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trepris pour réunir les efprits, les divifa davantage. Mais l'autorité l'emporta enfin, le ferment A N. 1538. fut fait & prêté par les magiftrats & par le peuple, qui tous jurerent d'obferver le formulaire de foi dreffé par Calvin. Quelques Anabaptiftes qui le trouvoient à Geneve travaillerent à décrier fa doctrine; mais il obtint une affemblée publique dans laquelle il les combattit avec fuccès,& les réduifit au filence. Il réfuta auffi Pierre Caroli qui l'accufoit lui & fes collegues d'avoir des fentimens particuliers fur le myftere de la Trinité;néanmoins fur cette accufation on tint une affemblée à Berne où Caroli fut convaincu de calomnie & contraint de fe retirer.

LXXXVIII.

Lettre de Calvin
en France.
Beze ibid. ut sup.
Papyr. Masson in

à ceux de fon par

Bolfec. Langius

vitá Calvini.

Cependant Calvin voïant que la réformation
des dogmes n'avoit point ôté toute la corruption
des mœurs qui regnoit dans Geneve, ni l'efprit ti
factieux qui avoit tant divifé les principales famil-
les, déclara que vû l'inutilité de ses rémontrances,
on ne pouvoit point célebrer la céne pendant que
ces defordres fubfifteroient. Dans le même temps
apprenant qu'il y avoit beaucoup de ses fectateurs
en France qui connoiffoient, difoit-il, la verité de
sa doctrine, mais qui se flattoient qu'il fuffifoit de
la croire bonne interieurement, & d'obferver au
dehors toutes les pratiques de la religion Catholi-
que; il écrivit fur cela deux lettres, l'une adreffée
à Nicolas du Chemin, dans laquelle il traitoit de
la fuite de l'idolatrie, l'autre à Gerard Rouffel
abbé de Clerac contre le facerdoce Papiftique.

Cependant un fynode du canton de Berne fut
la caufe de la deftruction de l'autorité de Calvin
Tome XXVIII.
E c

LXXXIX.

un autre miniftre

font chaffez de Geneve.

Beze ibid. in vita

dans Geneve. Cette affemblée avoit decidé

A N. 1538. 1o. Qu'on ne fe ferviroit point de pain levé dans la céne. 2°. Qu'il y auroit dans les églifes des fonds baptifmaux. 3°. Que l'on célébreroit les jours de fêtes auffi-bien que le Dimanche. Calvin à qui ces décifions ne plurent pas, déclara qu'on ne pouvoit s'y foumettre, & demanda qu'avant qu'on les reçût, on lui accordât d'être entendu avec fes collegues dans un fynode qui devoit être tenu à Zurich, & cependant il voulut par provifion qu'on fefervît de pain levé, qu'on ôtât des temples les fonts baptifmaux, & qu'on abolît toutes les fêtes à la referve des Dimanches. L'entêtement de cet héretique Calvin, Farel & fit ouvrir les yeux, on affembla le confeil de Ġeneve, & ceux qui étoient magiftrats alors s'uniffant aux chefs des factions, il y fut ordonné que Calvin, Farel & Couraud fortiroient de la ville dans deux jours, pour n'avoir pas voulu célebrer la céne felon le reglement du canton de Berne. Cet ordre fut fignifié à Calvin, qui dit que s'il avoit fervi les hommes, il fe croiroit mal recompenfé; mais qu'il avoit travaillé pour un maître qui accorde toujours à fes ferviteurs ce qu'il leur a une fois promis. Ainfi ces trois chefs de l'erreur fortirent de Geneve ; & Calvin fe retira à Strasbourg, où Bucer & Capiton le reçurent avec joïe, lui donnerent des marques de leur eftime,& obtinrent pour lui des magiftrats la permiffion de fonder une églife dont il fut le premier miniftre, outre qu'il fut encore nommé pour être profeffeur en théologie Pour Farel il fe rétira à Neufchâtel, mais on ne dit pas ce que devint Couraud.

Calvini.

Papyr. Malon in

@itá Calvini.

XC.

College établi à

Sturmius.

Melchior Adam

Furife,

Ce qui attira Calvin à Strasbourg fut principa- A N. 1538. lement la grande réputation que cette ville s'étoit acquife par le college que Jacques Sturmius venoit d'y établir. Cette nouvelle école devint fi floriflan- Strasbourg par te en peu de temps par l'exactitude & l'application Sleidan. in comm. des profeffeurs, qu'on y venoit non feulement lib. 12. p. 383. du fond de l'Allemagne, mais des endroits les invità German. plus éloignez. Sturmius étoit né à Strasbourg en 1490. d'une des plus nobles familles ; il fut honoré des premieres dignitez de cette ville & devint très-illuftre par les fervices qu'il rendit à sa patrie. Comme il étoit favorable aux erreurs du temps, & que d'ailleurs la ville de Strasbourg avoit été très facile à recevoir ceux des héretiques qu'on chaffoit des Païs-Bas & d'ailleurs, Calvin n'eut pas de peine à y être reçu même avec agrément, & le fenat auffi porté à entrer dans fes vues que la ville avoit été facile à le recevoir, lui accorda volontiers la permiffion d'y établir une église pour les François.

