me des lions dans un fort, on défendit fur peine de la vie de leur donner aucuns alimens. Ces AN. 1545. miferables députerent vers d'Oppede pour obtenir de lui la permiffion d'abandonner leurs biens, & de se retirer la vie fauve dans les païs étrangers, Le baron de la Garde quoiqu'auffi cruel que l'autre, paroiffoit flechi; mais le prefident lui répondit brufquement qu'il les vouloit tous prendre, Lans qu'aucun échappat, & les envoïer habiter aux enfers. Huit cens perfonnes perirent dans cette action. On alla enfuite à la Cofte, dont le feigneur avoit promis aux habitans qu'il ne leur feroit fait aucun dommage, pourvû qu'ils portaffent leurs armes dans le château, & qu'ils abattissent les murailles de la ville en quatre endroits. Ces bonnes gens trop crédules, firent ce qui leur étoit ordonné, mais à l'arrivée du préfident, les fauxbourgs furent brûlez, la ville fut prife, & les habitans taillez en piece, fans qu'il en reftât un seul. Les femmes & les filles qui pour se dérober à la premiere furie du foldat, s'étoient retirées dans un jardin proche le château, furent toutes violées, & fi cruellement traitées, que plufieurs moururent de faim, ou de trifteffe, ou des tourmens qu'on leur fit fouffrir. Ceux qui étoient cachez dans Muffi, aiant été enfin découverts, éprouverent le même fort que les autres, & ceux qui erroient dans les forêts & fur les montagnes defertes, cherchoient plûtôt la mort que la vie dans leur retraite, aïant perdu leurs biens, leurs femmes & leurs enfans. Il y eut vingt-deux bourgs Tome XXVIII. Zzz LXXI: On traite de mê Cofte. me ceux de la De Thou ut fuprà lib. 6. Sle:dan ut fuprà lib. 16. p. 536. ou villages faccagez & brûlez. Enfuite on députa AN. 1545. par l'ordre du prefident, des commiffaires pour faire le procès au refte de ces malheureux qui avoient évité la mort, dont plufieurs furent envoïez aux galeres, d'autres condamnez à de groffes amendes, & un petit nombre abfous, entr'autres les fujets du feigneur de Cental qui abjurerent publiquement leurs erreurs. LXXII. pute au roi pour Après un maflacre fi cruel, le president d'OD'Oppede dé- pede & les commiffaires craignant que la relation n'étre point re- en étant portée en cour, on n'en eut de l'horreur cherché fur cette & qu'on ne fit un jour de la peine à ceux qui De Thou ut fup. avoient conduit toute cette affaire, députerent au affaire. LXXIII. roi le president de la Font, pour charger de crimes énormes tous ceux qui avoient été maffacrez avec tant d'inhumanité, & faire croire que vû la nature de leurs attentats, on les avoit beaucoup épargné. Ce prefident s'acquitta fi heureusement de la commiffion, qu'il obtint du roi une efpece de confirmation de ce qu'il avoit fait, par une déclaration dattée du dix-huitiéme d'Août, & ce fut par le crédit du cardinal de Tournon, qui toutefois ne put tranquillifer la conscience du roi fur ce fujet, & beaucoup d'auteurs ont écrit qu'une des chofes que ce prince recommanda expreffément à fon fils Henri II, en mourant, fut de faire informer de nouveau de cette affaire, & de punir les auteurs & les executeurs de cette barbare execution. Comme le roi d'Angleterre avoit envoïé GarCrédit de Cran- diner évêque de Winchester à Bruges auprès de dans les fieges des l'empereur, Cranmer archevêque de Cantorbery mer mettre au roi que fentiment. Burnet. hift. de la reform. liv. 3. t. 1. in 4. p. 457. voulut profiter de cette abfence pour avancer l'ouvrage de la réformation, à quoi il fçavoit bien AN. 1545. que ce prélat fe feroit oppofé; il fit donc quel- évêques de fon ques démarches pour pour réuffir dans fon projet, mais Gardiner en aïant été informé, écrivit au le pape & l'empereur étant liguez ensemble contre les Proteftans d'Allemagne, la moindre innovation qui fe feroit en Angleterre par rapport à la religion, feroit capable de les porter à donner au roi de France toute la fatisfaction qu'il pourroit souhaiter, afin de l'engager dans leur ligue, en vûë d'agir tous enfemble contre lui. Cet avis arrêta les projets de Cranmer, qui eut pourtant affez de crédit pour procurer la feconde dignité de l'église d'Angleterre à un prélat qui étoit dans fes fentimens. Lée archevêque d'Yorck