Images de page
PDF
ePub

Tallard, de venir occuper ce Poste avec l'Armée qu'Elle y a fait retrancher. Nous n'avons perdu dans cette affaire d'Officiers fupérieurs, que le Lieutenant-Colonel du Régiment de Béarn, & quel ques Capitaines & autres Officiers fubalternes en très petit nombre, dont je vous enverrai l'état au premier jour. Mr. l'Electeur y a perdu environ 1000 hommes de fes Troupes, & il peut y en avoir 5 à 600 de celles du Roi tués ou hors de Combat. Les Ennemis cependant, dont le deffein ne fe déclare pas encore, font campés le long de la Riviere Schmulher, leur droite à Merdingen, & leur gauche vers Donnawert, ayant fait des ponts fur le Danube & fur le Leck, & étant ainfi en état d'entrer en Baviere quand ils voudront, ou de fe porter ailleurs. Je ne puis finir cette Lettre fans vous repréfenter, Monfieur, auffi fortement que je dois, l'état violent où cette Armée fe trouve réduite, le défaut de Communication & la difettes des fubfiftances, depuis que nous n'en pouvons plus tirer de la Baviere. Pour comble de malheur prefque toutes les Lettres de Change que le Tréforier a tirées, depuis cinq mois ou environ, fur le Tréforier-Général de l'Extraordinaire

des Guerres & le Tréforier de l'Artillerie, ont été proteftées; de forte que n'ayant plus ici aucun crédit & n'y ayant dans la Caiffe du Tréforier que 90000 livres, fur quoi il faut achetter des Bleds, dont le prix devient exceffif, & augmentera chaque jour, ne pouvant plus nous fournir des provifions, que nous avions dans les Villes d'Ingolftatt, Rhain & Neubourg, ayant été obligé de faire brûler ce que nous en avions dans Donnawert, pour l'ôter aux Ennemis, & n'étant préfentement pas à por tée d'en tirer d'Ulm, jugez, Monfieur, de la fituation où fe trouve l'Armée. Vous pouvez vous fouvenir de tout ce que j'ai eu l'honneur de vous mander fur ce fujet, & après y avoir férieusement réfléchi. C'est tout le fuccès que l'on doit attendre d'une Armée fans Communication.

Je trahirois mon devoir fi j'omettois de vous dire, Monfieur, que cette affaire eft d'elle-même affés importante pour mériter toute l'attention de S. M. & la vôtre.

Si vous n'ordonnez pas, Monfieur, que les Lettres de Change du Tréforier de l'Armée foient aquittées, il faut vous réfoudre à la voir périr. Je fuis, &c.

Mr.

Mr. le Maréchal de MARSIN à Mr. de CHAMILLART, au Camp près d'Ausbourg, le 18 Juillet 1704.

Nous fortons d'une crife, Monfieur, dont je n'ai pu avoir l'honneur de vous informer plutôt, & qui eft un mal paffé préfentement, Dieu merci! Mais comme les rechûtes font à craindre, il est de la derniere importance que le Roi & vous en foyez inftruits au plutôt & à fond, afin que vous puiffiez me donner les ordres néceffaires, fur la maniere dont je me dois conduire en cas pareil, fi nous nous y retrouvions, ce qui n'eft pas impoffible.

Mr. l'Electeur dont les intentions m'ont toujours parues parfaitement bonnes, comme je ne laiffe pas d'en être également perfuadé encore, eft naturellement fort léger, & eft auffi fufceptible des plus grandes efpérances à la plus foible lueur de profpérité, que du plus grand abbatement au moindre accident. L'Electrice qui s'eft acquis un grand pouvoir fur fon efprit, parce qu'il eft foible & bon, & qu'elle eft impérieuse & méchante, a toujours été extrêmement oppofée aux intérêts du Roi, & devouée à ceux de l'Empereur. Tous les Tome I. L

fujets de l'Electeur, & tous ceux qui l'approchent font dans les mêmes difpofitions, excepté Mr. le Comte d'Arco & Mr. de Monafterol, qui font entiérement attachés à notre parti. Les choses étant dans cette fituation même plus fortement que je ne puis vous le repréfenter, l'Armée ennemie très puiffante entrée dans fon Pays, y brûlant, pillant, & faifant tous les défordres poffibles, & nous fans aucunes nouvelles pofitives de Mr. le Maréchal de Tallard, la derniere Lettre étant du 27 Juin, par laquelle il me mar quoit devoir fe mettre en marche le len demain; un Gentilhomme de les Pays-ci fort intriguant & mal intentionné pour nous, engagea, à mon infçu, S.A.E. à lui envoyer au de fes Sécretaires de con fiance, pour conférer avec lui d'affaires importantes. Au rendez-vous fe trou wa, avec ce Gentilhomme, le Comte de Wratislaw, ci-devant Envoyé de l'Empereur en Angleterre, qui lui dit que l'Empereur par un refte de bonté pour fon Maître, vouloit bien lui offrir encore an Accommodement, en cas qu'il voulût fe détacher des intérêts des deux Rois, avec des conditions avantageufes pour 'Electeur lui offrant le Palatinat de Neubourg & le Marquifat de Burgaw qui

[ocr errors]

Je n'ai pas

font fort à fa bienséance. lieu de douter que ces propofitions foutenues des importunités de l'Electrice avec laquelle elles étoient affurément concertées, & des repréfentations de tous ceux qui approchent l'Electeur de plus près & en qui il fe fie le plus, firent beaucoup d'impreffion fur fon efprit, & furent fort agréables venant dans un tems, où il croyoit la ruine entiere de fon Pays inévitable, & où nous n'avions encore aucune nouvelle certaine de l'approche de l'Armée de Mr. le Maréchal de Tab lard, que Mr. de Wratislaw avoit perfuadé ce Sécretaire de S. A E., être abfolument impoffible, de forte que le 12 de ce mois au matin, Mr. l'Electeur m'ayant mandé de l'aller trouver dans l'inftant, pour affaires importantes, j'appris de lui ce que je viens d'avoir l'honneur de vous dire, avec grand nombre de circonftances, que j'omets pour ne pas rendre cette Lettre trop longue: enfuite de quoi il me demanda mon avis, & fi je ne croyois pas qu'il fût plus avantageux aux intérêts du Roi qu'il s'accomodât, reftant neutre en poffeffion de fon Pays, que de charger S. M. d'un Prince dé poffédé qui lui feroit onéreux, & de commettre l'Armée du Roi, qui ne pours

« PrécédentContinuer »