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Amulettes, anneaux, baguettes, talifmans,

Et tant d'autres fecours qu'embraffe une ignorance,
Si folle dans fa crainte, & dans son espérance.

De toutes nos erreurs quand le nombreux effain Dans l'Egypte produit, s'échappa de fon fein, L'amour d'un doux climat l'emporta dans la Grece. Un peuple qu'endormoient dans une longue ivreffe La Mufique, les vers, les danfes, & les jeux, D'Apelle, de Scopas, & d'Homere amoureux,

Amulettes , anneaux, &c. Depuis que Dieu s'eft retiré de l'homme pécheur, il ne lui a parlé que rarement, & toujours pour le rappeller à lui, & le rendre meilleur ; cependant nous nous imaginons qu'il doit à tout moment fatisfaire notre curiofité fur fes frivoles questions. De-là tous ces moyens ridicules , que nous avons inventés pour l'interroger; les oracles de l'Antiquité dont j'ai parlé au troifiéme Chant les entrailles des victimes, le vol des oifeaux, les chênes de Dodone, &c. De-là les talifmans, les amulettes, les anneaux, les bulles, &c. De-là le crédit dans lequel fe font maintenus depuis fi longtems tous ceux qui fe vantent de prédire l'avenir, ou d'avoir la propriété de la baguette; de-là tous les myfteres des Cabaliftes. J'ai vu des gens perfuadés de l'exiftence d'un peuple élementaire, & des fubftances aeriennes. Si le premier qui a avancé de pareilles chimeres, les a avancées férieufement, il avoit un grand mépris pour le genre humain. C'est la ré: Hexion que fait Pline fur une autre ef

pece d'impofteurs. Hac ferio quemquam dixiffe fumma hominum contemptio eft.

De toutes nos erreurs, &c. L'Egypte fut la mere des fciences & des erreurs. Les unes & les autres pafferent d'abord en Grece. Je ne fais pourquoi quelques-uns de nos Savans ont prétendu trouver nos nouvelles découvertes dans la Phyfique chez les Grecs. Si l'on juge de la Physique des Grecs par le traité de Plutarque des opinions des Philofophes; quel amas d'extravagances! Anaximenes difoit que les étoiles étoient fichées dans le criftal du Ciel, comme des têtes de clou. Anaxagore debitoit que le Ciel étoit de pierre, & le foleil une pierre de feu auffi grande que le Peloponefe. Quand des Philofophes fameux dans une nation avancent de pareilles opinions, la nation n'eft pas favante. Les Sages de la Grece, occupés de la morale négligerent l'étude de la nature. Thales cependant fe douta que le foleil devoit être plus grand que le Peloponese, & entrevit la rondeur de la terre,

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Confacrant aux beaux arts fes yeux & fes oreilles,
Du Ciel & de la Terre oublia les merveilles.
Leurs Sages rarement en parurent frappés:
Et jamais les Romains n'en furent occupés.
Tout plein de fon héros, au lieu de la nature
Lucrece leur chanta les rêves d'Epicure.
Ambitieux de vaincre, & non de discourir,
L'art des enfans de Mars, fut l'art de conquérir.
L'étude a peu d'attraits pour les Maîtres du monde.

Le foleil, difoient-ils, va fe coucher dans l'onde,
La voûte dont le cercle a pour base la mer,
Sous fon dôme brillant couvre la terre & l'air,
Et le vieux Ocean, pere de la nature,

Etend autour de nous fon humide ceinture.
Tels étoient leurs progrès, lorsque du vrai savoir
La fureur des combats éteignit tout espoir.

Tout plein de fon héros, &c. La Phy. fique de Lucrece, la même que celle d'Epicure, eft un amas d'erreurs groffieres. Plufieurs de ces erreurs ont été honorées des vers de Virgile jours très-grand Poëte dans fes Georgiques, mais fouvent mauvais Phyficien.

tou

L'art des enfans, &c. Virgile abandonne aux autres nations la gloire de tous les Arts, même celle de l'Eloquence, orabunt caufas meliùs.

Le foleil, &c. Quelques peuples s'i

maginoient que la terre étoit portée par des élephans. Les Grecs & les Romains croyoient que la nuit les aftres s'alloient rafraîchir dans la mer; que le Ciel nous couvroit comme une voûte, & que l'Ocean environnoit la terre. Cofme l'Egyptien débite comme l'opinion commune de fon tems, que le foleil fe couchoit derriere une montagne. De-là l'iné galité des jours, fuivant qu'il fe couchoit au haut ou au bas de la montagne.

Foible par fa grandeur, ce n'étoit qu'avec peine
Que fur la terre encor Rome étendoit fa chaîne.
D'esclaves trop nombreux fon empire accablé,
Malgré fon double appui, fe fentit ébranlé;
Et lorfque par les mains du conquérant Herule
Le trône des Céfars tomba fous Augustule,
Sa chûte fit trembler celui des Conftantins.
Le fameux Impofteur fuivi des Sarrafins,
Jetta les fondemens d'un pouvoir formidable,
Que fous un autre nom rendit plus redoutable
Le peuple que l'Euxin vomit de fes marais,
Du jour que le fecond de fes fiers Mahomets,
La gloire du Croiffant, & la terreur du monde,
Eut enfin foudroyé Bizance & Trébisonde.

