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rompue, non pas seulement d'idées, mais de croyances explicites ou ou implicites. Les croyances de l'esprit sont les forces de l'ame et les mobiles de la volonté. Ce qui nous détermine à croire, nous l'appelons évidence. Il y a donc autant de sortes d'évidences qu'il y a de lois fondamentales de la croyance. La raison ne rend pas compte de l'évidence; l'y condamner, c'est l'anéantir; car ellemême a besoin d'une évidence qui lui soit propre. Si le raisonnement ne s'appuyait pas sur des principes antérieurs à la raison, l'analyse n'aurait point de fin, ni la synthèse de commencement. Ce sont les lois fondamentales de la croyance qui constituent l'intelligence; et comme elles découlent de la même source, elles ont la même autorité; elles jugent au même titre ; il n'y a point d'appel du tribunal des unes à celui des autres. Qui se révolte contre une seule se révolte contre toutes, et abdique toute sa nature. Y a-t-il des armes légitimes contre la perception externe? Les mêmes armes se tourneront contre la conscience, la mémoire, la perception morale, la raison elle-même. Suffit-il, pour anéantir l'étendue, ou pour créer une étendue contradictoire à celle que je perçois, d'une modification de mon intelligence? D'autres modifications pourront transformer la liberté en nécessité, le vice en vertu, et les axiomes de la raison en absurdités choquantes. Qu'en un seul point la nature de la connaissance, la nature, dis-je, et non le degré, soit subordonnée à nos moyens de connaître, c'en est fait de la certitude; rien n'est vrai, rien n'est faux; ce n'est point assez dire, tout est faux et vrai tout ensemble,

puisque le faux et le vrai ne diffèrent plus du doux et de l'amer. Le néant lui-même est arraché à sa nullité absolue; il entre dans le domaine du relatif; il est quelque chose ou rien, selon la conformation de l'œil du spectateur. L'utile est l'unique contemplation de l'entendement, la seule législation du cœur; législation capricieuse et impuissante qui n'applique aux actions qu'une règle mobile, et qui n'en a point pour les intentions et les désirs. -Je ne déclame point; toutes ces conséquences ont été tirées des doctrines sceptiques avec une exactitude qui ne laisse rien à désirer ni à contester; les exemples en sont connus. C'est donc un fait que la morale publique et privée, que l'ordre des sociétés et le bonheur des individus sont engagés dans le débat de la vraie et de la fausse philosophie sur la réalité de la connaissance. Quand les êtres sont en problème, quelle force reste-t-il aux liens qui les unissent? On ne divise pas l'homme; on ne fait pas au scepticisme sa part; dès qu'il a pénétré dans l'entendement, il l'envahit tout entier.

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