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riations d'opinions se sont autrefois produites au sujet de Paris considéré comme place de guerre. » Les plus ardents défenseurs de ce système des fortifications se regardaient, dit-il, comme très-audacieux en leur accordant quinze jours de résistance.

Lorsque les Prussiens virent notre armée de Sedan supprimée, notre armée de Metz annihilée, nos places fortes livrées à ellesmêmes sans garnisons et sans ressources, » une révolution politique dans la capitale, ils coururent sur Paris, pensant l'enlever avec presque autant de facilité que Marsal; ne se donnant même pas la peine de faire venir de l'artillerie de siége, ils l'entourèrent avec la conviction que ce serait une affaire de quelques jours. « Eh bien ! de tout ce qu'on avait pensé, dit et prévu pour Paris appelé à se défendre, c'est précisément le contraire qui a eu lieu ! »

Puis l'auteur discute l'inefficacité du bombardement; il a donné pour épigraphe à son livre la phrase suivante : « Paris et ses défenses extérieures ont reçu de l'ennemi deux cent cinquante mille projectiles, sans que l'heure marquée par la famine, pour la capitulation, ait été avancée d'une minute. » Il se résume ensuite en ces mots : « Nous ne croyons pas que l'Allemagne prussienne soit trèsfière du siége de Paris, au point de vue de la science militaire déployée par les chefs de ses armées, » et il soutient que si, au lieu de bombarder la ville, les Prussiens avaient suivi les vieilles règles de l'attaque des places, ils y seraient entrés en moins de trois mois.

On pourrait répondre au colonel Prevost que les Prussiens n'avaient probablement nulle envie de se prendre corps à corps avec la population parisienne et de faire la guerre des barricades. En jugeant la question à un autre point de vue qu'à celui d'un officier du génie, on trouvera peut-être que leur manière de procéder était sage et prudente; ils voulaient avoir Paris, mais par capitulation, et ne se souciaient sans doute pas d'y entrer par la brèche. 11. Les idées de M. le colonel Prevost sur l'excellence du système bastionné comptent de nombreux adversaires. Parmi eux, se range assez volontiers, à côté d'officiers spéciaux de mérite, la masse du public plus ou moins ignorante des choses militaires et fort disposée souvent à stigmatiser du nom de routiniers les hommes qui résistent aux engagements des systèmes nouveaux et aux réformes inconsidérées.

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Un homme de grand talent, fort connu par ses travaux d'architecture, et qui prêta son concours à la défense de Paris comme lieutenant-colonel de la légion auxiliaire du génie, M. Viollet-le-Duc, en étudiant les conditions du siége de Paris, en a tiré, à ce point de vue spécial de la construction des places fortes, des conséquences fort différentes de celles du colonel Prevost 1. Il s'accorde toutefois avec

1 Mémoire sur la défense de Paris. Septembre 1870-Janvier 1871, par E. VIOLLET-LE-DUC, ex-lieutenant-colonel de la légion auxiliaire du génie. Paris, Morel, 1871, 1 vol. in-8° de LIX-237 p. avec un atlas de 12 planches.

lui pour trouver que la direction militaire de l'attaque allemande a été très-peu remarquable.

Des observations générales sur l'esprit de la population, sur la discipline et l'enseignement dans l'armée, des critiques, contestables en plus d'un point, sur les opérations militaires, précèdent les chapitres spéciaux, techniques, où les travaux de l'attaque et ceux de la défense sont étudiés avec grand soin et quelque surabondance de détails.

Les tracés des ouvrages de campagne, le profil des parapets, la construction des abris blindés peuvent, en effet, varier à l'infini, et il n'est pas un ingénieur qui, dans certaines circonstances données, ne modifie avantageusement les formes de quelques types classiques. A cet égard nous avons peu à apprendre, croyons-nous, dans les procédés des Allemands.

L'atlas qui accompagne le livre de M. Viollet-le-Duc contient des planches exécutées avec une très-grande habileté; elles font autant d'honneur au dessinateur qu'au graveur. C'est en artiste, du reste, que l'ouvrage entier a été conçu et exécuté. La France est restée maitresse en cela. · Personne ne songe à le lui contester.

12. Les ingénieurs hydrographes de la marine ont également relevé avec un grand soin les travaux de l'attaque et de la défense. Pour les fronts occupés par la marine, ils ont en outre donné le nombre exact des pièces de chaque batterie et la direction de leur tir.

