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COURRIER ALLEMAND

Les Annales de l'histoire d'Allemagne, de M. Oelsner, ont pris un développement fort considérable; l'auteur ne néglige rien pour en augmenter la valeur : les matériaux originaux, qu'il a rassemblés, sont en grand nombre, mais parmi les recherches précieuses qui s'y trouvent, beaucoup semblent être étrangères au sujet. Nous nous bornerons donc à mettre en relief les points essentiels, sans chercher à en caractériser l'ensemble. Le dernier volume paru contient les Annales du royaume franc sous le roi Pepin . Y a-t-il eu sous le roi Pepin une confiscation des biens de l'Église, comme le prétendent Roth et plusieurs autres? M. Oelsner se prononce résolûment contre cette opinion. Il montre que Pepin, ami et protecteur de l'Église, fit tous ses efforts pour lui restituer les biens qu'on lui avait enlevés; mais la restitution ne put être si complète qu'il n'en restat quelque partie aux mains des laïques. L'expression technique Divisio signifie, dit-il, non un partage des biens ecclésiastiques entre l'Eglise et l'État, mais une dispensation, une concession faite à des laïques. Cette expression ne peut s'appliquer à l'acte accompli par Pepin. Ce ne fut pas non plus la reconnaissance qui engagea ce prince à faire cet acte de justice, à cause de son élévation à la royauté. La fameuse question qu'il aurait posée au Pape n'était qu'une simple formalité. Son zèle religieux le porta seul à venir en aide au pape Etienne. Les recherches de l'auteur sur la donation de Pepin sont claires et lumineuses: il prouve que cette donation n'est pas identique avec celle que fit plus tard Charlemagne. Il n'est question de cette dernière qu'en passant; elle est et elle demeure un point obscur, encore mal éclairci, sur lequel on trouvera, peut-être, quelques lumières dans le Liber pontificalis, dont la publication est si impatiemment attendue. Les Monum. German. doivent contenir une discussion des textes qui se rapportent à ce sujet. Le fonds de la donation, c'était Rome et le duché de Rome, ou, pour parler d'une manière plus générale, tout le terri

1 Jahrbücher des fränkischen Reiches unter König Pippin (Jahbücher der deutschen Geschichte). Von L. OELSNER. Leipzig, Duncker und Humblot 1871, in-8° de xvi-544 p.

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toire enlevé aux Lombards devait appartenir au Pape.-M. Oelsner étudie aussi, avec beaucoup de soin, la vie de saint Boniface; il s'efforce de démontrer que le martyre de ce saint apôtre eut lieu, non en 755, mais en 754. L'histoire du royaume lombard est également traitée avec de grands détails. La civilisation des Lombards, leur état social et politique, sont dépeints sous des couleurs sombres et peu favorables: Le roi Luitprand seul se dessine avec quelque avantage sur ce triste tableau. Telles sont les questions principales examinées par l'auteur. Nous ne pouvons le suivre dans les discussions très-variées auxquelles il se livre; cela nous entraînerait trop loin. L'ouvrage est accompagné d'une table faite avec la plus grande exactitude.

La Société générale historique de la Suisse rivalise de zèle avec l'Allemagne. Voici deux livraisons nouvelles du Recueil des anciens documents de l'histoire de la Suisse. Elles renferment les textes d'une grande partie du XIIe siècle (de l'an 1144 à 1181); la prochaine livraison donnera donc les derniers documents de ce siècle. Quant aux suppléments, aux rectifications que l'on a recueillis depuis l'apparition de cet ouvrage, on les annonce pour la 9o livraison. La méthode et l'ordre, adoptés pour cette publication, pourront n'être pas approuvés de tous les lecteurs, mais chacun aimera à reconnaître l'ardeur infatigable avec laquelle le Dr Hibber en poursuit l'exécution.

Tandis que certains esprits cherchent à effacer, chez nous, le culte du passé et les vieux souvenirs, les Allemands, tout en marchant résolument vers l'avenir, reviennent curieusement sur leurs origines. La Constitution germanique aux XIe et XIIe siècles est renfermée dans un certain nombre de chartes, éparses jusqu'ici dans des ouvrages volumineux, et d'un prix peu accessible. On a eu l'heureuse idée d'en faire un recueil à part 2; s'il ne contient pas de documents nouveaux, il a apporté au texte des corrections nombreuses et des remarques critiques fort judicieuses sur l'authenticité et l'âge de ces divers monuments. Le principal avantage de cette publication, c'est d'avoir concentré, sur l'histoire assez obscure de cette constitution, tous les éclaircissements que la comparaison des sources pouvait fournir. L'appendice qui accompagne ce petit livre donne des témoignages originaux sur la signification et l'emploi des expressions Prædium libertatis ou nobilitatis, et autres locutions de ce genre. Un index très-détaillé facilite les recherches.

