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dit Mémoire. Il eft certain que le paffa ge de ces Recrues eft d'une néceffité indifpenfable, & que l'on ne fauroit s'y prendre trop tôt à les mettre en état de paffer, parce que plus l'on tardera, & plus les Ennemis feront en état de s'oppofer à leur paffage, lefquels ne font occupés préfentement que du foin de réparer leurs Troupes, à quoi je fuis averti qu'ils travaillent très fortement. Comme le paffage de ces Recrues ne fe peut exécuter que de la maniere dont il eft porté dans le Mémoire fusdit, c'eft à dire efcorté de l'Armée du Rhin, en tout ou en partie, je ne puis rien déterminer fur le côté par où elles viendront. Si l'on étoit avant ce tems la maître de Philisbourg, ou de Fribourg, comme nous le pouvons efpérer des bons fuccès de la Campagne. derniere fur le Rhin, ce paffage fe feroit à la faveur de l'une ou de l'autre de ces deux Places; fi non je ne connois point. d'autre Chemin que celui par lequel l'Armée conduite par Mr. le Maréchal de Villars, vint l'année paffée. Il ne faut pas douter que les Ennemis n'ayent une attention toute particuliere pour s'y oppofer, regardant ce Renfort en ce pays-ci, dans la fituation où nos Affaires y font préfentement, comme le plus grand malheur qui

leur puiffe arriver, & avec raifon. On peut juger de ce qu'ils penfent fur ce fujet, par leurs attentions redoublées encore depuis peu, pour empêcher que nous ne recevions aucunes Lettres; de forte que cette ignorance de ce qui fe passe ailleurs, du moins ne le fachant que très imparfaitement, ou long-tems après, fait que je fuis convenu avec Mr. l'Electeur de Baviere, de faire ce Mémoire, que j'envoye par la même voie, dont il fe fert pour mander à peu près les mêmes chofès. Cependant j'efpere que nous pourrons avant l'ouverture de la Campagne, c'est à dire à la fin de Mars ou au commencement l'Avril, nous rendre les maîtres de la Ville & du Château d'Aifchtett, qui feroit très-utile. La Ville ne vaut rien, mais le Château eft fort bon. Cela fait, nous pourrions ouvrir la Campagne dès que la faifon & les herbes le permettront, pour le Siége de Nordlingen, & prendre enfuite Weiffembourg, ce qui feroit très conf dérable, nous portant par là au milieu de la Franconie, & nous mettant en état de fonger peut-être après au Siége de Nuremberg, dont l'importance eft affez connue, pour qu'il foit néceffaire d'en parler. Que fi toutes les forces des En

nemis fe portant de ce côté - là, nous empêchoient de faire cette Entreprise, nous faciliterions confidérablement le Paffage des Recrues par cette Diversion, & par des démarches qui feroient peut-être capables d'obliger la Franconie à défarmer & à demander la Neutralité. Nous nous trouverions ainfi dens le cœur de l'Empire, & en état de donner de l'inquiétude de tous les côtés, pouvant nous porter en avant, ou à droite ou à gauche, Mais pour que cela fe puiffe faire avec quelque fuccès, il faut être affuré des Recrues: car il eft très aifé de voir que ces mouvemens attireront fur cette Armée toutes les forces & toute l'attention de l'Empire, contre quoi nous ne ferions pas affez forts pour nous foutenir; car il est certain que les Ennemis travaillent puiffamment au Rétablissement de leurs Troupes, & qu'ils attendent des fecours confidérables.

Après avoir bien attentivement confidéré avec Mr. l'Electeur de Baviere, tous les partis qu'on peut prendre, il nous a paru non feulement que c'étoit le meilleur, mais le feul auquel on puiffe s'arrêter; étant certain que le moyen le plus affuré de remporter quelques avantages fur les Ennemis en ce Pays, c'eft de les prévenir

dans le commencement de la Campagne, avant qu'ils ayent eu le loifir de s'affembler, parce qu'enfuite c'est une pelote de neige, qui va groffiffant toujours; & qu'ainfi fi l'on étoit obligé d'aller à la rencontre des Recrues qui doivent venir cette avant-faifon, dont il faut tâcher de profiter, fe confommeroit à les aller chercher & à revenir, paffant & repaffant par un Pays mangé & ruiné de l'année derniere.

Si d'un autre côté, avant qu'elles foient arrivées, nous prenions à droite en defcendant le Danube, pour nous enfoncer dans l'Autriche, elles courroient rifque de ne nous joindre peut-être de long-tems, & avec difficulté; au lieu qu'ouvrant la Campagne, avant que les Ennemis foient affemblés, comme il eft dit ci devant, & nous portant en avant dans la Franconie, nous nous trouverons en état, étant dans le centre de l'Empire, de nous porter partout où nous voudrons, & où le bien des affaires le requérera, lorfque les Recrues nous auront joints.

Cependant fi nous pouvons primer les Ennemis, & entrer les premiers en Campagne, comme nous l'efpérons, nous nous ferons procuré un grand avantage, par les prifes de Nordlingen & de Wifembourg,

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qui pourront peut être, être fuivies de celle de Nuremberg, dont je n'ofe cependant me flatter, étant certain que les Ennemis y porteront leur principale attention. Il est même venu depuis peu de jours des Nouvelles, qui nous apprennent que l'Electeur de Brandebourg fait marcher inceffamment des Troupes de ce côté-là, & qu'il a réfolu de fortifier le Corps qu'il a en ce Pays-là, jufqu'à la concurrence de 12 à 13000 hommes. Ceux qui aiment à enchérir difent 16000 hommes; auquel cas les Troupes de l'Empereur & les autres qui ont fait la Campagne en ce Pays, fe recrutant, comme on affure qu'elles le font fortement, nous y aurions à faire à forte partie. C'eft pourquoi l'on ne fauroit fonger trop tôt, & trop férieusement à mettre en état les Recrues que l'on destine pour cette Armée, & à les faire paffer de bonne heure. Il eft de la derniere néceffité qu'elles foient bien vêtues, bien armées, bien équipées, & accompagnées, s'il eft poffible, de toutes les chofes dont on peut avoir besoin, particuliérement d'argent & d'armes, qui eft ce qui nous manque le plus ; c'est à dire Fufils, Moufquetons, Piftolets & Epées. Il feroit très à propos, fi cela fe pouvoit, d'en faire fuivre une quantité fur des voi

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