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Ces travaux ont été reportés sur une carte des environs de Paris, en six feuilles, au ..., qui forment un atlas des plus remarquables et des plus intéressants. Des planches spéciales font connaître les formes des principaux ouvrages allemands dont la description détaillée se trouve dans l'ouvrage publié par l'amiral de La Roncièrele-Noury: La marine au siège de Paris, auquel l'atlas est joint.

L'ouvrage lui-même a été écrit sous la direction de l'amiral, qui commandait en chef les troupes de marine, pour conserver le souvenir des services qu'elles ont rendus. Les éléments de cette relation ont été puisés dans les documents officiels, qui ont été reproduits sans commentaires dans la forme d'un journal sommaire du siége, et c'est ainsi un véritable monument que l'amiral a dédié à ses compagnons d'armes de la flotte.

La plupart des régiments de l'armée de terre étant enfermés à Metz ou détruits à Sedan, on avait appelé en toute hâte à Paris les marins et les troupes de marine disponibles dans les ports. Ils étaient accourus amenant avec eux leur artillerie, leurs munitions et même leurs approvisionnements de vivres. Huit mille marins, trois mille hommes d'infanterie de marine, environ mille huit cents artilleurs et six cents matelots pour les équipages de la flottille, troupes fermes et disciplinées, étaient un précieux appoint pour l'armée qu'on improvisait à Paris.

1 La marine au siége de Paris, par le vice-amiral BARON DE LA RONCIÈRELE-NOURY. Paris, H. Plon, 1872, 1 vol. in-8° de xix-606 p. avec atlas.

On leur confia la défense de six des forts de l'enceinte; ils y transportèrent, avec leurs habitudes de bord, leurs traditions de discipline, de respect et d'obéissance, et appliquèrent à leur vie nouvelle jusqu'aux expressions originales de leur langage pittoresque. Les parapets s'appelèrent des bastingages, les embrasures des sabords; aller à Paris c'était descendre à terre; les heures de loisir étaient consacrées, comme en mer, au loto traditionnel, «ce whist des matelots; » et c'est ainsi que ces braves gens traversèrent simplement ces longs jours d'épreuve, sans défaillance, et sans autre souci que de faire bravement leur devoir en défendant l'honneur du pavillon. L'amiral le leur rappelle en termes émus dans les pages de l'avant-propos; mais, les défendant des éloges que la presse et la population de Paris leur prodiguaient « avec un entraînement peutêtre exagéré, » il leur dit de se souvenir des grands exemples qui furent aussi donnés par leurs camarades de l'armée de terre, et des actes d'héroïsme souvent accomplis par ces poignées d'enfants inexpérimentés de la mobile et par leurs aînés de la garde nationale. »

Un profond sentiment religieux et un ardent patriotisme animent le livre de l'amiral de La Roncière; il ne désespère pas de l'avenir : « Un jour viendra, dit-il noblement, où la marine, honorée par les souvenirs mêmes du siége de Paris, ira, portant toujours le front haut, sur des navires qui recevront les noms d'Avron, de Rosny, du Bourget, de Montrouge, dire au monde entier que la France s'est relevée plus forte, plus puissante et aussi plus sage qu'autrefois. »

13. Le général Vinoy, qui a exercé d'importants commandements pendant la durée du siége, a publié également l'historique des opérations de guerre exécutées sous ses ordres; le récit forme deux volumes, dont le premier donne les opérations du 13° corps et de la 3 armée, et le second comprend, outre la période du siége postėrieure à la bataille de Buzenval, l'armistice, la guerre contre la Commune '.

Le général Vinoy a évité autant que possible de toucher à la question politique pour se borner à écrire un rapport militaire, qu'il adresse au ministre de la guerre. Il donne les détails de la formation du 13o corps d'armée, relate sa marche sur Mézières et la retraite qu'il effectua heureusement pour revenir à Paris. Pendant le siége, il dirigea les opérations militaires sur la rive gauche de la Seine, d'abord à la tête du 13e corps, et plus tard avec la 5o armée. Il commandait en chef aux combats du 23 septembre, du 30 septembre, où le général Guilhem, à la tête de deux régiments qui méritèrent plus tard d'être appelés illustres, pénétra dans le village

1 Siége de Paris - Opérations du 13° corps et de la 3o armée, par le général VINOY. Paris, H. Plon, 1872, in-8o de 1-536 p. avec atlas.

L'armistice et la Commune. Opérations de l'armée de Paris et de l'armée de réserve, par le général VINOY. Paris, H. Plon, 1872, in-8o de 442 p. avec atlas.

de Chevilly où il fut glorieusement tué; c'est lui encore qui dirigea la reconnaissance du 13 octobre sur les hauteurs de Bagneux.

