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de science, de politique scientifique qu'il a sans cesse à la bouche, tandis que son ignorance. est universellement connue, a montré le chemin à suivre, et ceux qui marchent déjà sur ses traces, nos maîtres de demain, nourris comme lui et plus que lui dans l'oisiveté bavarde de ce qu'on appelle le quartier Latin, ne le vaudront assurément pas. Le bel avenir pour la France! Les ministères, les préfectures et hôtels-de-ville, les palais d'ambassade seront bientôt tout grand ouverts aux mauvais bacheliers; qu'ils s'en contentent et fermons-leur l'Ecole des Chartes. Qu'ils soient préfets, si l'on veut, mais qu'ils ne soient pas archivistes; qu'ils ne puissent pas même aspirer à le devenir! Aussi bien les admissions à l'Ecole des Chartes, quel que soit le nombre des candidats, seront limitées à un chiffre fixe, qui ne dépassera pas, je crois, vingt noms, et il faut . noter que sur ces vingt noms les trois examens des trois années et la thèse en élimineront encore quelques-uns. Ainsi l'on voit que l'exemption conditionnelle accordée, à si juste titre, aux élèves de l'Ecole des Chartes ne privera pas l'armée française d'un grand nombre de combattants.

L'Ecole pratique des Hautes Etudes (section des sciences historiques et philologiques) vient de terminer le premier cycle de ses travaux, que les événements ont fait durer quatre années au lieu de trois, et qu'on pourrait par conséquent, mais pour cette fois seulement, nommer une olympiade. Si l'on considère que les élèves fondateurs de cette jeune institution se sont engagés à produire, dans le délai d'une année, un travail de critique destiné à être inséré dans la Bibliotheque de l'Ecole des Hautes Etudes, en ajoutant cette année aux quatre autres, cette olympiade deviendra un lustre. En ce temps où les grands poëtes se permettent (je dis dans leurs poésies) les plus monstrueux jeux de mots, on permettra bien à un chroniqueur d'en risquer un très-innocent. Je souhaite pour l'Ecole des Hautes Etudes que ce cycle de cinq ans, qui est un lustre, devienne un présage. L'institution peut maintenant être considérée comme vraiment fondée. Elle rendra, je l'espère, et tout porte à le croire, de très-grands services à la science: elle doit se proposer pour objet, non pas d'empiéter sur l'Ecole des Chartes, sur l'Ecole Normale, sur l'Ecole des langues orientales, en un mot sur les Ecoles déjà existantes; elle doit s'attacher non pas à les supplanter, mais plutôt à leur servir en quelque manière de lien, de trait d'union, de supplément ou de complément, suivant les cas. Les lecteurs de la Revue continueront à être tenus au courant de ce qui se passera à l'Ecole des Hautes Etudes, qui a toujours rencontré ici une attention bienveillante, tout en réservant le droit de critique s'il y avait lieu de critiquer.

L'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, dans sa séance du vendredi 3 mai, a décerné le prix fondé par M. de la Fons Mélicoq, et destiné au meilleur ouvrage sur les antiquités de la Picardie et de l'Ile-de-France, à M. E. de l'Epinois, auteur du mémoire n° 4, ayant pour titre Recherches historiques et critiques sur l'ancien comté et les anciens comtes de Clermont en Beauvoisis, du

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XIe au XIe siècle. Dans sa séance du vendredi 7 juin, elle a décerné le premier prix Gobert à M. Gaston Paris, pour son édition critique de la Vie de saint Alexis, et le second à M. Léon Gautier, pour son édition de la Chanson de Roland. Nous avons déjà annoncé ces deux ouvrages à nos lecteurs. MM. Paris et Gautier commilitones sont à juste titre coutumiers des lauriers de l'Académie. L'Académie a décerné ainsi qu'il suit les récompenses qu'elle accorde chaque année à la suite du concours ouvert sur les antiquités nationales : première médaille : M. Paul Meyer, pour son ouvrage sur les Derniers troubadours de Provence; deuxième médaille : M. l'abbé Chevalier (de Tours, pour son travail sur les Origines de l'Eglise de Tours; troisième médaille M. Bonvalot, pour son travail sur les Anciennes coutumes de l'Alsace. Des mentions honorables ont été accordées aux travaux suivants: 1o Etudes sur les sources de l'histoire mérovingienne, par M. Gabriel Monod; 2° Étude sur la Condition forestière de l'Orléanais, par M. de Maulde: 3° Fasti Rothomagenses, par M. Bouquet; 4 Pouille du diocèse d'Amiens, par M. Darsy; 5° Inventaire des Archives des Dauphins au XIVe siècle, par M. l'abbé Ulysse Chevalier (de Romans); 6o Archéologie de l'arrondissement du Havre, par M. Roessler.

