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lefquelles j'ai été obligé d'en envoyer la plus grande partie; & le peu qui en refte dans le Camp eft plutôt un embarras qu'une augmentation. Ce qui ne me furprend pas depuis que nous avons appris que les meilleurs hommes ont été pillés par l'Armée du Rhin, & que les malheureux qui nous font venus ont paffé tout l'Hiver, au fortir de leurs Villages, à travailler à Neubourg, & a. voient été fix jours fans manger quand ils nous ont joint, ayant été néceffaire de les charger de pain au paffage des montagnes pour 10, ou 11 jours, deforte que ne le pouvant porter, ils ont été obligés de le jetter, & de mourir de faim, pour être en état de marcher, ce qui a été fuivi, après nous avoir joint, d'une Marche forcée pendant 15 jours à la vue de l'Armée ennemie; deforte que ce Secours dont on ne fauroit tirer aucun fervice préfentement, ne rend cette Armée ni plus forte ni meilleure. Les Officiers fubalternes qui font ve nus en même temps, font la plus part de la même qualité, fans fervice, fans é quipage & fans argent, excepté un pe tit nombre; & je me fuis même trou vé obligé, n'étant pas en état de fervir, d'en laiffer la plus grande partie

dans Ulm, où l'on en fera une Compagnie. Voilà des vérités qui ne peuvent être que défagréables, & que je n'ai l'honneur de vous mander, Monfieur, qu'à regret; mais je trahirois mon devoir & ma confcience fi je ne vous en informois pas, étant d'une telle importance qu'il ne s'agit pas moins que de la perte de l'Armée du Roi & des Etats de l'Electeur, & demandent un prompt remede qui ne peut être que la réfolution de faire paffer encore une autre Armée en ce Pays-ci fans perdre de tems, particuliérement s'il est vrai, comme toutes les Nouvelles qui nous viennent nous en affurent, que le Duc de Marlborough amene en ce Pays-ci un renfort de 20000 hom mes de Troupes d'Angleterre & de Hollan de. C'eft de quoi vous pouvez être mieux informé, Monfieur, que nous ne le fommes ici. Il eft certain qu'en ce cas les Ennemis ayant pris la réfolution d'opprimer abfolument l'Electeur, ils abandonneront tout le refte pour y réaffir; ce qui ne vous paroîtroit pas une vifion fans fondement, ni un projet difficile dans fon exécution, fi ce Pays-ci vous é toit connu, Monfieur, comme à nous qui y fommes, vous répétant encore que les Etats de ce Prince font d'une grande

étendue ouverte de tous côtés, fans au cune Place forte, & fans en avoir même une où pouvoir mettre en fureté fa famille & fes effets, qu'il ne peut mettre à couvert qu'à force de Trou pes. Il fent fi bien cet Etat, quoique par refpect il ne le témoigne au Roi dans fa Lettre ci-jointe qu'avec beaucoup de réserve & de modération, que m'en parlant hier, il me propofa pour dernier remede en cas que le Roi ne fît point paffer d'Armée à fon fecours, & qu'il en vint une aux Ennemis, de faire embarquer fur le Danube, fa Femme, fes Enfans, & fes plus précieux effets, pour les envoyer chercher leur fureté en joi gnant les Rebelles de Hongrie. Jugez, Monfieur, de l'état d'un Prince qui ne fe propose point d'autre reffource pour fauver fa Famille. Tout le contenu de cette Lettre, qu'il eft temps de finir, fe réduit à représenter à S. M. que s'il vient une autre Armée aux Ennemis fous les ordres du Duc de Marlborough, l'unique moyen de fauver les affaires de ce Paysci eft que fans aucuns délais, S. M. y en faffe paffer une auffi forte pour y être oppofée. Celle qui eft préfentement commandée par le Prince Louis de Bade, & le Prince Eugene, étant au

moins de la force de la nôtre & même beaucoup plus, fi l'on en croit le bruit du Pays, n'y ayant point de doute que fi les Ennemis prennent ce parti, c'eft dans le deffein formé d'abandonner tout le refte pour accabler entiérement l'Electeur, dont je viens de vous faire fuffifamment connoître les facilités. J'ai l'honneur d'être, &c.

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Mr. de MARSIN à Mr. de CHAMILLART, au Camp d'Ober Elchingen, le 7 Juin 1704

Je

e ne puis m'empêcher, Monfieur, de vous repréfenter encore en particulier l'extrême & indifpenfable néceffité, qu'il ya de faire paffer, fans aucun délai, en ce Pays-ci une autre Armée, s'il est vrai, comme toutes les Nouvelles que nous recevons, nous en affurent, que le Duc de Marlborough y conduit un renfort de 20000 Anglois & Hollandois, étant l'unique moyen de fauver l'Electeur & fes Etats & l'Armée du Roi, puifqu'il eft certain que, fi les Ennemis ont formé ce deffein, nulle Diversion ne les en pourra diftraire: comptez fur cette vérité. K

Tom. I.

Les Ennemis tournant toutes leurs forces de ce côté ci, je ne crois pas impoffible de forcer les Lignes de Bichel par les trois Corps commandés par Mrs. les Maréchaux de Villeroy & de Tallard, & par Mr. de Coigny, & de venir enfuite par le Wirtemberg, ou fi non à la faveur de ces Troupes paffer par Hornberg, ou par les autres paffages des montagnes qui doivent être très mal gardés préfentement. Je ne doute point que l'on ne vous propofe des Diverfions & d'autres expédiens: car je connois la répugnance que tout le monde a à paffer ici; mais je fais un remede que je crois bon; pardonnez moi la liberté que je prends de vous en faire la propofition, & je vous demande que ce ne foit que pour vous feul.

Mr. le Comte de Coigny, commande un de ces trois Corps. Vous favez mieux que moi que c'eft un très-bon & digne fujet, il n'eft pas encore Maréchal de France, vous entendez le refte, & j'y a jouterai feulement que, fi le paffage du Duc de Marlborough avec le renfort que l'on dit, eft véritable, il n'y a pas un moment à perdre. Je vous prie encore une fois de me pardonner la liberté que

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