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duire dans ma chambre à coucher une foule de persounes de tous les rangs et de tous les sexes. J'étais dans un état difficile à décrire; mes veines s'étaient gonflées, le spasme était violent, et des mouvemens convulsifs agitaient mes membres. C'est dans cette situation que l'inconséquence de la reine du théâtre français livra le plus grand monarque de l'univers aux avides regards et peut-être aux critiques d'une foule de courtisans et de valets. On se peindrait difficilement quelle fut ma colère, lorsqu'en rouvrant les yeux je me vis ainsi entouré. Un monarque d'Asie eût sur le champ fait étrangler la coupable je me contentai de l'éloigner de mes regards et de la capitale. Où sont donc mes injustices? L'ignorance ou la haine peuvent seules

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m'en prêter dans l'affaire de mademoiselle G......

Parvenu au pinacle de la puissance, je me suis souvent amusé de certains individus qui croyaient que des plaintes ou des murmures pouvaient m'arrêter dans mes projets ou me retarder un instant de satisfaire mes desirs. Je dis plus: si j'ai fait plier sous mes volontés de fer et les affaires d'état et celles de l'amour, ce n'est jamais sans en avoir calculé les suites.

On plaint généralement en France une femme charmante que, d'après les préjugés reçus, mes caresses ont deshonorée. Cette femme, il est vrai, modèle de grâces, de vertus et de douceur, devait échapper à mes baisers: tout, si je n'avais été Buonaparte, me prescrivait de respecter

ses charmes. Je l'aurais fait, j'aurais étouffé mes desirs; mais la conviction de ma puissance, à qui tout devait céder, les principes que je m'ćtais faits depuis mon enfance de sauter à pieds joints sur les notions vulgaires toutes les fois qu'il s'agirait de inon bonheur; ces diverses choses me faisaient une loi de ne point mollir dans une occasion où il ne s'agissait que d'une femme et de quelques préjugés. Mes impétueux désirs furent satisfaits; et si la victime et quelques autres individus en ont gémi, c'est que les uns et les autres pensaient comme le vulgaire des hommes. Tout mal qui n'existe que dans l'imagination ne saurait être un mal.

Je vais donc terminer ces précieux mémoires par un des plus grands

évènemens de ma vie, je veux dire par mon hymen avec l'archiduchesse d'Autriche. Intimement persuadé de mes moyens physiques, et certain que Joséphine seule me refusait une lignéc, je formai le dessein de me procurer, par un divorce, la douce satisfaction de donner des héritiers à l'état. Depuis deux ans je roulais ce projet dans ma tête; un reste d'estime, peut-être même d'amitié, retenait toujours l'aveu que j'en voulais faire à Joséphine enfin, l'intérêt de ma couronne, les avis de mes conseils, et, s'il faut le dire aussi, le plaisir indiscible d'associer à ma couche une vierge pudibonde, issue du.sang des rois ; ces diverses raisons m'obligèrent à répudier l'excellente amie, l'épouse attentive et prévenante

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qui, la première, m'avait frayé le chemin du trône.

Sur le front de quelle princessé mettrai-je désormais le double diadême de la France et de l'Italie ? est-ce au nord, est-ce au midi que je dois chercher l'auguste compagne de mes destinées? Enfin, ma pensée et mes intérêts s'arrêtent sur un ange de douceur et de bonté : fille des Césars, le jour est moins pur que le fond de son cœur. Un de mes grands va la demander solennellement à son père et la reçoit de ses mains. Sur le sein de Marie-Louise, archiduchesse d'Autriche, mon ambassadeur attache le portrait de celui qui désola les états de son père et fit répandre des larmes à toute sa famille. Pouvait-on me la refuser? non: c'eût été rallumer de nouveau une

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