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mettoit à Jefus-Chrift tous les roïaumes du monde, à condition qu'il fe profterneroit à fes pieds & l'adoreroit. Penfez-vous que je faffe un fi grand cas des biens & des richeffes, que pour en joüir je vouluffe abandonner la verité & la religion? Si vous pensez ainfi, vous vous trompez. Les députez prirent donc congé de lui fans avoir rien fait; & à leur retour ils trouverent que le prince Georges étoit mort. Henri alla auffi-tôt fe faifir de Drefde & des autres villes, & exigea des peuples le ferment de fidelité.

Le Lutheranisme fut auffi-tôt introduit dans la Mifnie, dans la Thuringe & dans les terres qu'il poffedoit en Saxe. Luther fut appellé à Leipfick par le duc Henri, & profitant de l'inconftance ordinaire au peuple & de l'autorité qu'on lui donnoit à lui-même, il prêcha vivement contre la religion Catholique, & par un feul fermon & dans un feul jour il vit changer tout l'état de la religion dans cette ville, qui devint en un moment Lutherienne. Le jeune Joachim électeur de Brandebourg qui avoit toujours fait profeffion de la foi Catholique, follicité par fes fujets de fuivre le même parti, & voïant qu'ils lui promettoient de païer toutes fes dettes, s'il vouloit avoir pour eux cette complaisance, se laissa auffi gagner, & imita le marquis Joachim fon pere; fon oncle même le cardinal de Maïence tout zéle Catholique qu'il paroiffoit, ne resista pas au torrent qui entraînoit toute l'Allemagne feptentrionale, & fe vit contraint d'accorder aux diocefes de Magdebourg & d'Alberftad, la liberté d'embraffer la confeffion

AN. 1539

VI.

Henri fon frere troduit le Luthe

lui fuccede & in

ranifime dans fes

sleidan ut fuprà

lib. 12.p. 396.

AN. 1539.

. VII.

Le pape proroge

temps qu'il lui

plaira.

d'Aufbourg à l'exemple de leurs voifins.

Au milieu de ces troubles le pape reculoit toujours la tenue du concile qui devenoit de plus en

propre

le concile pour le plus néceffaire. Enfin craignant que fa putation ne fouffrît de ces délais, il dit, qu'il vouPallavicin. hift. loit finir cette affaire, & pour ne laiffer aucun e..g. n. I. & 3. doute fur ce qu'il penfoit, il tint un consistoire Sleidan. in com. où il proposa cette affaire avec vivacité. Les senti

conc. Trid. lib. 4.

1.12 p. 396.

VIII.

nal Farnefe légat

mens furent fort partagez dans cette affemblée. Quelques cardinaux vouloient qu'il ne fût plus question d'un concile, & qu'on revoquât tout ce qui avoit été fait jufques alors pour s'y preparer leur prétexte étoit que les princes chrétiens étant en guerre les uns contre les autres, on ne pouvoit s'affembler fûrement ni utilement; d'autres plus prudens infifterent pour la tenue du concile, mais fuivant les vûës ordinaires de la cour de Rome, qui craint toujours tout ce qui peut donner atteinte à fes prétentions, ils fe contenterent de parler en faveur de la convocation du concile, fans rien faire pour en hâter la tenue, & conclurent même qu'il falloit laiffer au pape le choix du temps & du lieu où on l'affembleroit. Ce partie fut accepté, & le treiziéme de Juin le pape fit une bulle qui fufpendoit le concile convoqué pour le temps qu'il plairoit au pape & au fiege apoftolique de le tenir.

Le dix-neuvième de Mai precedent le pape avoit Al envoie le card: envoïé le cardinal Farnefe fon neveu en qualité de auprès de l'empe légat à Tolede auprès de l'empereur, pour temoigner à ce prince le chagrin que la mort de l'impeOnuphr. in vita ratrice avoit caufé à toute la cour de Rome, &

reur.

Pallav. ibid. n. 3.

Marcelli.

pour

pour traiter avec lui des affaires de l'église. Comme ce légat n'avoit que dix-neuf ans, le pape lui donna pour l'accompagner Marcel Cervin évêque de Nicaftre, homme habile, & en état de fuppléer au défaut d'experience du jeune cardinal. Le but principal de cette légation étoit d'empêcher l'affemblée que les princes fur-tout les Proteftans, avoient refolu de tenir en Allemagne fur les affaires de la religion. Mais à cet égard la légation n'eut point d'effet, & l'autorité des princes l'emporta fur les vûës particulieres de la cour de Rome. Au refte l'empereur goûta l'efprit & les manieres de Farnese, & ce prince aïant refolu de faire un voïage dans les PaïsBas, il voulut que le jeune cardinal l'accompagnât, ce que Farnefe accepta quoiqu'il eût reçû ordre du pape de ne demeurer que peu de jours auprès de l'empereur.

