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L'homme à la femme uni met au jour des coupables,

D'un

pere malheureux héritiers déplorables..

Aux folides avis l'enfant toujours rétif,
Par la feule menace y devient attentif.
De l'âge & des leçons fa raison secondée,
A peine du vrai Dieu lui retrace l'idée.
Hélas ! à ces malheurs, par sa femme séduit
Adam, le foible Adam, avec nous s'eft réduit.

Son crime fut le nôtre, & le

pere

infidelle

Rendit toute fa race à jamais criminelle.

Ainfi le tronc qui meurt voit mourir ses rameaux,
Et la fource infectée infecte fes ruiffeaux.

L'homme depuis ce jour n'apporte à fa naissance
Que la pente au peché, l'erreur & l'ignorance.
Par l'amour des faux biens il remplit dans fon cœur
Le vuide qu'y laiffa l'amour du Créateur:
Dans fon funefte fort d'autant plus déplorable,

Adam', le foible Adam.

Corruit, & cuncti fimul in genitore cadente
Corruimus: tranfcurrit enim virofa per omnes

Peccati ebrietas.

Adam notre premier pere eft tombé, & nous a tous entraînés dans l'abîme où il s'eft précipité : car depuis fa chûte, le venin du péché & de la concupif cence fe communique à tous les hommes. S. Profp. 3. Part, c. 17.

Dans fon funefte fort." Cet état malheureux de l'aine affervie fous la pefan,, teur du corps a fait penfer aux Philofophes, que nos ames étoient atta. Achées à ce corps comme à un cadavre, & ils ne pouvoient concevoir qu'un

Qu'il ignore le poids du fardeau qui l'accable;
Qu'il fe plaît dans fes maux, & fuit la guérison;
Qu'il aime ses liens, & chérit sa prison.
A le voir, pourroit-on croire fon origine!
Eft-ce là, direz-vous, cette image divine?
Sans doute. Le portrait n'eft pas tout effacé;
Quelque coup de pinceau demeure encore tracé.

Malgré l'épaiffe nuit fur l'homme répandue,
On découvre un rayon de fa gloire perdue.
C'est du haut de fon Thrône un Roi précipité,
Qui garde fur fon front un trait de majesté.
Une fecrette voix à toute heure lui crie
Que la terre n'eft point fon heureuse patrie;
Qu'au Ciel il doit attendre un état plus parfait.
Et lui-même ici-bas quand eft-il fatisfait ?
Digne de poffeder un bonheur plus folide,
Plein de biens & d'honneurs, il refte toujours vuide.
II forme encore des vœux dans le fein du plaisir,

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tel fupplice fe pût trouver dans un monde gouverné par un Dieu juste. fans quelque péché précedent. De dures expériences firent connoître à ces Philofophes le joug pefant des enfans d'Adam ; fans en favoir la cause, en fentoient les effets. M. Boffuet, Elev.

ils

C'eft du haut de fon Throne. L'homme eft fi grand, dit M. Pascal, que fa grandeur paroît mieux en ce qu'il fe connoît miférable. Ce font miféres de grand Seigneur, mifères d'un Roi dépoffedé.

Il n'eft jamais enfin qu'un éternel defir.

D'où lui vient fa grandeur ? d'où lui vient sa bassesse? Et pourquoi tant de force avec tant de foibleffe? Réveillez-vous, mortels, dans la nuit absorbés, Et connoiffez du moins d'où vous êtes tombés. Non, je ne fuis point fait pour poffeder la terre. Quand' ne ferai-je plus avec moi-même en guerre ? Qui me délivrera de ce corps de péché?

Qui brisera la chaîne où je fuis attaché ?

Mon cœur toujours rebelle, & contraire à lui-même,
Fait le mal qu'il détefte, & fuit le bien qu'il aime,
Je veux fortir du gouffre où je me vois jetté ;
Je veux... mais que me fert ma foible volonté ?
Legere, irréfolue, incertaine, aveuglée,
Et malgré font néant, d'un fol orgueil enflée,
Voulant tout entreprendre, & n'exécutant rien,
Capable de tout mal, impuissante à tout bien,
Compagne qui m'entraîne au vice que j'abhorre,
Et guide qui ne fert qu'à m'égarer encore.

