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Les Juftes de la Loi, ces hommes de desirs,
De leur foi toujours vive auront la récompenfe.
Il vient, tout l'Univers fe leve à fa présence:
L'Agneau faint de fon fang va fceller le traité
Qui nous réconcilie à fon Pere irrité.
Chargé de nos forfaits fur la croix il expire,
Et du Temple auffi-tôt le voile fe déchire.
Aux prophanes regards le lieu faint fut livré:
Le Dieu qui l'habitoit s'en étoit retiré.
De ce Temple fameux la gloire étoit paffée;
La vile Sinagogue alloit être chaffée :

Les tems étoient venus, où régnant dans les cœurs
Dieu vouloit se former de vrais adorateurs,
Et donnant à son Fils une épouse plus fainte,
Devoit répudier l'esclave de la crainte.

Mortels qui jufqu'ici répandiez tant de pleurs,
Triftes enfans d'Adam, banniffez vos douleurs.

Les tems étoient venus, Reliquit priùs Deus hominem in libertate arbitrii, in lege naturali, ut fic vires natura fue cognofceret: ubi cùm deficeret, legem accepit, quá data morbus invaluit, non legis fed nature vitio ; ut ita cognità fud infirmitate, clamaret ad medicum, & gratia quareret auxilium. S. Thomas 3. P. q. 1. Article 5.

Dieu d'abord abandonna l'homme à fon libre arbitre, fous la loi de nature; afin qu'en cet état, il fît comme l'effai de fes forces. L'homme s'étant trouvé trop foible, reçut la Loi: alors fa maladie augmenta, non par la faute de la Loi, mais par la corruption de la nature humaine : & par une trifte expérience de fa foiblefie il apprit à recourir au Medecin, & à chercher le fecours de la Grace.

Du fang de Jefus-Christ l'Eglise vient de naître
La nuit eft diffipée, & le jour va paraître,
Il arrive ce jour fi long-tems attendu,
Ce jour que de fi loin Abraham avoit vu.
Le Saint tant defiré, tant prédit par vos Peres,
Vous annonce aujourd'hui la fin de vos miferes.
Sortez, humains, fortez de la captivité;
Ce Dieu qui pour toujours vous rend la liberté,
Ne veut plus que fon peuple en efclave le craigie:
Sa Grace & fon amour vont commencer leur régne,

CHANT II.

VOUS que la vérité remplit

la vérité remplit d'un chaste amour,

N'efperez point encor dans ce trifte féjour,

Paifibles poffeffeurs la goûter fans allarmes :
Chrétiens, fouffrez pour elle, & prêtez-lui vos armes.
L'Eglife à la douleur destinée ici-bas,

Prit naiffance à la Croix, & vit dans les combats.]
Il faut que tout entier fur elle s'accompliffe
De fon époux mourant le fanglant facrifice.
Contr'elle le démon arma les Empereurs ;

Le fer brilla d'abord : inutiles fureurs !

En vain on la déchire, en vain le fang l'inonde:

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De ce fang humectée elle en devient féconde.

L'Empereur à la Croix foûmit fon front payen,
Montra qu'on pouvoit être & Céfar & Chrétien.
Le Prêtre d'Apollon renverfa fon Idole,
Et Jupiter vaincu tomba du Capitole.

L'Eglise dans son sein voyoit naître la paix,
Quand la fiere Héréfie envenimant fes traits,
Aux enfans de la Foi vint déclarer la

guerre.
Plus d'une fois vaincue, enfin dans l'Angleterre
Elle appelle un vengeur ; & fidelle à sa voix
Pelage de la Grace ofe attaquer les loix.
De notre liberté défenseur téméraire,

Au céleste pouvoir il prétend nous fouftraire.
Hélas! que des humains les dehors font trompeurs !
De Pelage long-tems on admira les mœurs:

Mais

que fert qu'en public la vertu nous honore, Si le ver de l'orgueil en fecret nous dévore? Pelage fe démafque à l'Univers furpris,

Pelage de la Grace. Pelage né en Angleterre étoit Moine: il vint à Rome fur la fin du quatriéme fiécle, & y cut long-tems la réputation d'un homme de vertu & de piété. Il commença en 400 à débiter fes erreurs, qui confiftent en trois points principaux. 1. Qu'il n'y a point de péché originel. 2. Que l'homme fe peut porter au bien fans le fecours de la Grace, qui eft donnée à proportion qu'on la mérite. 3. Que l'homme peut parvenir à un état de perfection dans lequel il n'eft plus fujet aux pallions, ni au péché. Par une. profeffion de foi captieufe il furprit le Pape Zofime, qui depuis reconnut qu'il avoit été trompé, & condamna Pelage.

Et vient à Rome même infecter les efprits,
Le Docteur pénitent, l'austere Anachorette,
Qui croit toujours du Ciel entendre la trompette,
Ce Savant, fi fameux par tant d'Ecrits divers,
Qui du fond de fa Grote éclaire l'Univers,
Jerôme vieux alors, ranime fon courage;
Mais le feul Augustin devoit vaincre Pelage,
De ce grand défenfeur le Ciel ayant fait choix,
Lui mit la plume en main, le chargea de ses droits.
Augustin tonne, frappe & confond les rebelles.
Sa doctrine aujourd'hui guide encor les fidelles:
Rome, tout l'Univers admire fes Ecrits,
Et M..... lui feul en ignore le prix.
Disciple d'Augustin, & marchant sur sa trace,
Profper s'unit à lui pour défendre la Grace.
Il pourfuivit l'erreur dans fes derniers détours,

Le Docteur pénitent. S. Jerôme, fameux par fa vaste érudition, & par sa vie auftere, écrivit contre Pelage, & mourut peu de tems après.

De ce grand défenfeur. L'Eglife a eu toujours une finguliere vénération pour S. Auguftin, qu'elle a regardé comme le Docteur de la Grace. Les Conciles & les Papes fe font fouvent fervis de fes termes pour former leurs décisions.

Profper s'unit à lui. S. Profper qui felon toutes les apparences n'a jamais été que fimple Laïque, étoit d'Aquitaine. Il s'eft acquis une grande réputation par fon Poëme contre les Ingrats, c'est-à-dire, contre les ennemis de la Grace. "On s'étonne que ce Saint ait pu accorder la beauté de la verification ,, avec les épines de fa matiere, & que l'exactitude pour les Dogmes de la Foi y foit fi régulierement obfervée, malgré la contrainte des Vers & la liberté de l'efprit poëtique. Les vérités font représentées avec les orne,, mens naturels de la Poëfie, c'eft-à-dire, avec une hardieffe également agréable & ingénieufe. Cet éloge du Poëme de S. Profper eft dans le Jugement des Savans, par M. Baillet.

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