étant mort, le roi donna ce fiege à Robert Holgaïte évêque de Landaffe, & l'évêché de celui-ci à Kitchin, prélat qui fçut s'accommoder aux diverfes revolutions des regnes fuivans. Bell évêque de Worcester s'étant demis dès l'année precedente, Heath évêque de Rochester fut mis en fa pla ce, & Henri Holbeach partifan de la reformation fut fait évêque de Rochester, Samson évêque de Chichester aïant été mis fur le fiége de Coventri & Lichefields, l'évêché qu'il quitta fut conferé à Day, qui avoit auffi beaucoup de penchant pour la nouvelle doctrine. Le parlement d'Angleterre s'affembla le vingttroifiéme de Novembre, & le clergé de la province de Cantorbery continua pour deux nouvel les années le fubfide de fix fols par livre, livre, afin LXXIV: corde au roi les & hôpitaux. AN. 1545. reforme tom. 1. l. 3.pag. 463. Milord Herbert de fournir aux frais de la guerre. Dans le même temps le roi demanda aux chambres le pouvoir de Burnet bift. de la difpofer, comme il le jugeroit à propos, des biens de tous les hôpitaux, feminaires, colleges, chanhift. regn. Henr. treries,confrairies,oblations facrées,meffes fondées Sanderus hift. du par les fidéles pour le falut de leurs ames & de celfchifm.lib.i. pag. les de leurs parens, de difpofer non feulement de leurs biens, mais encore des bâtimens & églifes de tous ces lieux; enforte que l'on peut dire, avec Sanderus, qu'il ne restoit plus au roi que de vendre l'air aux vivans & la fepulture aux morts ; & ce fut ici la derniere des violences de ce prince. Le parlement lui tranfporta toutes ces fondations avec la puiffance de s'en faifir, & d'en joüir auffi longtemps qu'il lui plairoit. Le prétexte de cette fuppreflion fut l'abus qu'on prétendoit avoir été fait jufqu'alors de ces revenus. Mais tout cela ne fuffifant pas pour l'infatiable avidité du roi, on lui accorda encore une fomme d'argent considerable, & comme on n'étoit affemblé que pour cela, le parlement fut congedié le vingt-quatriéme Decembre, après que ce prince qui s'y étoit rendu cut fait un difcours, dans lequel il dit entr'autres chofes, que jamais roi n'avoit cu plus d'affection pout fes fujets que lui, ni n'en avoit été plus aimé. Il ajoûta beaucoup d'expreffions femblables, qui, quoique toutes contraires à la verité, furent pourtant reçues du peuple avec de grandes acclamations, & beaucoup d'applaudiffemens. LXXV. Luther de fon côté continuoit toujours à comEcrit de Luther battre la religion catholique par fes écrits. Il fit contre les theolo- d'abord paroître au commencement de cette an & le pape. lib. 16. p. 529. Ó fcriptis Luthers née une réponse aux théologiens de Louvain, A N. 1545. qu'il appelle héretiques & fanguinaires, parce qu'enseignant, dit-il, une fauffe & mauvaife doc-giens de Louvain trine qu'ils ne peuvent prouver ni par la raifon ni sleidan in comm par l'écriture fainte, ils ufent de violence & pro- 524. 540. pofent de mettre tout à feu & à fang. Semblables Cochl. nat. aux docteurs de Paris, ils expofent nuement & fans hoc anno p. 3x1% preuve ce qu'ils difent qu'on doit fuivre, & par-là ils excitent les magiftrats à exercer la perfecution la plus violente. Il compofa auffi un livre de la céne du Seigneur, dans lequel il renouvelloit l'ancienne dispute qu'il avoit eue avec les Sacramentaires, & difoit plufieurs chofes contre Zuingle & fes fectateurs. Ceux de Zurich y répondirent assez vivement, mais le plus furieux de tous fes ouvrages, fut celui qu'il fit en Allemand contre la papauté Romaine, établic, difoit-il, par Satan. Il répond d'abord au bref du pape à l'empereur, rapporté plus haut, il refute les endroits de l'écriture que le fouverain pontife avoit rapportez pour établir fa primauté. On voïoit au commencement du livre une eftampe, dans laquelle le pape étoit affis fur un trône élevé,vêtu de fes habits pontificaux,les mains jointes & étenduës avec des oreilles d'âne, & tout autour de lui plufieurs démons de differentes figures, les uns lui mettant la tiarre fur la tête, après l'avoir rempli d'ordures, les autres le defcendant en enfer avec des cordes, ceux-là apportant du bois pour le brûler, ceux-ci lui foutenant les pieds, afin qu'il defcendît plus à fon aife. Zzz iij |