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pete la même chofe, & je profite de l'occafion du départ de Mr. de Monafterol que Son Alteffe Electorale envoye au Roi, pour vous dire, Monfieur, qu'il n'en eft plus du tout queftion, & qu'auffitôt que Mr. l'Electeur a été fûr d'un fecours, il n'a plus écouté aucune propofition, & qu'il me paroît dans les mêmes fentimens d'attachement pour les intérêts du Roi que je l'ai toujours vu, quoique les Miniftres de l'Empereur, qui ne fe rebutent pas aifément, ayent fait une feconde tentative depuis quelques jours, avec des propofitions encore plus avantageufes que les premieres, par le même Gentilhomme intriguant, dont il eft fait mention dans ma derniere Lettre du 18 du préfent mois, comme vous en pourrez juger par la Lettre ci-jointe que Mr. l'Electeur m'écrivit de fa main à cette occafion, m'ayant averti auparavant de l'arrivée de ce Négociateur, auffitôt qu'il fut ici.

Je puis vous affûrer encore que je n'ai rien vu que de droit dans le procédé de l'Electeur à l'occafion de cette feconde Négociation, & que je n'attribue ce qui s'eft paffé à la premiere, qu'au défaut de certitude de l'arrivée du fecours, aux perfécutions de fa Famille, particuliére

ment de fa Femme, dont je vous ai fait le portrait, aux importunités continuelles de tous fes domeftiques, & de tous fes fujets, & à la douleur de voir font Pays, qu'il aime fort, brûlé & dévasté à fes yeux, fans y pouvoir remédier, n'y ayant point d'inhumanités que les Ennemis n'y ayent exercées dans l'efpérance de le féduire par ce moyen. Il est inutile que je m'étende davantage fur ce fujet, dont vous ferez fuffifamment informé par Mr. de Monafterol. J'y ajouterai feulement que pour foutenir cette Guerre avec efpérance d'en tirer quelques avantages, il eft abfolument néceffaire qu'il y ait une Communication qui ne fe peut établir quant à préfent que par le moyen d'une Armée qui tienne les paffages des Montagnes, comme fait préfentement celle de Mr. le Maréchal de Villeroy, qui foit à portée d'obferver les mouvemens de Mr. le Prince Eugene, & fortifier l'Armée de Mr. le Maréchal de Tallard, à proportion du nombre dont les Ennemis renforceront celle de Mr. le Prince de Bade fans quoi l'on retombera toujours dans les mêmes embarras, dont on eft prêt à fortir par la Jonction de Mr. le Maréchal de Tallard, qui felon toutes les apparences fe fera dans peu de jours. Le Corps

même destiné à tenir les paffages des Montagnes, & à affûrer la Communication pourroit peut-être fe rendre maître de Willingen, & même de Rottwil. Il porteroit par ce moyen la Guerre dans le Wirtemberg, & traiteroit ce Pays de la même maniere que les Ennemis ont fait la Baviere: ce qui me paroît non feulement le meilleur, mais l'unique moyen d'obliger l'Empire à forcer l'Empereur, de demander la Paix; faute de quoi il eft certain que toutes les Armées que l'on jettera en ce Pays ci, fans établir une Communication , pendant que les Ennemis en ont une de libre, & qui ne peut leur être ôtée, feront toujours à la veille de périr, & épuiferont la France d'Hommes & d'Argent.

L'Armée ennemie eft campée depuis quelques jours à une lieue de nous, fur les hauteurs de Friedberg, où elle a fon Quartier-Général. Quoiqu'elle foit fort nombreuse & fort près de nous, nous ne la pourrions defirer mieux placée pour n'apporter point d'obftacles à la fonction de celle de Mr. le Maréchal de Tallard, & notre Pofte eft fi bien accommodé, qu'elle ne nous donne aucune inquiétude, de forte que quant à préfent, nous n'avons qu'à defirer qu'elle refte où

elle cft jufqu'à l'arrivée de Mr. le Maréchal de Tallard, qui ne peut être à portée de nous, que dans les premiers jours du mois prochain. Nous nous difpofoncependant à nous mettre en état de mars cher, aux Ennemis, quand il nous aura joint pour les chaffer de la Baviere, à moins qu'ils ne se déterminent à la quitter, quand ils verront approcher ce renfort: ce qui me paroît affez vraisemblable. Cependant, comme notre Armée après cette Jonction, fera affez forte pour pouvoir laiffer une Garnifon fuffifante dans cette Ville dont la confervation est de la plus extrême importance, nous travaillons à la mettre en état de ne pouvoir être attaquée, que par un fiege dans les formes, que les Ennemis ne me paroiffent point en état d'entreprendre. Comme au fortir d'ici il n'y a que deux partis à prendre pour tirer les Ennemis de la Baviere, l'un par la voye de la Diverfion en repaffant le Danube, menaçant par cette démarche Nordlingen & la Franconie, qu'apparemment ils n'oferont pas abandonner, l'autre en remontant le Leck jufqu'à Landsberg, & même plus haut pour le paffer, & marcher aux Ennemis, Son Alteffe Electorale attend l'arrivée de Mr. le Maréchal de Tallard pour fe

déterminer. Dans le doute où je fuis fi mes Lettres du 18 & du 19 de ce mois font parvenues jufqu'à vous, Monfieur, j'ai l'honneur de vous en envoyer encore les Duplicata ci-joints. Je crois devoir ajouter à celle-ci, avant de la fmir, que j'ai fu de Mr. l'Electeur même, que les principaux articles de la Miffion de Mr. de Monafterol font premiérement d'affurer le Roi de nouveau de fa fidélité, & de fon attachement inviolable & pour toujours aux intérêts de Sa Majefté, ce que je crois d'autant plus fincere qu'il me paroît fuffifamment convaincu de la vérité qu'il ne peut trouver de fûreté avec l'Empereur, dans un Traité particulier; mais feulement par la Paix Générale; fe condement de demander qu'il y ait tou jours un Corps qui maintienne la Commu nication, & dont il puiffe tirer des Troupes en cas de befoin, à proportion des forces que les Ennemis feront paffer en ce Pays-ci; troifiémement de prier le Roi fortement de fa part, de ne le point abandonner à la Paix, & de lui procurer alors une Frontiere, par le moyen de laquelle il puiffe avoir Communication avec la France, être par ce moyen à l'abri de la puiffance de la Maifon d'Autriche, qui fans cela l'opprimeroit infailliblement.

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