Que nos plus beaux Palais de cendres foient cou

verts;

Mais pourquoi tant d'écrits à nos regrets fi chers, Sont-ils brûlés comme eux, vainqueur impitoyable ?

Jetta les fondemens d'un pouvoir for midable, &c. L'Empire des Califes dont Mahomet jetta les fondemens devint beaucoup plus formidable par l'union des Turcs & des Sarrafins.

Que nos plus beaux, &c, Quand Ma

homet II. fe tendit maître de Conftantinople, les Palais des Empereurs, les Statues, les Tableaux, & des Bibliotheques plus précieufes encore que tant de tares monumens de l'Antiquité, furent brûlés par un peuple ennemi des Arts & des Sciences.

L'ignorance à tes veux fans doute eft favorable.

Que crains-tu ? Son empire est par-tout affermi,
Depuis que du bon fens un favoir ennemi
Trouvant l'art d'obfcurcir le Maître des ténèbres,
Forme dans fes écrits tous ces Docteurs célèbres
Qui le dilême en main prétendent de l'Abstrait
Catégoriquement divifer le Concret,

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Quand viendra ton Vengeur, ô Raison qu'on outrage!

De tant de mots pompeux le fuperbe étalage Trouvoit de tous côtés d'ardens admirateurs, Et la nature entiere étoit fans fpectateurs. L'intérêt cependant va nous rapprocher d'elle. Un Genois nous apprend, quelle étrange nouvelle !

Le Maître des ténèbres, &c. Ariftote, dont la longue & étonnante fortune commença par l'amour que les Arabes prirent pour fes écrits, qu'ils obfcurcirent encore par leurs commentaires. Ciceron dit qu'Ariftote eft inintelligible même aux Philofophes, Ariftoteles ipfis Philofophis ignotus. Le P. Rapin qui en fait un pompeux éloge dans fes réflexions fur la Philofophie, avoue cependant qu'il femble n'avoir écrit que pour n'être pas entendu,& pour donner de l'exercice aux fiécles fuivans. Pourquoi at'on voulu perdre fon tems à un pareil exercice?

Tous ces Docteurs, c. Les anciens Philofophes avoient néglige la nature: ceux qui les fuivirent la négligerent encore plus. Pendant plufieurs

fiécles, on n'entendit parler que des inutiles fubtilités des Scolaftiques. La fameufe guerre entre les Nominaux & les Réaliftes, où l'on vit d'un côté le Docteur fubtil, de l'autre le Docteur invincible, ne put finir que par un Edit de Louis XI.

Un Genois, &c. Les Anciens ayant toujours cru la terre une fuperficie plate, ne pouvoient foupçonner un autre hemifphere fous le nôtre. Il n'y a nulle apparence que Platon, par cette Ifle Atlantique dont il parle, & dont les Savans difputent, ait entendu l'Amérique. Cependant par quelque érudition dont nous ignorons l'origine, Seneque le tragique annonce avec un ton de Prophète, qu'un jour on découvrira an nouveau mon

Qu'au-delà de ce monde il est un monde encor,
Monde dont l'habitant abandonne tout l'or.

Nous volons. Quel que foit l'objet qui nous anime,
Comment de tant de mers franchiffons-nous l'abîme?
Si long-tems fur fa feuille attaché dans un coin,
Par quel effort l'Infecte a-t'il rampé fi loin?

Un aimant (le hazard dans l'air le fit suspendre) En regardant le pôle, aux yeux qu'il dût furprendre Révela cet amour qu'on ne foupçonnoit pas: Amour heureux pour nous, & fatal aux Yncas. Nos flottantes forêts couvrent le fein de l'onde. La bouffole nous rend les citoyens du monde. Des deux Indes pour nous elle ouvre tous les ports; Et nous en rapportons par elle les tréfors.

de;
mais que ce jour est très-éloigné.
Venient annis facula feris quibus Oceanus
vincula rerum laxet, & ingens pateat
tellus. Sur quel fondement pouvoit-
il prédire ce nouveau monde, auquel
on ne fongeoit point quand Chri-
ftophle Colomb découvrit l'Améri-
que? Colomb lui-même la découvrit
dans le tems qu'il croyoit aller à la
Chine.

Un aimant, &c. On favoit feulement que l'aimant attiroit le fer; & jufqu'au douziéme fiécle on a ignoré qu'étant fufpendu, il tourne toujours le même côté vers le même Pôle du monde. J'ai obfervé dans le troifiéme Chant, que les Arts les plus utiles ont dû leur naiffance au hafard.

Nos plus belles découvertes dans la Phyfique ont eu le même fort. Où l'efprit humain trouve de quoi s'élever, il trouve autfi de quoi s'humilier; parce que tout lui rappelle fa foibleffe & fa grandeur.

· Amour heureux pour nous, & fatal aux Incas, &c. Cette propriété de l'aimant découverte nous procura la bouffole, avec laquelle nous entreprîmes des voyages de longs cours. On connut la terre: on étudia la nature, & l'Aftronomie. Mais les Yncas qui étoient depuis fix cens ans les Rois du Perou, lorfque les Efpagnols y arriverent conduits par Pifaro, eurent bien fujet de détefter la Bouffole & les Efpagnols.

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