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le 12 de ce mois, je me trouve préfentement chargé, après le malheur qui lui eft arrivé, de vous rendre compte du déplorable fuccès de la journée du 13.

Comme je n'ai pas le loifir de vous en faire le détail préfentement, j'aurai feulement l'honneur de vous dire que l'Armée ennemie fous les ordres de Mr. le Prince Eugene & de Milord Marlborough, ayant attaqué les Armées du Roi, dont celle de Mr. le Maréchal de Tallard étoit à la droite, & celle que j'ai l'honneur de commander à la gauche, après plufieurs charges de Cavalerie heureufes ou malheureufes de part & d'autre, & un Combat d'Infanterie dans trois Vil· lages, opiniâtre depuis midi jufqu'à 6 heures du foir, toute la Cavalerie de Mr. le Maréchal de Tallard, & quelques Escadrons qui la joignirent à la droite de notre Armée, furent obligés de céder à celle des Ennemis, qui étant fupérieure en nombre de plus de 50 Efcadrons, les pouffa & les obligea de fe retirer jufques Tous Hochftett, de forte que l'Infanterie de Mr. le Maréchal de Tallard, n'étant plus foutenue de la Cavalerie, & étant ainfi féparée de notre Armée, 25 Batail. lons & 4 Régimens de Dragons, que Mr. le Maréchal de Tallard avoit établis

dans le Village de Pleintheim, qui étoient à la tête de fa droite qu'il avoit fait retrancher, fe trouvant coupés & investis par les Ennemis, prirent le parti de capituler, & de fe rendre Prifonniers, dans le tems qu'il alloit au Village pour les en retirer. Le refte de l'Infanterie de fon Armée, qui joignoit le dit Village, fe trouvant abandonné de la Cavalerie, fut entiérement accablé.

Voilà ce qui eft venu à ma connoiffance, de ce qui s'eft paffé à la droite, qui étoit à l'Armée de Mr. le Maréchal de Tallard. Le Combat fe foutenoit cependant à la gauche, & même avec avanta ge, & depuis le Village d'Oberklawen qui étoit à la tête de la droite de notre Armée, notre Infanterie avoit non feulement foutenu l'effort de celle des Ennemis, mais les avoit même repouffés par delà le Ruiffeau & le Marais, qui couvroient la tête du Camp, & la Cavalerie de notre gauche avoit par une derniere charge pareillement repouffé celle des Ennemis jufqu'au Bois, après lui avoir fait repaffer le Ruiffeau & le Marais, derriere lequel elle les contint toujours jufqu'à la fin du Combat; de forte que depuis le Village d'Oberklawen qui étoit

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à la tête de ma droite, comme il eft dit ci-devant, jufqu'à celui de Lutzingen, qui étoit au flanc de ma gauche, toutes choses étoient en bonne difpofition..

La droite des Ennemis compofée des Troupes de l'Empereur avoit cependant attaqué vigoureufement ce Village, qui couvroit le flanc de notre gauche, où il se passa un Combat très rude & très opiniâtre, & foutenu toujours avec avantage de notre part, jufqu'à la fin de l'Ac

tion.

Ainfi l'Affaire fe maintenoit en bon é tat, & l'on auroit pu en espérer une bon ne iffue, fans que notre Armée se trou vât abfolument féparée de celle de Mr. le Maréchal de Tallard, comme j'ai eu l'honneur de vous le marquer au commencement de cette Lettre, voyant que le Combat étoit fini au Village, qui étoit à la droite de fon Armée, dans laquelle étoit la plus grande partie de fon Infanterie, comme il eft dit ci-deffus, & d'ailleurs ayant lieu de craindre que les Ennemis fupérieurs en nombre, & n'ayant plus à faire qu'à une des deux Armées, ne priffent le parti de s'allonger derriere les hauteurs qui étoient au flanc de ma gauche, & de fe mettre par-là entre Dil

lingen & moi, m'embarraffant le Chemin, & m'empêchant de repaffer le Marais, ce qui eût été la perte entiere de cette Armée, n'ayant d'autre retraite & d'autre paffage fur le Danube que celui de Lawingen, je pris le parti avec l'ordre de S. A. E., & l'avis de tout le monde, de retirer notre Armée vers les 7 heures du foir, qui contenoit encore les Ennemis de l'autre côté du Ruiffeau, comme j'ai eu l'honneur de vous le marquer.

Cette Retraite fe fit fur trois colomnes, une d'Infanterie entre deux de Cavalerie, & en fi bon ordre, que les En. nemis non feulement n'en oferent jamais attaquer l'Arriere-garde; mais quelques Efcadrons des leurs ayant paffé à la tête de ces colomnes, conduifant deux Bataillons de l'Electeur qu'ils avoient faits Prifonniers, ils furent chargés par quelques-uns de nôtres qui les mirent en fuite, & les obligerent de lâcher les deux Bataillons des Troupes de S. A. E., qui furent ainfi retirés de leurs mains.

L'on vint camper le même foir entre Dillingen & Lawingen, & n'étant plus en état de réfifter contre une Armée auffi nombreuse, que celle des Ennemis, après la perte entiere de l'Infanterie de celle de Mr. le Maréchal de Tallard, Mr

P'Electeur, de l'avis de tous les Officiers. Généraux, réfolut de fe retirer fous Ulm, où l'Armée vient d'arriver le 15, ayant campé hier 14 à Leipheim.

Je manquerois au témoignage que je dois à la vérité, fi je ne vous difois pas,. Monfieur, avant de finir cette Lettre, que tous les Officiers-Généraux & particuliers de cette Armée fe font aquittés de leur devoir avec toute la diftinction poffible, ayant fait chacun dans leurs Poftes, tout ce que l'on peut attendre de gens dont la valeur & la capacité font auffi connues.

Je remets pour vous en rendre comp te, Monfieur, en détail à un tems où je ferai moins accablé, & où j'aurai un peu plus de loifir. Je ne puis cepens dant différer de vous dire que générale. ment toutes les Troupes tant Cavalerie qu'Infanterie de cette Armée, ont agi dans cette occasion avec toute la valeur, & la fermeté que l'on pouvoit defirer; que notre Infanterie n'a jamais rien per du de fon avantage contre les Ennemis, & que toute la Ligne de Cavalerie depuis le Village d'Oberklawen, qui étoit à la tête de ma droite, jufqu'à celui de Lutzingen qui étoit au flanc de ma gauche, les a toujours repouffés, & les a contenus

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