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refolu de ne point donner l'inveftiture du duché de AN. 1536. Milan au duc d'Orleans ; que tout ce qu'il pourroit faire, ce feroit de l'accorder au duc d'Angoulême; mais à condition que fes alliez y donneroient leur confentement, & qu'on prendroit toutes les sûretez neceffaires pour le répos de l'Italic. Le cardinal connut bien par cette réponse que l'empereur ne vouloit point de paix ; il l'écrivit au roi & lui manda qu'il ne devoit plus penfer qu'à fe bien défendre, parce qu'il avoit trouvé l'empereur dans la difpofition de lui déclarer la guerre. Il donna les mêmes avis à l'amiral de Brion qui avoit déja conquis tout le Piemont jufqu'à la Doüere, & qui fe voïoit en état de conquerir tout le refte, afin qu'il fe tînt fur fes gardes; & celui-ci écrivit au roi pour le prier de temporifer jufqu'à ce qu'il eût mis Turin en état de défenfe, & qu'il fe fût affûré de quelques places du Piemont, après quoi il n'auroit plus rien à craindre des ennemis, étant déja maître de Coni, de Foffan, de Carmagnole & d'autres places.

XXIV.
On lit au roi la-

pereur.

Raynald.hoc ann.

1. 13.

Sur ces entrefaites Leidekerke ambassadeur de harangue de l'em- l'empereur auprès du roi de France, reçut de fon maître un extrait de la harangue qu'il avoit faite à Rome en présence du pape & de tout le consistoire, avec les modifications qu'il avoit jugé à propos d'y inferer, avec ordre de le lire feulement au roi, fans lui en laisser de copie. L'ambaffadeur fuivit ces ordres, & le roi fur ce qu'il en put retenir, avec ce que Velli & l'évêque de Mâcon lui en avoient écrit, y fit une réponse qu'il adreffa au pape, aux cardinaux & à tous ceux de la cour Romaine qui pouvoient avoir entendu cette harangue. Il répresen

AN. 1536.

XXV. Réponse du roi

reur.

Dupleix, hift.

p. 408.

toit dans cette réponse, qu'il eût fouhaité d'avoir été prefent au difcours de l'empereur, afin de répondre à chaque article, & fufpendre les jugemens qu'on a portez, avant que d'entendre les deux parties. Mais que puifque cela lui a été impoffible, il fe croit obligé d'expofer par écrit la verité des faits qu'on lui reproche, & de mettre fon honneur à couvert. 1°. Que la mort de fes deux filles, qui avoient été accordées à l'empereur, l'avoit empêché de France à la hade lui tenir fa parole. 2°. Que s'il a brigué l'empi- rangue de l'empere, il l'a fait ouvertement, & respectant toujours l'alliance qui étoit entre eux. 3°. Que bien loin de France some 3d'avoir suscité Robert de la Mark contre l'empereur, il avoit au contraire rappellé tous les François qui le fervoient durant leur querelle; qu'on ne prouveroit pas qu'il cut fufcité le duc de Gueldres à fe foulever contre lui, & à fe déclarer fon ennemi, leur haine étant déja assez inveterée. 4°. Que s'il a affifté le fieur d'Albret roi de Navarre, c'est qu'il ne pouvoit réfuser du fecours à fon allié & à fon vassal ; encore ne l'avoit-il fait, qu'après que l'empereur s'étant obligé à le dédommager de la perte de fon roïaume, s'étoit moqué de lui en refusant d'exécuter ses promeffes. 5°. Que quant aux traitez de Madrid & de Cambray, il avoüoit que son intention n'avoit jamais été dé les obferver, l'un aïant été extorqué pendant fa prifon, & l'autre durant celle de fes enfans ; & tous deux faits avec des condition's tyranniqués qu'il lui étoit impoffible d'accomplir. 6°. Que quant au duc de Savoye, après l'avoir fouvent fommé de lui faire raifon des droits de Loüise de Savoyé sa mere, vraïe & légitime hé

AN. 1936.