La Société Bibliographique a tenu, le 24 mai, dans une des salles de l'Hôtel de la Société d'Horticulture, son assemblée générale annuelle, qui n'avait pu avoir lieu l'an dernier. M. Antoine d'Abbadie, membre de l'Institut, présidait la séance. Il a fait une allocution fort applaudie sur l'union de la foi et de la science. M. de Beaucourt a présenté le rapport sur les travaux de la Société, et M. Bournisien le rapport financier; enfin M. Léon Gautier a donné communication aux membres présents et aux invités de plusieurs passages de la brochure que la Société a publiée depuis sous ce titre : Appel aux hommes de bien. Le nom de son auteur la recommande suffisamment à l'attention de nos lecteurs, qui y retrouveront le zèle, la chaleur, l'abondance, l'éloquence naturelles et habituelles à M. Léon Gautier. La Société publiera ensuite à des intervalles très-rapprochés les brochures suivantes : Causes de nos désastres, par un officier supérieur: L'Internationale, par M. A. Rastoul; Le dimanche, par M. Michel Cornudet; Le vrai 89, par M. Léon de Poncins; Le mariage civil et le mariage religieux, par M. P. Sauzet, que d'autres suivront bientôt. Nous ne croyons pas être indiscret en annonçant la fondation d'une société nouvelle, sœur de la Société Bibliographique, qui sous le titre de Société française des Tracts, et sous le patronage d'un grand nombre de députés, se propose de répandre à flots la lumière, et de combattre les préjugés anti-religieux et anti-sociaux au moyen de petits traités ou récits de huit pages au maximum, tels que sont les tracts en Angleterre. Nous recommandons à nos lecteurs cette œuvre excellente, et nous sommes assuré que la plupart d'entre eux voudront y concourir.

Parmi les publications nouvelles, nous voulons appeler l'attention de nos lecteurs sur un beau livre que M. le comte de Champagny, de l'Académie française, vient de publier sous ce titre : Le Chemin

281 de la vérité. L'âme humaine et ses besoins, la force souveraine du monde, le monde gouverné par une intelligence c'est-à-dire par Dieu, motifs et conséquences de l'aveuglement des hommes, loi du maître suprême, différentes branches du christianisme, fausseté des religions nationales, objections scientifiques, philosophiques, historiques, etc., conclusion, telles sont les divisions de ce livre, qui est bien « une œuvre de zèle et de premier ordre, » comme le dit l'évêque d'Orléans dans sa lettre à l'auteur, et qui justifie l'appréciation de l'évêque de Poitiers qui a appelé naguère M. de Champagny l'un des penseurs et des historiens les plus remarquables de notre temps. » On prend son bien partout où on le trouve : qu'on nous permette donc de nous approprier une page où l'éminent auteur parle en ces termes de l'utilité des travaux historiques, et en particulier des études consciencieuses. Elles jetteront, dit-il, des semences d'idées saines, elles éveilleront dans bien des cœurs des sentiments de justice et d'humanité qui y étaient endormis, elles ébranleront des préjugés iniques et démoliront de sottes admirations en même temps qu'elles relèveront des vertus méconnues, elles feront naitre des doutes chez celui qui est dans une voie fausse, elles pourront affermir celui qui est dans la bonne voie. Elles pourront même arriver, si elles sont écrites sous l'empire d'un sentiment moral vraiment sérieux, à décréditer ces funestes lieux communs qui nous accoutument à honorer le génie, la puissance, le succes, plutôt que la vertu, et glorifient la force qui a fait le mal plus que l'honnêteté qui a fait le bien. » Voilà bien ce que nous cherchons à faire depuis six ans dans cette Revue; c'est notre programme que nous rencontrons sous la plume de M. de Champagny : puissions-nous arriver à sa complète réalisation!

3.