AN. 1539.

IX.
Le lantgrave de

Heffe confulte les

Proteftans, s'il peut époufer deux

femmes.

Boffuet hift.des & variat.tom.s.lib.

Tous ces interêts particuliers du pape & de Charles V. nuifoient à ceux de la religion, & pendant ce temps-là le credit des Proteftans fe fortifioit extraordinairement. Tout concouroit à l'augmenter, le credit de ceux qui les foutenoient, leur propre religion, qui en favorifant les paffions 6. fe faifoit aisément recevoir. On en vit un exemple confiderable fur la fin de cette année dans la décifion que les miniftres de la nouvelle religion donnerent au lantgrave de Heffe au fujet d'une concubine qu'il vouloit garder avec fa femme legitime. Ce prince fe portoit depuis long-temps à des excez criminels avec d'autres femmes que la fienne. Il ne fe faifoit pas la violence qui cut été néceffaire pour devenir chaste, & la religion LutheTome XXVIII,

Ii

rienne qu'il avoit embraffée, n'autorifoit pas les AN. 1539. mortifications corporelles qui auroient pû lui fervir de remede. Il fe perfuada donc aifément que fon infirmité le difpenfoit de la rigueur de l'évangile, & pouvoit lui permettre d'avoir deux femmes en même temps, & rien ne lui faifoit de la peine dans l'idée qu'il s'en étoit formée, que la nouveauté de la chofe, mais il fuppofa que l'approbation de Luther & des autres théologiens les plus célebres de fa fecte, lui ôteroit facilement ce fcrupule. Il chargea donc Bucer d'une inftruction qu'il avoit dreffée ou fait dreffer pour être communiquée à Luther, & dans laquelle il expofoit, que depuis fa derniere maladie, il avoit beaucoup reflechi fur fon état, & que c'étoit ce qui l'avoit éloigné de la sainte table, craignant d'y trouver fon jugement, parce qu'il ne vouloit pas quitter la vie criminelle. Il parle enfuite de fa complexion & des effets de la bonne chere qu'on faifoit dans les assemblées de l'empire, où il étoit obligé de fe trouver, & où il ne pouvoit mener fa femme à caufe de l'embarras; il ajoûte qu'avec la femme qu'il a il ne peut ni ne veut changer de vie, dont il prend Dieu à témoin, de forte qu'il ne trouve aucun moïen d'en fortir que par les remedes que Dieu à permis à l'ancien peuple, c'est-à-dire la polygamie, & rappor te les prétendues raifons qui lui perfuadent qu'elle 'n'eft pas défenduë par l'évangile. C'eft pourquoi, continue-t'il, pour le falut de mon ame, je demande à Luther, à Melanchton & à Bucer même, qu'ils me donnent un témoignage que je la puis embrasser, ou du moins une déclaration par

écrit & qui ne fera pas imprimée, que fi je me mariois fecretement, Dieu n'en feroit point offen- AN. 1539. fé, & qu'ils cherchent les moïens de rendre avec

le

temps ce mariage public; en forte que la femme que j'épouferai ne paffe pas pour une perfonne malhonnête, autrement dans la fuite du temps l'églife en feroit fcandalisée. Cette inftruction qui contient encore beaucoup d'autres choses, est dattée de Melfingue le Dimanche après la fainte Catherine, c'eft-à-dire fur la fin du mois de Novembre de l'année 1539.

X.
On s'affemble à

décider en faveur

Pour répondre aux desirs du lantgrave, on s'affembla à Wittemberg dans le mois de Decembre, Wittembergpour & l'on examina l'affaire avec toutes les précautions du lantgrave. qu'on jugea capables d'empêcher que ce qui y feroit décidé ne fût tourné en ridicule; l'on prévit les facheuses suites de ce qu'on alloit faire-; mais enfin la crainte de defobliger le prince l'emporta chez Luther & fes principaux difciples fur la loi de JesusChrift, fur la confcience, fur la réputation, & fur les autres raifons divines & humaines, en forte que les miniftres Proteftans permirent au prince de prendre une feconde femme par la réponse qui fuit & qui eft digne d'attention.

XI. Confultation de

Luther & des auProteftans fur la polygamie.

tres theologiens

Nous avons appris de Bucer, & lû dans l'inftruction que votre alteffe lui a donnée, les peines d'efprit & les inquietudes de confcience où elle eft prefentement, & quoiqu'il nous ait paru très-difficile de répondre fi-tôt aux doutes qu'elle propofe, nous n'avons pas néanmoins voulu laiffer partir fans hit geftor. in eccl. réponse le même Bucer, qui étoit preffé de retour-mem. hoc ann. dener vers votre alteffe. Nous avons reçû une extré

Boffuet hift. des variat. ut fuprà:

La Bizardiere

hift.geftor.

cad.3.p.20.&feq?

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