Les lecteurs de cette Revue n'ont pas oublié l'Histoire de l'ordre de Citeaux, dans le nord-est de l'Allemagne, dont le premier volume a

1 Schweizerischer Urkunden-Register, herausgegeben von der allgemeinen Geschichtsforschenden Gesellschaft der Schweiz.

2 Erkunden zur deutschen Verfassungs Geschichte im 11 und 12 Jahrhunderte. Mit einem Anhange über « Freien » und « Schöffengut. » Kiel, Haman, 1871, in-8o de vi-53 p.

été analysé ici. Le second et le troisième sont maintenant parus. Le tome II donne l'histoire des divers couvents de femmes de cet ordre, distribués par diocèses. Partant de la Silésie et de la Pologne, l'auteur nous conduit en Thuringe, dans les diocèses de Naumbourg, de Mersebourg et de Meissen, et de là en Westphalie; puis à travers la Saxe orientale, dans la Marche de Brandeb ourg, à Brême et dans l'Allemagne de l'Est, pour aborder enfin en Prusse et dans la Livonie. Le récit très-vif de l'auteur fait parfaitement ressortir l'essor extrêmement rapide que prit cet ordre parmi les femmes; il recherche et il expose nettement les causes de ce mouvement prodigieux. Cette partie de son travail s'appuie sur une connaissance approfondie des sources; il a d'ailleurs mis à profit un certain nombre de manuscrits et de textes inédits. En faisant l'histoire des couvents de femmes, M. Winter insiste fortement sur l'influence intellectuelle qu'ils exercèrent et sur le travail de civilisation dont ils devinrent le foyer. Il consacre un long chapitre à sainte Mechtilde, dont les révélations ont été récemment publiées en langue allemande, par le P. Morel, d'après les manuscrits d'Einsiedeln. M. Winter soutient expressément, contre l'opinion de plusieurs historiens, que sainte Mechtilde a appartenu à l'ordre de Citeaux et au couvent de Sainte-Agnès, à Magdebourg. Le couvent de Wöltingerode mérite d'être cité spécialement pour le goût artistique de ses religieuses. Elles avaient transcrit de leur main un grand nombre d'évangiles et de psautiers, d'une écriture magnifique, ornés de peintures et aujourd'hui encore bien conservés. Dans le second volume, on trouve l'histoire des couvents d'hommes, distribués aussi par provinces, jusqu'à la fin du XIIIe siècle. Malgré quelques erreurs de détail, on suit l'auteur avec plaisir jusqu'aux temps de la décadence, qui forment le sujet du troisième volume. La plupart des couvents sombrèrent dans la tempête de la Réforme. Le supplément, qui remplit la dernière moitié du troisième volume, donne, en fait de sources: 1° un catalogue des couvents qui se trouvaient sous la dépendance immédiate de Clairvaux et de Citeaux; 2o une règle jusque-là inconnue, pour les frères lais; 3o une instruction, pour les visites des couvents, empruntée à un manuscrit de Düsseldorf; 4° un recueil fort précieux, quoique incomplet, des statuts des chapitres généraux, et 5o enfin un diplôme du légat Conrad de Rufino, qui n'est pas sans importance pour l'histoire de Conrad d'Halberstadt.

Le professeur Wattenbach, de Heidelberg, a recherché, depuis un grand nombre d'années, les divers monuments de l'Écriture. Il a beaucoup voyagé et il est de ceux qui, ayant beaucoup vu, ont aussi beaucoup retenu; son regard a acquis une très-grande perspicacité. En face des trésors littéraires des différents pays, il ne s'est

Die Ci terzienser des Nord-Oestlichen Deutschland's. Von FR. WINTER, Qer und 3er Band. Vom Auftreten der Bettler orden bis zur Reformation. Mit Quellen Beiträgen zur Ordensgeschichte. Gotha, Perthes, 1871, 2 vol. in-8° de vi-404 et vi-384 p.

point arrêté à l'extérieur, à la forme des anciens manuscrits, il s'est assimilé ce qu'ils renferment. L'un des premiers parmi les connaisseurs et les éditeurs des sources historiques, il a établi les divers points de vue d'après lesquels on devait juger les qualités des manuscrits. Son ouvrage ne contient que l'exposé de la manière d'écrire, l'histoire de l'Écriture viendra plus tard. M. Wattenbach raconte comment la Paléographie, d'abord réunie à la Diplomatique, ne s'en sépara que lentement. Voici les titres des principaux chapitres Matières employées pour écrire, formes des livres et des actes, instruments avec lesquels on écrivait, l'écriture cursive, les copistes, les libraires, les bibliothèques et les archives. Dans la section cinquième, l'auteur traite des dénominations usitées dans l'antiquité et le moyen age, des moines copistes, des employés des chancelleries, des copistes à gages, des professeurs d'écriture, enfin de la signature des copistes. On voit par là combien le sujet a été profondément étudié ; on peut dire qu'il est épuisé. De nombreuses pièces justificatives sont intercalées littéralement dans le texte. L'exposé est clair, facile à comprendre. Le ton calme et bienveillant dont l'auteur ne s'est jamais départi, même en redressant les erreurs d'autrui, produit aussi une impression agréable. On peut indiquer, comme plus intéressants et mieux réussis, les chapitres suivants : Les tablettes de cire (p. 38-62), la peinture (p. 196-222), les bibliothèques des églises (p. 309-332). Les expressions particulières usitées au moyen âge, les termes peu connus, sont toujours accompagnés d'explications qui rendent la lecture facile.

