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résume en quelques lignes le rôle de l'Assemblée législative, et qui, hélas! a été plus d'une fois l'histoire de la nation tout entière: « Le côté droit est composé de cent cinquante constitutionnels, le côté gauche de cent cinquante jacobins ; le centre présente une masse de plus de quatre cents députés, qu'on appelle les Impartiaux, phalange immobile pour le bien, et qui ne se remue que par la peur; c'est elle qui donnera la majorité, et elle la donnera constamment, non au côté droit qu'elle estime, mais au côté gauche qu'elle craint (p. 79). » M. DE LA R.

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Le huitième et dernier volume de Histoire de la Restauration, laissé presque terminé par Alfred Nettement, vient de paraitre. La Revue reviendra sur ce beau travail, où les détails inédits sont si nombreux, où les appréciations sont si justes. Ici nous n'avons qu'à indiquer les sujets traités dans ce huitième volume. Il commence avec l'installation du ministère Martignac qui, pour se trouver une majorité, fait d'abord des avances à Chateaubriand, puis, ayant échoué, se retourne peu à peu vers la gauche. Pendant ce temps, on voit avec tristesse toute l'opposition de droite et de gauche acharnée dans ses accusations inconsidérées contre le ministère de M. de Villèle, et cet esprit clairvoyant signale cette tactique comme menant à des abimes. Au lieu de s'unir pour résister aux révolutionnaires, les royalistes se font entre eux une guerre violente et injuste: ils sont fous, disait M. de Villèle, et les libéraux profitent de leurs folies. Le ministère présente les lois les plus libérales, mais on voit les mem

bres de la droite et de la gauche les repousser également, en s'appuyant les uns et les autres sur des raisons contradictoires. Pour désarmer la gauche, le ministère signe les ordonnances du 16 juin 1828, qui contristent tant les hommes religieux, bien que le cardinal Bernetti intervienne, au nom du Pape, pour calmer l'émotion de l'épiscopat français. Mais tandis que la droite attaque de parti pris tous les actes du ministère, la gauche ne désarme pas; aussi bientôt la position n'est plus tenable. C'est alors que des hommes comme M. de Villèle s'écrient que l'on va à l'anarchie, et que l'on voit M. de Bonald, convaincu de son impuissance, se retirer des affaires, estimant, disait-il, que le mieux était de plier ses voiles afin de donner moins de prise à la tempête. La tempête vint, et l'Assemblée, c'est là une juste remarque de M. Nettement, en enlevant au ministère Martignac l'espoir de former une majorité, a sa part de responsabilité dans la formation d'un ministère de réaction royaliste; M. de Polignac est nommé. De toutes parts on entend des bravades imprudentes: l'extrême droite appelle des coups d'État, l'opposition aspire à des révolutions, et, dans ce but, rassemble toutes ses forces. Les associations pour le refus de l'impôt s'organisent; dans les journaux, on indique clairement le changement de dynastie comme une solution désirable.

La situation est extrêmement tendue, car si le Roi, comme dit M. Nettement, confond souvent les adversaires de sa politique avec les ennemis de sa dynastie, l'opposition, de son côté, confond à plaisir les ministres que l'on peut renverser avec la dynastie qu'elle veut changer; car l'opposition loyale, constitutionnelle, se trouve plus que jamais conduite par cette opposition à outrance, qui

se déclare décidée à repousser toutes les lois, même les meilleures, présentées par le gouvernement. Avant tout acte du ministère nouveau, l'adresse des 221 déclare qu'il n'existe pas de concours entre les vues politiques du gouvernement royal et les vœux du peuple. La maladresse du ministère, l'étrange sécurité de M. de Polignac, confondent tout le monde, et, sans avoir rien préparé pour les soutenir, on sigue ces ordonnances de Juillet qui fournissent à la Révolution le signal qu'elle attend. Ces ordonnances, M. Nettement le fait observer, sont constitutionnelles, car tout le monde alors reconnaît les droits conférés au Roi par l'article 14 de la Charte, mais elles sont impolitiques et impolitiquement lancées. La lutte commence dans la rue: une fatalité étrange semble déjouer toutes les circonstances qui pourraient amener une solution pacifique, et les Bourbons sont forcés de sortir de cette France qu'ils avaient reçue meurtrie, abîmée par les fautes et les désastres de l'Empire, et à laquelle, pendant quinze ans, ils avaient donné la paix et la liberté.

