, et surtout

ut les avantages extérieurs d'une personne élevée dans le grand monde; toutes ces choses réunies m'eurent bientôt décidé. Je serrai la main de

Barras, il me comprit; et huit jours après, la veuve du vicomte de Beauharnais était mon épouse.

Je ne fus pas huit jours sans apprécier les qualités de ma compagne légitime; douce, aimable, prévenante, attentive à me complaire, oui, et j'en fais l'aveu, si l'ambition n'avait endurci mon cœur, si la soif des honneurs de plusieurs diadèmes ne m'avait commandé l'ingratitude et l'insensibilité, la première impératrice des Français n'eût jamais versé de larmes; mais il n'était rien dans ce monde que je n'eusse sacrifié à l'immensité de mon ambition.

Joséphine n'était pas seulement un être précieux sous le rapport des qualités morales; mais elle était encore adorable sous les rapports de l'amour et de la volupté. Décente et

modeste dans les cercles, Joséphine, en tête-à-tête avec moi, devenait tout-à-coup un nymphe badine et folâtre, dont le jeu et les caresses ont plus d'une fois suspendu en moi les chagrins inséparables du trône et les ennuis de la représentation. Elle touchait à sa vingt-huitième année : j'ai depuis connu bien des femmes qui, à seize ans, n'avaient pas pour se faire aimer la moitié des charmes et des moyens qu'avait alors mon épouse, quoique bien plus agée.

Si j'ai conservé sur le trône quelques restes d'aménité, Français ! si vous n'avez pas eu le plus sévère, le plus sourcilleux, le plus morose des monarques, remerciez-en Joséphine: sa douceur, ses caresses ont sou

vent adouci mon caractère et réprimé mes fureurs.

Il y avait à peine huit jours que j'étais marié, lorsque je reçus une lettre datée de Toulon. Je l'ouvre; quelle est ma surprise! elle était signée Charlotte Midelton. Le nom d'une amie si précieuse vint rallumer dans mon cœur des sentimens que ma nouvelle fortune n'avait point étouffés. Mon ambition grossit alors à mes yeux la somme des avantages que je pouvais retirer d'une pareille connaissance; je me faisais un bien doux plaisir d'avoir auprès de moi un conseil dont je n'aurais jamais à soupçonner la fidélité. Vaines espérances! bientôt je fus détrompé.

Charlotte Midelton à Buonaparte.

Depuis huit jours je suis arrivée à Toulon; je me disposais, monsieur, à vous rejoindre dans la capitale. En quittant mon amant, je lui avais promis de ne point lui dire un éternel adieu: ivre de sa nouvelle fortune, je venais lui prouver que je ne sais pas faire de faux sermens. Tous mes apprêts étaient faits, j'allais partir; cinq jours de plus et j'étais dans ses bras. Cependant un bruit circule; il se confirme: Buonaparte vient d'épouser Tascher de la Pagerie, la veuve Beauharnais; cette femme lui apporte en dot le commandement en chef de l'armée d'Italie. Ne crois pas, mon ami, qu'une basse jalousie vint alors me

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