La guerre ouverte que le nouvel Empire allemand a déclarée à l'Église donne un grand intérêt aux Annales du Saint-Empire du temps de la Réforme 2. L'éditeur, M. Knaake, s'était fait connaître en publiant les œuvres de Staupitz, général des Augustins à Wittenberg, qui chargea Luther de défendre son ordre contre les Dominicains. Il nous donne aujourd'hui l'histoire commencée par Scheuerl, en 1528, qui décrit avec beaucoup de détails les événements, depuis l'an 1511 jusqu'en 1521. A proprement parler, ce livre ne contient rien de bien nouveau, rien qui soit d'une haute importance historique. L'art et la critique ne s'y font point remarquer. Néanmoins c'est un ouvrage curieux. Scheuerl parle avec la réserve d'un rapporteur, mais on aime à observer la manière dont les événements de ce monde se reflétaient dans l'âme d'un contemporain instruit. Cet historien nous fournit, d'ailleurs, de trèsnombreuses et très-exactes informations sur les événements de tous les pays. L'Inde et la Lithuanie figurent dans son livre, et il paraît surtout très-bien renseigné sur l'Est de l'Europe. En général, le style et le récit manquent d'aisance; parfois il s'anime et décrit plus

1 Das Schriftwesen im Mittel-aller. Von W. WATTENBACH. Leipzig, Hirzel, 1871, in-8° de vi-402 p.

2 Jahrbücher des Deutschen Reiches und der deutschen Kirche im Zeitalter der Reformation. Herausgegeben von KNAAKE. 1er Band, 1es Heft. Leipzig, Weigel, 1871, in-8o de 160 p.

vivement certains événements, par exemple la mort du pape Jules II, l'insurrection du pauvre Conrad, le passage des Croisés en Hongrie, l'entrée de Maximilien à Vienne, à Bruxelles, la mort de Max, les obsèques de Trivulce, l'entrée et le couronnement de Charles-Quint à Aix-la-Chapelle. Dans le cours paisible de la narration, se reflètent quelques souvenirs de l'agitation fiévreuse d'un temps passé et les appréciations diverses des contemporains. Cette histoire paraît s'étendre jusqu'à l'an 1555.

- La Bavière doit beaucoup de reconnaissance à l'un de ses historiens, K. A. Müffat. Il s'est appliqué, dans un opuscule nouveau, à débrouiller les événements relatifs à l'électorat de Bavière et du Palatinat, depuis l'an 1256 jusqu'au delà de la paix de Westphalie. Après l'extinction des Carlovingiens en Allemagne, au x siècle, la couronne impériale devint élective. D'abord illimité, le nombre des électeurs fut, vers le XIIIe siècle, réduit à sept. La Bulle d'or donnée par Charles IV, en 1356, confirma ces électeurs dans leur droit, mais le Palatinat perdit, plus tard, son privilége qui fut conféré à la Bavière. De là de longues luttes entre les deux branches de la maison de Wittelsbach. L'historien discute pas à pas les textes et les documents, sans parvenir néanmoins à dissiper toutes les obscurités.

Quoique la guerre des Hussites ait eu pour théâtre principal la Bohème, l'histoire des contrées voisines et de la Silésie, en particulier, a fourni de précieuses indications pour en compléter le récit. Ainsi en est-il de la collection entreprise par la Société de l'histoire et des antiquités de la Silésie 2. Le tome VI, édité par le Docteur Colmar Grünhagen, contient des sources spéciales pour cette histoire. Les annales de la Silésie sont, sans doute, l'objet principal et le centre de cette publication, mais les documents qu'elle renferme s'étendent bien au delà de cette province. La partie la plus importante du recueil, ce sont des lettres et des chartes, inédites pour la plupart. Les lettres de cette époque sont plus riches en renseignements précieux que les documents proprement dits, et on les trouve ici en assez grand nombre. Chose remarquable, la plupart proviennent des Archives de Kanigsberg. Cette particularité s'explique par la correspondance fréquente que l'on entretenait de la Silésie avec les sectaires allemands qui s'étaient mêlés à cette guerre. Les Archives de Magdebourg ont fourni un document; le reste provient des collections de la Silésie et des Archives autrichiennes. Ce grand travail est fait avec beaucoup de soin. Autant qu'on peut en juger sans avoir collationné

Geschichte de Bayerischen und Pfälzischen Kur seit der mille des 13 Jahrhunderts. Von K. A. MUFFAT. München, Franz, 1871, in-4°

68 P.

de

• Scriptores rerum Silesiacarum. Herausgegeben von Verein für Geschichte und Alterthumskunde. VI Band. Geschichtsquellen der Hussitenkriege, herausgegeben von Doctor Colmar GRÜNHAGEN. Breslau, Max und Comp., 1871, in-8° de x1-191 p.

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