ritiere du duc défunt; fon fucceffeur n'en tenant
aucun compte, il a cru pouvoir fe mettre en poffel-
fion de ce qui lui appartient fi légitimement, prêt
à reftituer ce qu'il aura pris au-deffus de fes droits,
fuivant la décifion d'arbitres non fufpects. 7°. Pour
ce que l'empereur lui reproche d'avoir prêté de l'ar-
gent à quelques princes Proteftans d'Allemagne,
pour lui faire la guerre, & avoir contracte une
alliance avec eux, il répond que de tout temps il y a
eu une étroite liaifon entre les princes de l'empire,
& les rois de France, fans qu'aucune guerre entre
les empereurs & les mêmes rois y ait pu donner
atteinte. Qu'il convient d'avoir acheté du duc de
Virtemberg le comté de Montbeliard, à condition
de rachat au bout d'un an ; qu'il avoit été rembour-
fé, & qu'il ignoroit la caufe de cet engagement.
8°. Qu'il avoit affuré très-fincerement l'empereur,
qu'il iroit le joindre avec cinquante mille hommes
de pied, & quatre mille chevaux, préferant ce
deffein à la demande qu'on lui faifoit de l'argent,
après avoir exigé de lui deux millions d'or pour pro-
curer la liberté de fes deux fils : ce qui lui avoit fait
dire qu'il n'étoit pas banquier. 9°. Que ne trouvant
point fon honncur intereffé dans le combat fingu-
lier
que propofoit l'empereur, il n'étoit pas befoin
d'y répondre, qu'auffi bien leurs épées étoient trop
courtes pour fe battre de fi loin; mais que s'ils en
venoient à une guerre, il efperoit de fe faire voir
de fi près, qu'il pourroit donner fatisfaction à
Charles, de quelque maniere qu'il le voudroit,
& montrer à tout le monde que fon honneur le
touche plus fenfiblement qu'un combat. Enfin il

prie fa fainteté & les cardinaux de prendre fes ré- AN. 1536.

s'é

guer

ponses en bonne part, pour la défense de sa juste
caufe, & non pour offenfer perfonne, ni pour
loigner de la paix qu'il préferera toujours à la
re, & qu'il embraffera très-volontiers, pourvû que
ce foit à des conditions raisonnables. François I.
envoya auffi une copie de cette réponse au roi d'An-
gleterre, parce qu'il étoit informé que l'empereur
faifoit tous fes efforts pour engager ce prince dans
fa ligue.

Le cardinal de Lorraine aïant vû que l'empereur paroiffoit tout difpofé à vouloir la guerre, & qu'il commençoit même à parler d'un ton plus haut, parce qu'il voïoit fes affaires en meilleur état, rompit entierement avec lui; vû que dans toute l'Italie, & dans toute l'Allemagne, les imperiaux se vancoient d'avoir si bien difpofé toutes chofes, que le roi ne retireroit aucun fecours de fes alliez, & feroit en même-temps attaqué par tant d'endroits, que bien-loin d'entreprendre quelque chofe, il feroit affez embaraffé à défendre fes états: fur ces préjugez les uns par malice, d'autres par fuperftition puBlioient differentes propheties qui promettoient l'empire de l'Europe à Charles V. & la conquête de toute la France. Ils n'oublioient rien de ce qui pouvoit contribuer à relever les avantages de l'empereur, à la ruine de la monarchie Françoise. C'est ce qui détermina le cardinal, après avoir humblement remontré à ce prince que les entreprises tourneroient à sa confufion, à revenir en France pour avertir le roi de ce qui s'étoit paffé, & l'encourager mettre toute sa confiance dans le Dieu des armées, Tome XXVIII.

D

déli

& dans fes troupes. Mais François I. étoit déja inAN. 1536. formé de tout, il affembla fon conseil, pour y berer fi l'on préviendroit l'ennemi, où fi l'on attendroit que l'empereur commencât la guerre & fût l'aggreffeur, Ce dernier avis prévalut, & l'on prit la refolution de ne point commencer.

XXVI.
Le pape travaille

lier les deux mo

narques.

Comme le pape defiroit ardemment de réconcien vain à reconci- lier ces deux princes, il depécha les cardinaux Carpi & Trivulce, celui-ci vers le roi, & celui-là vers l'empereur, pour les exhorter à terminer leurs differends à l'amiable, plûtôt que d'employer la voye des armes au grand scandale de toute la chrétienté, au hafard de leurs perfonnes, à l'avantage des infideles, & des heretiques, & à la ruine de leurs fujets. Ces exhortations déterminerent le roi de France, à donner ordre à l'amiral de ne rien enDu Bellay. liv. 6. treprendre, de mettre feulement une forte garnifon dans Turin, & dans Fossan ou Coni, à son choix, afin d'y retenir quelque-tems l'empereur,s'il s'y prefentoit, & de ramener le refte de fes troupes en Dauphiné. Suivant cet ordre l'amiral laiffa dans Turin Annebaut en qualité de lieutenant de roi, avec fa compagnie d'hommes d'armes, & une forte garnison, & établit pour gouverneur dans Foffan Antoine du Prat feigneur de Montpefat.

p. 254.

Raynald.hoc anno 2. 14. 15. 16.

Mais le cardinal Carpi ne trouva pas autant de facilité auprès de Charles V. qui avoit déja déclaré à l'ambaffadeur de France qu'il n'écouteroit aucunes propofitions, qu'on n'eut auparavant fait repaffer les Alpes à toutes les troupes Françoises, & qu'on n'eut rétabli le duc de Savoye dans toutes les places qu'on lui avoit enlevées ; & en même temps,

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