Et pourtant que de blessures la Restauration avait guéries! Avec un budget moyen de 920 millions, elle avait payé plus de 1700 millions de contributions de guerre et d'arriérés, lourde solde de l'Empire; de plus, elle avait éteint, par amortissement, un capital de 700 millions. Comment avait-elle pu atteindre ce résultat? Parce qu'elle était un gouvernement de principe national et traditionnel, parce qu'elle fut sage, prudente et surtout honnête. En même temps qu'elle cicatrisait nos plaies à l'intérieur, elle replaçait au premier rang en Europe la France, qu'elle avait trouvée humiliée, prête à être partagée. Elle franchissait à son heure les Pyrénées, délivrait la Grèce et

s'emparait d'Alger. Pourquoi ce gouvernement, qui nous sauvait, est-il tombé? M. Nettement l'indique en des pages tristement vraies; c'est que, accomplie à l'occasion d'une lutte extérieure, la Restauration ne vit pas s'opérer à l'intérieur une transaction entre les deux esprits royaliste et révolutionnaire qui partageaient la France; c'est qu'aucun de ces deux esprits ne consentit à se dépouiller de ce qu'il avait de trop exclusif et à reconnaître que, dans la lutte de 1789, on était allé trop loin de l'un et de l'autre côté. La contre-révolution et la révolution furent deux fantômes également redoutables. Les fautes sont donc multiples, mais ce que l'on peut dire avec un publiciste de l'école constitutionnelle, M. Charles Dunoyer, cité par M. Nettement, c'est que « nous n'avons fait servir la liberté, quand nous l'avons eue, qu'à battre en brèche l'autorité ; » c'est que « l'ancienne royauté a été détruite en 1830, sans motifs justifiables, et que les choses ne furent poussées à cette extrémité, il faut avoir la sincérité de le reconnaître, que par l'ascendant, devenu irrésistible, des mêmes ambitions exaltées, qui déjà, quinze années auparavant, avaient fait la révolution du 20 mars. >>

Aujourd'hui, dans nos malheurs, nous ne saurions trop méditer l'histoire de la Restauration, pour apprendre comment un peuple se sauve et comment il peut abuser de lui-même pour se perdre. Le grand ouvrage de M. Alfred Nettement nous fournit cet enseignement, et devrait se trouver dans toutes les mains.

H. DE L'É.

Histoire de La Ferté-Bernard (Sarthe), par Léopold CHARLES. Mamers, imp. Fleury, 1869, in-8° de 64 p. avec 2 planches.

Les sires de La Ferté-Bernard au Maine, depois le XIe siècle, par M. L. CHARLES. Le Mans, imp. Ed. Monnoyer, 1870, in-8° de 94 p. et 1 planche. (Extrait du Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe.)

Hôtel de Ville de La Ferté-Bernard (Sarthe), par M. L. CHARLES. Caen, typ. de Le Blanc-Hardel, 1869, in-8° de 9 p. (Extrait du Bulletin monumental.)

Les Halles de La Ferté-Bernard (Sarthe), par M. L. CHARLES. Caen, typ. Le Blanc-Hardel, 1870, in-8o de 11 p. (Extrait du Bulletin monumental)

avec

M. L. Charles vient de donner, dans cette série de brochures, comme une monographie complète de La FertéBernard, comprenant son, histoire, celle de ses seigneurs et celle de ses principaux monuments leur description. Dans son Histoire de La Ferté- Bernard, il résume l'histoire féodale, qu'il développe dans les Sires de La Ferté-Bernard, fait connaitre « l'état de La Ferté au moyen âge; » - l'étendue de la seigneurie, la situation spéciale, l'organisation religieuse avec quelques détails sur les écoles; - « l'administra ion municipale, » qui atteste une vie et qui jouissait de franchises dont nous sommes loin aujourd'hui, et dont une des grandes préoccupations a été l'entretien des fortifications; « l'église, » véritable monument élevé des deniers des habitants; « les artistes, » qui se sont presque tous signalés dans la construction de cet édifice; « les hommes illustres » sortis de La Fer é, et enfin « l'état actuel de La Ferté. » Deux lithographies représentent l'une l'Hôtel de Ville, l'autre l'Eglise. L'appendice donne une inscription relative à l'abbaye de la Pélice et le catalogue des curés.