On place dans cette année le commencement de la fecte des Antinomes, ou Antinoméens, c'est-àdire, contraires à la loi, dont on fait auteur un certain Jean Agricola Allemand furnommé Ilebius, parce qu'il étoit d'Iflebe ou Eisleben dans le comte de Mansfeld, où il prit naiffance le vingtiéme d'Avril de l'an 1492. Après avoir étudié en théologie à Wittemberg, il y donna dans les nouveautez que Luther fon concitoïen commençoit à y débiter. Il s'acquit beaucoup de réputation par fes fermons pendant la conference de Spire, où il fuivit l'électeur de Saxe avec le comte de Mans

XCI. Agricola Iflebius

établit la fecte des

Antinoméens.

nom.

Pratcol. in Anti-
Pontanus in ca-

tal. haret.

feld dont il étoit miniftre. Peu après il se broüilla A N. 1538. avec Melanchton, contre lequel il écrivit en 1527. & il quitta fon païs pour fe retirer à Wittemberg, où il obtint une chaire de profeffeur & de miniftre. Après dix ans de féjour dans cette ville, il voulut être chef de parti, & enfeigna que la loi n'étoit d'aucun ufage, que les bonnes œuvres ne servoient de rien, & que les mauvaises ne nuifoient point au falut; que Dieu ne punit jamais les peuples d'un païs pour leurs pechez; que le meurtre, l'adultere, l'ivrognerie & femblables crimes ne font pas de veritables pechez en eux-mêmes, mais qu'ils ne font tels que lorfqu'ils font commis des mépar chans; & que par confequent le menfonge & la diffimulation d'Abraham n'étoient point des pechez; que les enfans de Dieu étant une fois assurez de leur falut, ne peuvent plus en douter quoi qu'ils faffent; qu'aucun homme ne doit être troublé en fa confcience pour fes pechez; qu'on ne doit point exhorter un chrétien à s'acquitter des devoirs du christianifme; qu'un hypocrite peut avoir toutes les graces qu'Adam avoit avant fa chûte ; que Jefus-Chrift eft le feul fujet de toute grace, qu'aucun chrétien ne croit ni ne fait aucun bien, mais que c'eft Jesus- Chrift feul qui croit & qui fait bien; que Dieu n'aime aucun homme pour fa fainteté ; que la fanctification n'eft pas une preuve & une marque de la justification; qu'enfin pourvû qu'on croïe aux promeffes de l'évangile on eft infailliblement dans la voie da falut, quelque méchante & déreglée que foit la vic.

A N. 1538.

XCII. Luther écrit con

à le retracter.

Luther ne manqua pas d'attaquer cet héretique & de le réfuter fort au long, ne faifant reflepas xion qu'il avoit enfeigné à peu près la même chofe dès le commencement de fon hérefie, comme tre lui & Poblige Cochlée le lui reprocha affez vivement; mais voïant qu'il ne pouvoit lui faire abandonner fes erreurs malgré la vivacité de fes remontrances, il affembla les théologiens de Wittemberg, qui après avoir convaincu Agricola dans fix difputes differentes, l'obligerent à fe retracter, & à lire publiquement fa retractation dans cette même ville: non content de cela Luther étoit fur le point de le faire condamner, lorsqu' Agricola fe retira à Berlin où on lui donna l'emploi de miniftre.

XCIII.

Cenfure de la fade Paris du Cim

culté de théologie

balum mundi.

D' Argentré col

error. tom. I. in

La faculté de théologie de Paris s'étant assemblée le dix-neuviéme de Mai 1538. condamna le livre intitulé Cimbalum mundi qui lui avoit été envoïé par le parlement. Après avoir nommé des commiffaires pour examiner ce livre, elle conclut let. jud. de nov. que quoiqu'il ne contînt par des erreurs expreffes append. pag. to dans la foi, il ne laiffoit pas d'être pernicieux, & 2. p. 13. que par confequent il devoit être fupprimé. Bonaventure des Periers né à Bar fur- Aube en Champagne, & valet de chambre de Marguerite de Valois reine de Navarre, fœur de François I. étoit l'aurteur de cet ouvrage, qui eft en françois, quoique le titre foit latin. Il a été imprimé en 1538. & l'on n'en connoiffoit que deux exemplaires, quand un libraire de Hollande le fit réimprimer il y a près de vingt ans. Tous ceux qui en ont parlé, le traiterent d'ouvrage déteftable, de livre impie, qui auroit merité d'être jetté au feu avec fon auteur.

E e iij

Lacroix du Mai

ne bibli. Franc. p.

57.

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