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pofer la paix à fes ennemis, il feroit cependant très-contemt qu'on cherchât des expediens pour la AN. 1536. faire, avec cette condition néanmoins qu'avant que d'entrer en negociation, le roi de France fût obligé de retirer toutes fes troupes du Piémont, & de la Savoye, & il pria le pape d'examiner qui du roi ou de lui avoit raifon, & de favorifer celui de qui la conduite feroit plus fincere.

Paul III. qui avoit entendu patiemment l'empereur sans l'interrompre, répondit enfin qu'il loüoit le bonnes intentions de ce prince pour la paix, & pour faire un bon accord entre lui & le roi de France, & déclara qu'afin de pouvoir être plus utile aux uns & aux autres, il se tiendroit dans une parfaite neutralité, & que fans donner le moindre ombrage, il feroit de fon côté tout fon poffible pour parvenir à une heureufe fin, priant l'empereur de vouloir bien embraffer ce parti, & d'être perfuadé que François I. de fon côté ne manqueroit pas de faire la même chose. Il defapprouva la propofition du duel, comme nullement convenable à la dignité des perfonnes, & pernicieuse à la republique chrétienne.

XVIII. Réponse du pape

au difcours de

l'empereur.

Du Bellay liv. si

pag. 19. 20.

Raynald.hoc ann.

tom. 21. n. 7.

XIX. Mecontentement

de France.

Les ambaffadeurs de France ne furent pas fi moderez que le pape. Velli reprocha à l'empereur qu'il des ambaladeurs "manquoit à sa parole,puifquil lui avoit promis pofi- Raynald, hoc ann. tivement de donner l'inveftiture du duché de Milan ".. au duc d'Orleans, & affura que la paix dépendoit fi peu du roi de France fon maître, qu'il étoit prêt de la figner fur le champ, & d'en reprefenter la ratification dans trois femaines, pourvû que l'empereur convînt des mêmes conditions qu'il lui avoit propofées. L'évêque de Mâcon dit à Charles V. que Tome XXVIII.

c

n'entendant pas affez bien l'Espagnol pour comAN. 1536. prendre tout ce qu'il avoit dit, il répondoit feulement fur l'article de la paix, que le roi fon maître y étoit très-difpofé, & qu'il ne fouhaitoit rien d'a vantage, pourvû qu'elle fe fit à des conditions juftes & aifonnables. L'empereur les interrompit brusquement, en difant qu'il vouloit des effets & non pas des paroles, qu'il leur communiqueroit fon difcours, & fe retira. Le cardinal du Bellay qui étoit prefent, garda le filence, parce qu'il n'étoit dans le confiftoire qu'en qualité de cardinal, & qu'il n'étoit point chargé des affaires de France, mais il ne laiffa pas d'être fenfible à la maniere injurieufe dont on venoit de traiter fon prince.

Le pape entra dans les reffentimens de ce prélat & des deux autres François, & leur dit à tous trois, que s'il avoit été informé de ce que l'empereur devoit dire, il l'auroit empêché, & les pria d'écrire en France d'une maniere à ne point aigrir l'efprit du roi. Mais l'évêque de Mâcon, & Velli voulant que l'empereur s'expliquât avec eux fur plufieurs faits qu'il avoit avancez, prierent le pape de leur menager une audience de ce prince, afin d'en pouvoir mieux inftruire leur maître. Le pape le leur promit' & tint fa parole. Les ambaffadeurs fupplierent Chardifcours à la fatis- les V. de leur dire, fi le duel dont il avoit parlé étoit un defi qu'il eût fait au roi, s'il l'accufoit serieufement d'avoir manqué à fa parole, & de vou loir bien communiquer au pape les memoires touchant l'inveftiture du duché de Milan, afin que fa fainteté en fût le juge. Sur ces demandes l'empereur, foit qu'il eût fait reflexion fur ce qu'il avoit

XX.

L'empereur veut

interpreter fon

faction du roi.

Paul Jove hift. lib. 31.

Du Bellay liv. 5. p. 232.