Dans les Sires de La Ferté-Bernard, M. Charles a relevé avec soin tout ce qu'il a pu trouver sur les seigneurs de La Ferté, les faits auxquels ils ont pris part et les événements dont La Ferté a été le théâtre. Il y a joint quelques traits caractéristiques sur le moyen âge. La Ferté doit son origine à un château construit au XIe siècle, par Avesgaud, évêque du Mans, pour se mettre à l'abri des entreprises d'Herbert, comte du Maine. Quelques années après sa mort, on le trouve aux mains de seigneurs laïques, les Bernard, qui le conservèrent durant trois siècles et lui donnèrent leur nom. Deux fois ils offrirent l'hospitalité aux rois de France et d'Angleterre pour des entrevues. La Ferté passa ensuite à Philippe de Valois, alors simple comte du Maine; à la maison d'Amboise; aux Craon, qui en furent dépossédés par la confiscation faite sur Pierre de Craon, l'un des assassins du Connétable de Clisson; au duc d'Orléans; à la maison d'Anjou, el, durant tout le xvie siècle, aux Guise qui firent ériger cette terre en duchépairie. Plus tard le cardinal de Richelieu l'acheta, et elle resta dans sa famille jusqu'à la Révolution. L'appendice donne la filiation des Bernard, l'état de la seigneurie au xive siècle et les pièces les plus importantes qui ont servi à la rédaction de ce travail.

Ces études sur La Ferté-Bernard sont complétées par deux notices descriptives, accompagnées de planches, sur deux monuments curieux : l'Hôtel de Ville, établi dans une des portes élevées par la communauté au xve siècle; les Halles, construites par Claude de Lorraine.

R. DE ST-M.

Documents historiques sur le Dauphiné. Dixième livraison. Correspondance politique et litteraire du marquis de Valbonnais, président de la Chambre des Comptes, et historien du Dauphiné, publiée et annotée par C.-U. J. CHEVALIER, prêtre, correspondant du ministère de l'Instruction publique. Grenoble, 1872, in-8" de iv-8 p.

se

Je n'ai pas eu tort d'assurer (t. XI, p. 606) que le recueil qui nous était promis par M. l'abbé Chevalier serait « sans nul doute des plus piquants et des plus instructifs. » Ce recueil, tiré à 300 exemplaires, compose de soixante-deux lettres, toutes inédites, écrites ou reçues par Valbonnais dans la dernière année de sa vie, du 7 janvier 1729 au 6 mars 1730 (on sait que le président historien mourut quatre jours avant cette dernière date, âgé de soixante-dixneuf ans). Les correspondants de Valbonnais sont le chancelier d'Aguesseau, le cardinal de Fleury, le duc d'Orléans, auquel le docte magistrat envoyait des truffes délicieuses (p. 6 et 7); Burette, professeur de médecine au collège royal et pensionnaire de l'Académie des inscriptions, lequel avait rendu compte, dans le Journal des Savants, de l'Histoire du Dauphine; M. de Boze, secrétaire perpétuel de la même Académie, « l'un des plus honnêtes hommes et des plus éclairés qui soient dans le royaume » (p. 28); Lancelot, autre académicien, qui avait été, pendant cinq ans, à Grenoble, le collaborateur de l'historien du Dauphiné; l'abbé Bignon, le président Bouhier, tous deux de l'Académie française; le duc d'Antin, etc. Les lettres de Valbonnais et celles de la plupart de ses correspondants renferment de curieux renseignements sur divers sujets, mais principalement sur des sujets d'érudition. Avec des détails très-précis sur les derniers travaux de Valbonnais, que sa mort interrompit au grand détri

ment de l'Histoire du Dauphiné, on trouvera dans ces pages bien des choses sur certains ouvrages de Godeau, l'évêque de Senez, du P. Molinier, de Salvaing de Boissieu, du P. Lamy, de Fontanieu, l'archevêque d'Ancyre, du président Bon, etc., etc. L'abbé Chevalier a mis partout où il le fallait des notes excellentes, qui achèvent de bien faire connaitre les personnages et les livres dont il est question dans cette correspondance, communiquée par M. Amédée de Boutlier, et qui sert de complément aux lettres de Valbonnais à Bouhier, publiées en 1838, d'après les originaux de la bibliothèque de la rue Richelieu, par M. Jules Ollivier, dans des Mélanges biographiques et bibliographiques relatifs à l'histoire litté raire du Dauphiné.

