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PREFACE.

L

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A Raifon qui me démontre avec tant de clarté l'existence d'un Dieu, me répond si obscurément lorsque je l'interroge fur la nature de mon Ame, & garde un filence fi profond quand je lui demande la cause des contrariétés qui font en moi, qu'elle-même me fait fentir la néceffité d'une Révélation, & me force à la defirer. Je cherche parmi les différentes Religions, celle dont cette Révélation doit être le fondement. Par le premier de tous les Livres, que me donne le premier de tous les peuples, & par la fuite de l'Hiftoire du monde, je trouve à la Religion Chrétienne tous les caracteres de certitude que je fouhaite. Plein d'admiration pour elle, je m'y foumettrois auffi-tôt, fi je n'étois arrêté par l'obscurité de ses mysteres, & par la féverité de fa morale. J'examine la foiblef

fe de mon efprit, & je reconnois que ma Raifon ne doit pas être ma feule lumiere. J'examine mon cœur, & je reconnois que la morale Chrétienne eft conforme à fes befoins. J'embraffe avec joie une Religion aussi aimable que refpectable.

Tel eft le plan de cet ouvrage, que j'ai conduit fur cette courte pensée de M. Pascal: A ceux qui ont de la répugnancé pour la Religion, il faut commencer par leur montrer qu'elle n'eft pas contraire à la Raifon, enfuite qu'elle eft vénérable; après, la rendre aimable, faire fouhaiter qu'elle foit vraie, montrer qu'elle eft vraie, & enfin qu'elle eft aimable.

Cette pensée eft l'abregé de tout ce Poëme, dans lequel j'ai souvent fait usage des autres pensées du même Auteur, auffi-bien que des fublimes réfléxions de M. de Meaux fur l'Hiftoire Universelle. En fuivant ces deux grands Maîtres, j'ai choisi les deux hommes qui ont écrit fur la Religion de la maniere la plus convaincante, la plus noble, & la plus digne d'elle.

Quoique chaque Chant contienne une matiere différente, & faffe, pour ainsi dire, un Poëme particulier ; ils doivent tous cependant répondre au deffein général, & être liés

enfemble; de façon que le premier amene le fecond celui-ci le troifiéme, & ainfi des

autres.

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CHANT I.

La vérité fondamentale de toutes les autres vérités, est l'existence d'un Dieu. Elle fait le fujet du premier Chant. J'en tire la preuve des merveilles de la nature & de l'harmonie de toutes fes parties, qui concourant à la mê.me fin, font voir l'unité du deffein de l'Ouvrier. Je montrerai dans la fuite, que cette même unité de deffein regne auffi dans l'établissement de la Religion; parce que ces deux grands ouvrages ont le même Auteur. L'idée que nous avons d'un Dieu me fournit la feconde preuve. Cette idée eft commune à tous les hommes, qui n'ont couru après les fauffes divinités, que parce qu'ils cherchoient la véritable. Ainfi l'idolatrie me fournit une nouvelle preuve. La derniere eft prise de notre conscience intérieure, & de la loi naturelle, qui avant toutes les autres loix, a toujours forcé les hommes à condamner l'injuftice, & à admirer la vertu.

CHANT I I.

La néceffité de se bien connoître foi-même pour bien connoître Dieu, conduit au fecond Chant j'imite le langage d'un homme, qui après avoir perdu fes premieres années dans des études frivoles, veut faire la plus importante des études, qui eft celle de foi-même. J'ouvre les yeux fur moi, & je fuis étonné des contrariétés que j'y trouve. Qui fuisje? Mon bonheur ne peut être ici bas, puifque j'y dois refter fi peu, Quand j'en fortirai, où irai-je ? Mon ame eft-elle immortelle ? Ma raifon m'en donne des affurances que je faifis avec joie; cependant comme je crains que mon interêt à croire une vérité fi confolante ne m'en ait fait trop aisément recevoir les preuves; je veux m'inftruire de ce que la Raifon a dit aux plus fameux Philofophes de l'antiquité. Je les vois tous divifés entre eux, par des fiftêmes qui ne m'expliquent rien. Platon me contente plus que les autres; mais quand je lui demande la cause de mes malheurs, il fe taît, Ces Philofophes ont connu notre mifere, & tous en ont ignoré la caufe. Le filence de la Raifon m'allarme ; je fuis prêt à me

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