Citons encore parmi les publications récentes : Ivan le Terrible ou la Russie au XVIe siècle, par le comte A. Tolstoy, ouvrage traduit du russe avec une introduction par le prince Augustin Galitzin 2, et qui, sous une forme romanesque, nous présente un aperçu historique des institutions et des mœurs russes au XVIe siècle; -l'Histoire d'Allemagne de M. Jules Zeller, dont le tome Ir vient de paraître 3; une 2e édition de la Généalogie de la Maison de Bourbon de 1256 à 1871, par L. Dussieux, dont nous avons parlé 1; les Lettres de Louise de Colligny, princesse d'Orange, publiées d'après les originaux par Paul Marchegay; la 2e édition de l'Apôtre saint Jean, par M. l'abbé L. Baunard. Annonçons enfin que l'Inventaire sommaire des titres de la Maison ducale de Bourbon, publié par l'administration des archives nationales, dont le premier volume, œuvre du regretté HuillardBréholles, a paru sous l'administration de M. de Laborde, et dont le

1 Paris, Bray, in-12 de xvm-400 p.

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2 In-12, Bibliothèque de l'œuvre de Saint-Michel.

3 In-8°, Didier.

In-8°, Lecoffre.

In-8°, Sandoz.

6 Gr. in-18, Poussielgue.

second a été préparé par notre collaborateur M. Lecoy de la Marche, est à cette heure presque entièrement imprimé.

En terminant cette Chronique, nous avons la douleur d'annoncer à nos lecteurs la mort de notre pieux et savant collaborateur, le R. P. Henri Matagne, de la Compagnie de Jésus, et de la Société des Bollandistes. Le P. Matagne n'avait pas trente-neuf ans. Dès son enfance il avait montré pour l'étude des langues d'étonnantes dispositions. Aussi possédait-il, à des degrés divers, toutes les langues littéraires de l'Europe, anciennes et modernes. Il savait de plus l'hébreu, l'arabe, le syriaque, l'arménien et même les éléments des langues géorgienne, cophte, éthiopienne et assyrienne. Nos lecteurs ont pu apprécier, dans la polémique soutenue ici même au sujet d'Alexandre Borgia, quelle hauteur de raison, quelle sûreté de doctrine, quelle ferme et lumineuse impartialité apportait le P. Matagne dans l'examen des questions historiques. Nous étions fiers de le compter dans nos rangs; nous espérions, nous attendions beaucoup de lui. Il a eu, comme dit Bossuet, le sort des choses avancées. Ayant uni à l'amour de la science la science de l'amour divin, il a reçu de bonne heure sa récompense. Tandis que nous pleurons ici-bas le P. Matagne, il triomphe et prie là-haut pour notre œuvre et pour nous; et pour emprunter encore à Bossuet une grande pensée, si quelque légère trace de nos faibles distinctions parait encore dans une si simple et si claire vision, il adore Dieu en qualité de vérité et de science.

MARIUS SEPET.

REVUE DES RECUEILS PÉRIODIQUES

I. PERIODIQUES ALLEMANDS.

Nous commençons aujourd'hui une Revue des recueils périodiques allemands que nous chercherons à rendre aussi complète que possible. Bien qu'il n'y ait point en Allemagne un très-grand nombre de recueils consacrés spécialement aux travaux historiques, nous trouverons une abondante moisson à glaner. Bornonsnous, dans ce premier article, à une revue justement estimée et qui mérite de nous arrêter à elle seule, par le nombre comme par l'importance des travaux publiés.

Mille ans se sont écoulés entre le deuxième traité de Mersen, où Charles le Chauve et Louis le Germanique se partagèrent la Lorraine, et l'année 1870 où l'Allemagne s'est rangée sous la loi de la Prusse. Les Allemands voient dans le rapprochement de ces deux dates, 870-1870, quelque chose de fatidique. « C'est par le traité de Mersen, dit M. Didolff, que la nation allemande a été constituée. » Dès ce moment le Rhin,, qui n'avait jamais d'ailleurs formé la limite de l'Allemagne à l'ouest, est reconnu pour ce qu'il est, c'est-à-dire pour un fleuve allemand. Il y a quelque chose de mystérieux aussi dans le surnom de ce roi, Louis le Germanique, qui réunit pour la première fois sous son sceptre toutes les races germaines et conquiert la frontière de l'Est. C'est en vain que Charles le Gros réunit encore une fois les deux royaumes en 885, la diète de Tribur en consacre de nouveau la séparation en 887. Charles le Simple franchit, il est vrai, les Vosges et s'étend jusqu'au Rhin, mais Henri I reconquiert la Lorraine, qui depuis lors fut inféodée à l'Empire jusqu'en 1738. C'est au IXe siècle que le mot de Deutsch, c'est-à-dire National, est employé comme antithèse

1870 und 1870. Der deutschen Nation tausend-jährige Jubelfeier. Von P. DIDOLFF. Historische Zeitschrift. Ire liv. de 1871.

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