T. DE L.

de

Histoire de l'Hôtel-Dieu Beaufort-en-Vallée (1412-1810), par J.-B. DENAIS. Paris, Didron. Angers, Lachèze, in-12 de 178 p.

L'hôpital de Beaufort remonte au XVe siècle. M. Denais en a retrouvé l'origine, qu'il restitue à Jean Joanneaux et à sa femme, riches bourgeois de cette petite ville. En 1412, ils donnèrent tous leurs biens, « ayant pitié et componction des pauvres, meus en devotion, » pour la fondation et dotation de l'aumônerie de Beaufort, afin que « en celle soient les pauvres gens receuz et hébergez, les mallades allimentez et soutentez jusqu'à ce qu'ils puissent aller mendier, et ceulx qui en la dicte aus monerie trepasseroient sépulturez et miz en terre saincte bien et venerablement, et a chascun trepassé faire dire et celebrer à sa dite sépulture une messe; les pauvres nourrices releuées et les pauvres orphelins nourriz et alimentez. » A la demande des fondateurs

qui désiraient par là assurer la perpétuité de leur œuvre, le seigneur de Beaufort, le maréchal de Boucicault et sa femme en acceptèrent la collation et donation le 27 janvier 1413, ce qui les a fait passer pour les véritables fondateurs.

Joanneaux fut nommé administrateur: il géra avec intelligence et dévouement le patrimoine des pauvres, qui s'accrut d'aumônes faites par de généreux habitants du pays. Mais peu après lui les administrateurs, pour se décharger du fardeau de leurs fonctions, affermèrent les biens: ils n'eurent plus qu'un peu de surveillance à exercer, mais ils firent perdre aux pauvres une partie de leurs biens. Ce fut bien pis lorsqu'on convertit tous les biens en rentes foncières, qui étaient plus ou moins bien payées, et qui faisaient perdre aux pauvres l'espoir de pouvoir profiter un jour des améliorations que devaient nécessairement subir les domaines. Aussi la Maison-Dieu tomba vite en décadence: elle était en ruine lorsque les habitants la vendirent aux Récollets, qu'on désirait voir s'établir dans le pays pour suppléer à l'insuffisance du clergé qui demeurait alors à Beaufort. L'hôpital fut transféré dans une maison tellement malsaine que la mortalité y était effrayante et que les malades refusaient d'y entrer. Ce fut l'évêque d'Angers, Henri Arnould, frère du grand Arnould, qui releva cette fondation en décidant les habitants à la coulier aux Filles hospitalières de Saint-Joseph, qui avaient déjà plusieurs hôpitaux dans le pays. On ne saurait dire tout ce qu'il fallut de courage, de dévouement, d'abnégation à ces religieuses pour supporter ce qu'elles eurent à souffrir de privations, de maladies et de contrariétés. Parmi les premières qui vinrent prendre possession, se trouvait ma

T. XII. 1872.

demoiselle de Melun. C'est une histoire pleine d'intérêt et d'édification; on s'y attache tout particulièrement lorsque l'auteur arrive à la période révolutionnaire, pendant laquelle les religieuses, soutenues par leur admirable supérieure, Jeanne-Renée Ciret, furent des modèles de constance et de fermeté au milieu des persécutions qu'elles eurent à souffrir des révolutionnaires et des schismatiques.

L'auteur arrête son récit à la reconstitution de l'hôpital sous l'Empire; il donne en appendice le catalogue des supérieures, celui des religieuses et la liste des religieuses qui faisaient partie de la communauté en 1790. R. DE ST-M.

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L'histoire générale des fondations charitables et des institutions de bienfaisance est encore à faire. Mais déjà bon nombre de monographies ont paru. Celle que le zélé bibliothécaire de Libourne, M. Eugène Burgade, nous donne dans son Histoire de l'hôpital de Libourne sera une pierre du futur monument. Le savant auteur a recueilli dans les livres et dans les archives confiés à ses soins tout ce qui se rapportait à son sujet; il suit T'hôpital, à travers ses vicissitudes, depuis sa fondation au XIII siècle, date où il existe certainement, jusqu'à nos jours. Il nous montre la jurade administrant plus ou moins sagement; c'étaient les femmes des jurés qui avaient la noble mission d'acheter les approvisionnements des pauvres; eux-mêmes allaient à certains jours les servir. C'est en 1717 seulement que Charles de Secondat 21

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