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les leur donna à un fort bas prix. Le vicegerent pu

blia auffi un nouveau reglement ecclefiaftique, dont AN. 1536. le fondement étoit la doctrine des articles

qu'on vient de voir, ce qui prouve combien il étoit capable des diffimulations les plus criminelles, puifqu'étant Proteftant dans le cœur, il ne croïoit rien de ce qu'il venoit de figner.

Pendant que l'affemblée du clergé fe tenoit encore, Henri VIII. voulut avoir fon avis fur le pro+ cedé du pape, qui l'avoit cité au concile qui avoit été indiqué à Mantouë, & l'avis des prélats fut qu'un véritable & légitime concile gouverné par le Saint-Elprit, tenu dans un lieu libre, avec les circonftances & les conditions requises, étoit un excellent moïen pour entretenir la paix & l'union dans l'églife, pour rétablir la foi, pour extirper les hérefies, abolir les fchifmes; mais qu'avant que d'affembler un concile, il falloit examiner. 1o. En qui réfidoit le droit de le convoquer. 2°. Si l'on avoit de bonnes raifons pour le faire. 3o. Quels feroient ceux qui y affisteroient comme juges. 4°. De quelle maniere on y procederoit. 5°. De quels points on y traiteroit. Ensuite l'affemblée déclara que ni le pape, ni aucun prince du monde n'avoit le droit de convoquer un concile general, fans l'aveu & le confentement de tous les fouverains de la chrétienté. Et cette réponse fut fignée de tous ceux qui composoient l'asfembléc.

Suivant cet avis, Henri publia une longue proteftation contre le concile qui étoit indiqué à Mantouë, dans laquelle il prétendoit faire voir,

LXX.
Henri publie une

proteftation con-
Mantoue

tre le concile de

Sleidan in com

365.

que le pouvoir de convoquer ces assemblées uniAN. 1536. verfelles de l'églife, n'appartenoit nullement aux ment. lib. 11. pag. papes ; que les empereurs étoient autrefois dans cette poffeflion, & que depuis eux les princes chrétiens y avoient tous part; qu'outre cela l'évêque de Rome n'aïant aucune autorité dans le roïaume d'Angleterre, rien ne lui donnoit le pouvoir d'en appeller les fujets à ce concile. Que le lieu n'étoit ni libre, ni commode; que d'ailleurs on ne feroit rien de bon dans un concile, où le pape préfideroit, puifque le principal but d'une femblable convocation, étoit de réduire la puissance des pontifes Romains à fes anciennes bornes. Que pour lui, il fouhaitoit extrêmement un concile libre; mais qu'en premier lieu celui de Mantouë ne pouvoit l'être; & que de plus c'étoit mal dre fon temps, que de vouloir affembler l'église lorfque toute la chrétienté étoit en feu, & que l'empereur & le roi de France se faifoient la guerre. Il ajoûtoit que le pape avoit choifi lui-même cette conjoncture; afin que les prélats ne pouvant fe mettre en voïage pour ce concile, fa brigue y fût plus puiffante; que pour ces confiderations, il n'iroit à aucun concile affemblé par l'évêque de Rome; mais que fi la paix étoit rétablie entre les princes, il confentiroit avec joïe qu'on assemblât un vrai concile. Que jufques-là, il conserveroit la vraïe foi dans fon roïaume, au peril même de fa vie & de fa couronne. Que dans cette réfolution, il protestoit contre tout concile assemblé par l'autorité de l'évêque de Rome, qu'il ne le reconnoîtroit point pour légitime, & qu'il ne se fou

pren

mettroit

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AN. 1536.

LXXI.

fons religieufes en

mettroit jamais ni à fes decrets, ni à fes décifions.
Quoiqu'Henri affurât dans cette protestation,
qu'il vouloit conserver dans fon roïaume tous les Suite de la fup-
articles de la foi, & qu'il perdroit plûtôt la vie & preffion des mai-
la couronne que de permettre qu'on renverfat Angleteire.
aucun des fondemens de la religion; il se condui-
soit néanmoins comme un prince qui ne penfoit
qu'à la détruire, en s'emparant des biens de l'égli-
fe, & fupprimant tant de maisons religieufes pour
lefquelles les catholiques avoient beaucoup de ve-
neration. Tous les religieux de ces mailons fup-
primées, qui souhaiterent de retourner dans le fié-
cle, en obtinrent aisément la difpenfe du roi ; &
les autres furent transferez dans les grands mo-
nafteres auxquels on n'avoit point encore touché.
Quant aux maisons & aux églifes, elles furent dé-.
molies, & on en vendit les materiaux au profit du

roi.