Mon cœur toujours rehelle. Non enim quod volo bonum hoc facio, fed quod nolo malum hoc ago... infelix ego home, quis me liberabit de corpore mortis bujus ? S. Paul aux Rom. c. VII. Y. 19. 24.

Je ne fais pas le bien que je veux : & je fais au contraire le mal que je ne veux pas.... malheureux que je fuis! Qui me délivrera de ce corps de

mort?

Mais par ce guide seul autrefois éclairés,
Les fuperbes mortels fe croyoient affurés.
Pour confondre à jamais cette altiere fageffe,
Le Ciel leur fit long-tems éprouver leur foibleffe.
A leurs fens il livra Rois & peuples entiers,
Et les laissa marcher dans leurs propres fentiers.
La digue fut foudain rompue à tous les vices :
On ne vit plus par-tout, que meurtres, injustices,
Débordemens impurs, brigandages affreux,
Et du crime honoré le regne ténébreux.
A de frivoles biens créés pour fon usage,
L'homme ofa follement préfenter fon hommage.
La bête eut des autels, le bois fut adoré ;

Et tout fut, hors Dieu feul, comme Dieu réveré.
Et foi-même traitant ce culte de chimere,
Le foible Philofophe imita le vulgaire.

Cependant, direz-vous, la Grece eut des Platons :
L'Afie eut des Thalés, & Rome eut des Catons.
Lucrece eftime plus fon honneur que fa vie;

Decius fe dévoue au bien de fa patrie.

Victime du serment aux ennemis juré,

Regulus va chercher un fupplice affuré.

Rougis, lâche Chrétien : dans un fiécle prophane

Plus

Plus

vertueux que toi le Payen te condamne.

Ah ! du nom de Vertu gardons-nous d'honorer
Des actions que Dieu dédaigna d'épurer.
Rome n'eut des vertus que la fauffe apparence,
Et vaine elle reçut fa vaine récompense.
L'éclat de fes Héros nous charme & nous féduit:
Mais n aride champ quel peut être le fruit ?
Rien ne peut profperer fur des terres ingrates.
Le defir de la gloire enfante les Socrates.
Du moindre des Romains l'eftime & les regards
Soutiennent les Catons ainfi que
les Céfars.

Plus vertueux que toi. L'action d'un Payen, quoique bonne en foi, ne pou voit être agréable à Dieu, puifque n'ayant pas Dieu pour fin elle étoit gâtée dans fon origine. Un mauvais arbre ne peut produire de bons fruits. Non poteft arbor mala bonos fructus facere. S. Math. vii. 18.

Ah! du nom de vertu. Les actions même qui font bonnes de leur nature, fielles ne naiffent pas de la femence d'une foi véritable, font des péchés qui rendent coupables ceux qui les font.

Omne etenim probitatis opus, nifi femine ver&
Exoritur fidei, peccatum eft, inque reatum
Vertitur.

S. Profper. Part. II. c. 16.

S. Auguftin dit que les Romains, pour récompenfe de leurs actions vertueufes, reçurent leur grandeur humaine, l'empire du monde : Receperunt mercedem vani vanam.

Les deux motifs des actions d'un Romain étoient, fuivant Virgile, l'a mour de la Patrie,, & la paffion pour la gloire.

... amor Patria, laudumque immenfa cupido.

Le P. Bourdalouë dans fon Sermon fur l'état du péché, prouve admirable ment, que quelque chofe que fafle l'homme en cet état, fon péché en détruit tout le mérite devant Dieu, qui rejette les plus belles actions quand elles font corrompues dans le motif. Elles n'ont point, dit-il, le germe de vie qui les rend méritoires. Dieu est la vie de l'ame: ainfi l'ame séparée de Dien. ne peut opérer que des actions de mort.

C

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