Lorsqu'une nouvelle formation fut donnée aux forces actives, le général Vinoy se sépara des divisions du 13° corps; il reçut le commandement de la 3 armée et resta chargé de la défense sur la rive gauche. Le 29 novembre, jour primitivement fixé pour la grande sortie que devait commander le général Ducrot, le général Vinoy fit une importante diversion vers Choisy-le-Roi et l'Hay. Averti des obstacles qui avaient empêché le passage de la Marne, il fit aussitôt replier ses troupes, qui avaient malheureusement déjà perdu un millier d'hommes dans un combat sans but utile.

La bataille du 30 novembre n'ayant pas été décisive, le commandant en chef de la 3o armée avait proposé au gouverneur de se retourner immédiatement à l'ouest, tandis que l'ennemi concentrait ses forces du côté opposé, de faire traverser Paris aux troupes les moins fatiguées de la 2e armée, de les réunir aux siennes propres, et de marcher sur Versailles qui était alors fort dégarni. Cette proposition ne fut pas accueillie.

Le 21 décembre, jour de la bataille du Bourget, la 3e armée combattit à l'aile droite sous le canon du Mont-Avron, elle enleva les positions qui lui étaient assignées.

A Buzenval, les troupes du général Vinoy étaient au contraire à l'aile gauche; elles s'emparèrent des hauteurs de Montretout. Mais l'insuccès des efforts sur les autres points de la ligne de bataille devait rendre cet avantage stérile.

Tous ces combats sont décrits avec des détails fort circonstanciés; des croquis, rédigés avec une grande clarté, permettent de suivre les mouvements des troupes, et l'on regrette naturellement de ne trouver dans aucune autre publication des renseignements aussi exacts sur les opérations qui eurent lieu sur d'autres fronts.

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Après la bataille de Buzenval, une vive irritation se manifesta dans la population parisienne contre le général Trochu; dans ces circonstances difficiles, « il montra, dit le général Vinoy, autant de calme que de fermeté; il déclara qu'il ne se démettrait pas de ses fonctions, mais qu'il engageait le gouvernement à le remplacer; » l'émeute grondait menaçante; enfin, après bien des tergiversations, le général Vinoy fut nomméau commandement supérieur, sans avoir été consulté. « Depuis un mois déjà son nom était tenu en réserve pour l'opposer à celui du général Trochu,» mais il l'ignorait. Il n'existait aucune sympathie entre ces deux officiers généraux ; cependant on ne trouvera rien dans les livres du général Vinoy qui indiquât la gravité des dissentiments dont le général Trochu a luimême précisé l'importance 1.

On lira encore avec grand intérêt dans ces deux volumes les chapitres relatifs au bombardement et à l'énergique résistance que les

L'Empire et la défense de Paris devant le jury de la Seine, par le général TROCHU.

forts du Sud surent y opposer. Cet ouvrage se classe parmi les publications militaires les plus remarquables qui ont paru sur la dernière guerre.

Nous avons dû négliger, dans cette étude bibliographique, un grand nombre d'ouvrages non sans mérite; mais il nous a fallu nécessairement choisir ceux qu'il convenait de signaler plus particulièrement. Derrière ceux-ci, nous voudrions en citer beaucoup d'autres qui, bien qu'au second rang, occupent une place assez honorable pour que leurs noms ne soient pas oubliés. Le lecteur en trouvera une liste fort complète dans les livraisons mensuelles du Polybiblion, revue bibliographique universelle.

D'autres paraitront encore, et parmi ceux qui attireront le plus l'attention du monde militaire sera incontestablement le récit officiel rédigé par l'état-major prussien sous la direction de M. de Moltke. Nous nous réservons, s'il y a lieu, d'en présenter l'analyse critique.

II

LEON D'ISSAC.

L'ANGLETERRE

ET LA CONQUÊTE NORMANDE'

La Revue, dans sa livraison du 1er avril 18692, a rendu compte des deux premiers volumes du remarquable ouvrage de M. Edward A. Freeman, intitulé: Histoire de la conquête normande de l'Angleterre. Ces volumes, d'une étendue considérable et d'un puissant intérêt, n'embrassaient encore que les préliminaires du sujet que M. Freeman se proposait de traiter. L'histoire de l'Heptarchie, celle de la

1 The History of the Norman conquest of England, its causes and its resulls, by Edward A. FREEMAN. Vol. III and IV. Oxford, Clarendon Press, 1869-1871, 2 vol. gr. in-8°.

2 Voir t. VI, p. 529.

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