LXXII.
Plufieurs font

Burnet hift. de la

Mais cette fuppreffion fit beaucoup de mécontens, les grands & les nobles trouvoient fort mau- mécontens de cetvais qu'on eût accordé au roi les biens des mona- te fuppreffion. fteres fupprimez, dont la plûpart avoient été fon-reform. tom. 1 liv. dez par leurs ancêtres. D'ailleurs ils fe voïoient pri- 3.pag. 395. vez du moïen trop ufité de fe délivrer de leurs enfans, quand ils en avoient un trop grand nombre, & d'aller en voïageant loger dans ces maifons où ils étoient toujours bien reçûs. Les pauvres murmuroient encore plus fortement, parce que plusieurs d'entre eux vivoient des aumônes qu'ils recevoient journellement des religieux. Le roi tâcha de remedier à ces plaintes, en faifant publier les prétendus défordres qu'on difoit avoir décou

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LXXIII. Reglement du

duite des ecclefia

ftiques.

pre

vert dans ces communautez; mais on regarda ces AN. 1536. rapports comme exagerez, & d'ailleurs on répondoit avec raifon, qu'il falloit fe contenter de reformer les monaftercs, s'il y avoit du déreglement, & non pas les détruire. Loin d'avoir égard à ces juftes remontrances, Henri aigrit encore plus les efprits par un nouveau reglement, qui fut, dit-on, dreffé par Cranmer, & publié par Cromwel au nom du roi feulement, fans aucune mention de fon clergé, dont le nom avoit toujours été emploïé jufqu'alors avec celui du prince, comme agissant ́ de concert l'un avec l'autre. Ce reglement qui regardoit la conduite que devoient tenir les ccclefiatiques, étoit compris en dix articles. Dans le roi pour la con- mier on les chargeoit d'expliquer aux peuples les articles de la religion dreffez & publicz depuis peu. Dans le fecond; on parloit du retranchement des fêtes au temps de la moiffon. Dans le troifiéme, on regloit le culte des reliques, & l'on défendoit les pelerinages. Dans le quatrième, on traitoit d'ufurpation l'autorité du pape. Le cinquiéme regloit, que les ecclefiaftiques exhorteroient le peuple à faire apprendre aux enfans l'oraifon dominicale, le fimbole des apôtres, & les commandemens de Dicu en Anglois. Dans le fixième, on exhortoit les curez à bien administrer les facremens, & à avoir foin des ames. Dans le feptiéme, on défendoit aux ecclefiaftiques d'aller au cabaret, de jouer, & on leur recommandoit l'étude de l'écriture fainte. Dans le huitiéme, on ordonnoit aux ccclefiaftiques qui avoient deux cens foixante livres ou plus par an d'en donner la quarantiéme partie aux pauvres, tant

,

qu'ils ne réfideroient pas dans leurs benefices. Par le neuvième, ceux qui avoient treize cens livres de AN. 1536. rente en biens d'églife, 'étoient obligez d'entretenir un écolier dans quelque academie, pour fervir enfuite la paroiffe. Par le dixième, ils devoient donner un cinquième de leurs profits, pour reparer la maifon du curé, fi elle tomboit en ruine, & l'entretenir en bon état.

Ce reglement ne contenoit rien qui n'eût déja été ordonné. Cependant il fut reçu fort mal des ecclefiaftiques, qui ne pouvoient fouffrir de fe voir foumis aux ordres du vicegerent, dont ils difoient, qu'ils alloient devenir les efclaves, bien plus qu'ils ne l'avoient été du pape. Et toutes leurs plaintes exciterent une revolte, qui ne tarda pas long-temps à éclater. Elle parut d'abord dans la province de Lincoln, où un docteur en théologie, prieur du monaftere de Barlins, fit prendre les armes à près de vingt mille hommes, dont il fe fit chef fous le nom de capitaine Cobler, c'est-à-dire, le capitaine Savetier. Les foulevez envoïerent au roi leurs griefs, dans lesquels ils fe plaignoient qu'il eût fupprimé un très-grand nombre de monafteres; qu'il s'étoit fait accorder par le parlement de grands fubfides fans aucune néceffité; qu'il admettoit dans fon confeil des gens de baffe naiffance, qui ne penfoient qu'à s'enrichir ; que plufieurs d'entre les évêques avoient abandonné l'ancienne foi, pour fuivre de nouvelles doctrines condamnées par l'églife; qu'après avoir vû le pillage de tant de monafteres, ils apprehendoient qu'on n'enlevât les biens

LXXIV.

Il excite une re

volte dans la province de Lincoln. fchifm. Angl. lib,

Sanderus de

I. pag. 160.

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