dit de trop fort, soit que le pape lui eût reprefenté en particulier qu'il avoit offenfe un prince qui fans AN. 1536. doute en auroit du reffentiment, voulut modifier par une douce interpretation l'aigreur de fon difcours, & dit aux ambaffadeurs que comme il avoit parlé publiquement, il vouloit auffi que fa réponse fût publique. Ainfi tous ceux qui étoient dans la falle s'étant avancez, il dit:Que certaines perfonnes aïant mal interpreté fon difcours de la veille, comme fi fon deffein eut été d'offenfer le roi de France, & le provoquer à un duel, il vouloit bien s'expliquer plus clairement, & déclarer que fon intention n'avoit jamais été de blamer ce prince, connoiffant fon mérite & fon grand cœur. Mais que ce qu'il avoit dit n'étoit que pour fe difculper lui-mème. Que la propofition qu'il avoit faite d'un combat fingulier, n'étoit pas un défi qu'il eut voulu lui faire en prefence du pape, fans l'avis duquel il ne voudroit rien entreprendre, mais feulement un expedient qu'il propofoit pour le bien de la chrétienté, & pour épargner le fang de tant de milliers de perfonnes innocentes qu'une guerre trèsfanglante feroit perir. Qu'il fçavoit bien que la nature avoit avantageusement partagé le roi de France, d'une grandeur de courage qui répondoit à fa force & à son adreffe, & qu'en aïant si souvent donné des preuves en differentes occasions, lui empereur connoiffoit trop bien à quel danger il s'expoferoit dans une femblable occafion; enfuite il parla d'autres affaires, proteftant toujours qu'il fouhaitoit la paix avec François I. tant pour le bien de la chrétienté, qu'en confideration de leur allian

XXI. L'ambaffadeur

ce. Le pape parut fort content de cette déclaration : AN. 1536. & Velli fupplia l'empereur de déclarer en presence de fa fainteté, s'il n'étoit pas convenu avec lui d'inVelli demande à veftir le duc d'Orleans du duché de Milan, d'autant confirme fa paro- que l'aïant écrit au roi son maître, il pourroit paffer pour un imposteur, si sa majesté Imperiale disoit à 234&v, prefent le contraire.

Tempereur qu'il

Ic.

Du Bellay liv. s.

Charles V. fe trouvant embarraffé, voulut éluder cette demande; mais fe voyant de nouveau preffé par les inftances de l'ambafladeur François ; il repondit qu'il étoit vrai qu'il l'avoit dit, & qu'il l'avoit même fait dire au roi ; mais que c'étoit à des conditions qui ne feroient jamais accomplies. Velli aïant repliqué que promettre avec des conditions impoffibles, étoit détruire la promeffe même par une contradiction manifefte; l'empereur repartit qu'il n'en feroit jamais rien fans le confentement de tous fes alliez, qui ne fe déclareroient jamais en faveur du duc d'Orleans, parce qu'il étoit trop proche de la couronne de France, & que les princes Italiens ne vouloient pas avoir pour voifin un prince fi puiffant, qui d'ailleurs avoit des prétentions fur d'autres feigneuries d'Italie, en vertu des droits de Catherine de Medicis fa femme; qu'enfin le roi n'avoit pas accepté les offres en temps & lieu, & qu'à prefent d'autres confiderations lui faifoient changer d'avis, vû que le roi s'étoit emparé des terres du duc de Savoye vaffal de l'empire, & qu'il étoit obligé de le proteger contre l'oppreffion de fes ennemis. Velli voulut repliquer; mais l'empereur l'interrompit, en disant qu'il étoit obligé de partir ; & se tournant vers le pape, il lui dit d'un ton railleur : n'eft

il pas beau, qu'il faille que je prie le roi de France d'accepter le duché de Milan, pour l'un de ses enfans, & que quoiqu'ils ne foient point enfans de la reine ma fœur, on veüille me contraindre à fuivre le choix des autres. La deffus il prit congé du pape & fe retira.

AN. 1536

L'empereur part

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Il partit de Rome le dix-huitiéme d'Avril, & fut XXII. accompagné, jufques hors des portes, de tout le fa- de Rome. cré college avec la même pompe & la même folem- Da Bla liv. 5. nité qui avoient été pratiquées à fon entrée. Tout ce qu'il y eut de plus, fut une troupe de jeunes filles au nombre de foixante vétues de blanc aux dépens de la ville,avec des couronnes de fleur fur leurs têtes; elles avoient été choifics pour être tirées au fort & enfuite mariées, comme l'empereur l'avoit ordonné. On les avoit rangées en haye, trente de chaque côté à la fortie de la porte, aïant chacune à la main une corbeille de fleurs qu'elles jettoient au tour de l'empereur fur fon paffage, & chantant des vers à la gloire de ce prince. Cette ceremonie fut fi agreable à l'empereur, qu'il fit encore la même gra

tification à douze autres dès le foir même : c'eft-àdire qu'il en dota fix de trois cens écus chacune, & fix autres de deux cens.

Le cardinal de Lorraine aïant appris de Velli & de l'évêque de Mâcon tout ce qui venoit d'arriver à Rome, alla trouver l'empereur à Sienne pour lui faire quelques reproches für fa conduite au fujet de l'inveftiture du duché de Milan. Ce prince lui avoua qu'il étoit vrai qu'il avoit donné fa parole, mais que le roi aiant continué de faire la guerre au duc de Savoye, il n'étoit plus obligé de la tenir; qu'il étoit

XXIII.
Le cardinal de

Lorraine va trou-
sienne.

ver l'empereur à

pelear in comm: Raynald. hoc ann.

lib. 21.8 31.

n. 11. Paul Jove.

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