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roit fe retirer fans beaucoup de rifque, n'en venant point d'autre à fon fecours; à quoi il ajouta que l'on ne lui avoit donné que vingt-quatre heures pour fe déterminer, & qu'enfuite on ne perdroit pas un moment pour exécuter toutes les rigueurs de la guerre fur fes Etats, & fur fa Famille, dont la perte étoit résolue dans le Confeil de l'Empereur, s'il n'acceptoit ces propofitions. Je vous laiffe à juger de mon état, Monfieur, dans cette fituation. Je lui répondis qu'à la vérité je n'avois point d'autres nouvelles de l'approche de l'Armée de Mr. le Maréchal de Tallard, que la Lettre datée de Lauterbourg du 27 Juin, par laquelle il me marquoit qu'il fe mettroit en marche le lendemain; mais que comme je n'avois aucun ordre du Roi fur une chofe à laquelle il ne s'étoit point attendu, & nulle inftruction de fa part, je ne pouvois lui donner de confeil, que celui de tâcher de temporifer pour attendre des nouvelles de Mr. le Maréchal de Tallard, & avoir le loifir de donner part à S. M. de ce qui fe paffoit. Il m'ordonna d'affembler les OfficiersGénéraux pour favoir leurs fentimens, dont la réponse fut femblable à la mienne, & enfin après bien des discours,

qu'il eft inutile de vous répéter, il me promit d'attendre des nouvelles de Mr. le Maréchal de Tallard, jufqu'au 15 de ce mois fans rien conclure, & de rompre entiérement la Négociation, en cas qu'il apprît dans ce tems l'approche de fon Armée, dont nous fûmes heureufement informés par une de fes Lettres du 8 de ce mois, écrite de Walkirck, que je reçus le 13; de forte que cette nouvelle nous ayant encore été confirmée par d'autres endroits, Mr. l'Electeur envoya ordre le 14 au matin au Sécretaire qu'il avoit à Friebourg de congédier Mr. de Wratislaw, & de rompre entiérement la Conférence, ce qui fut exécuté avec beaucoup de regret de part & d'autre. Ce n'est pas tout l'Electrice, dans les difpofitions que je vous l'ai repréfentée, voulant jouer de fon refte, écrivit une Lettre tendre à fon Mari, lui propofant de le fuivre. par-tout, ce qu'elle n'avoit pas fait jufques-là, & le priant, pour conférer avec lui de ce qui regardoit leur Famille, de l'aller trouver à huit lieues d'ici, moitié chemin d'ici à Munich, ce qui n'étoit pas moins, dans la fituation où eft l'Armée des Ennemis, que de livrer la Perfonne de l'Electeur à leur difcrétion, de le conftituer leur Prifonnier & de lui faire aban

donner l'Armée. Je réfiftai fortement à la propofition qu'il m'en fit, lui repréfentant les inconvéniens pour fa Perfonne & pour l'Armée, dont il convint avec moi, & me promit de n'y point aller. Cependant le lendemain matin il m'envoya faire encore la même propofition par ce Sécretaire, dont je viens de vous parler, qui infifta très fortement & auquel je répondis toujours que je n'y pouvois donner les mains, fans confentir en même tems à la perte de Mr. l'Electeur, & que ce confeil ne lui pouvoit être donné que par des fripons ou des Ennemis. Enfin S. A. E. n'alla point à ce beau rendez vous; mais l'Electrice, qui ne fe rebute pas aifément, ne voulant rien oublier de ce qui pouvoit dépendre d'elle, vint ici, & n'en partit qu'hier après avoir fait, je crois, tout ce qui dépendoit d'elle pour faire changer Mr. l'Electeur en faveur des Ennemis, qui me paroît néantmoins perfifter dans les mêmes bonnes difpofitions, où je l'ai toujours vu depuis que nous avons eu des nouvelles certaines de Mr. le Maréchal de Tallard. Mais comme je connois. fa foibleffe pour fon Pays, dont il ne peut fans être fort ébranlé, envifager la. quine, non plus que celle de fes Maifons

& de fes Meubles, auquels il eft fort attaché, joignez à cela fon inquiétude pour fa, Famille, & les perfécutions continuelles de fa Femme, & de fes fujets, & de tous ceux qui l'approchent, je crains avec affés de vraisemblance, que nous ne retombions dans un cas pareil à celui dont nous venons de fortir, d'autant plus que nous avons des nouvelles qui nous apprennent que les Ennemis ont retiré d'Italie, l'Artillerie & le Corps de Trou pes qu'ils avoient fur la Sechia, qui eft actuellement en marche pour entrer dans la Baviere par le Tirol, & auquel il fe doit. joindre en paffant un grand nombre de Payfans armés de cette Province; de for-te qu'il fera plus que fuffifant pour brûler & piller la Baviere, pendant que l'Armée du Prince de Bade, fera felon tou-tés les apparences obligée d'en fortir par les démarches que nous pourrons faire,. dès que celle de Mr. le Maréchal de Tallard fera à portée de celle-ci, n'y ayant pas de doute que les mêmes gens & les mêmes raifons, qui avoient fi fort ébranlé Mr. Electeur, ne faffent encore fur fon efprit les mêmes impreffions en pa-reilles occafions. C'est pourquoi je vous fupplie, au nom de Dieu, Monfieur, de vouloir bien me faire favoir au plutôt,

les intentions du Roi & les vôtres, fur la maniere dont je dois me conduire, & ce que je dois faire lorfqu'elles fe préfenteront. C'eft cependant à S. M. & à vous, Monfieur, à examiner bien férieufement, en cas que cela arrive, si une Neutralité bien obfervée de la part de Mr. l'Electeur, ne dédomageroit point le Roi en quelque maniere de la perte de. cet Allié, épargnant à S. M. par ce moyen la dépenfe exceffive de l'entretient, dans un Pays fi éloigné, d'une Armée qu'il faut réparer tous les ans, & qui eft prête à tomber fouvent dans de grandes extrêmités faute de Communication & de fubfiftance. La queftion feroit de favoir fi Mr. l'Electeur feroit affés fort, pour fe maintenir dans cette Neutralité. Selon notre calcul l'Armée de Mr. le Maréchal de Tallard doit être bien en deçà de Willingen, fans que nous foyons encore précisément inftruits du lieu, où il eft préfentement, & du chemin qu'il tiendra depuis Willingen. J'ai envoyé, pour en être informé, à fa rencontre fur les différentes Routes qu'il peut tenir, trois Partis avec des Lettres, par lefquelles je lui rends.compte de la fituation préfente des affaires ici, m'étant cru obligé de lui mander

l'état

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