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faisait monter, deux fois par an, un homme qui demeurait pendant sept jours au sommet. Là il était censé conférer avec les Dieux et solliciter d'eux les bienfaits qu'en attendait la Syrie1. Plus près du séjour des immortels, on croyait qu'il en şerait mieux écouté. Ceux-ci prétendaient que c'ér tait en commémoration de ce qui était arrivé à Deucalion, lorsqu'au moment du déluge il se re+ tira sur les lieux élevés. Ceux-là disaient que cette cérémonie se pratiquait en honneur de Bacchus. Quoi qu'il en soit, j'observerai que le nombre sept ou celui des jours qu'il restait dans la cavité supérieure du colosse, occupé à la prière, est un nombre mystique et sacré, et relatif à celui des sept sphères planétaires qui séparent la terre du ciel des fixes et du séjour des Dieux. Lucien nous dér crit la manière dont il montait au haut du colosse à l'aide d'une chaîne qui lui servait d'appui. Arrivé en haut, il lâche une autre chaîne qui lui sert faire monter tout ce dont il a besoin pour s'y construire une cabane et y vivre pendant sept jours Pendant ce temps-là, des dévots arrivent de toutes parts, apportent de l'or, de l'argent ou des monnaies de bronze, qu'ils déposent en bas; puis ils s'en vont après avoir donné leur nom. Un prêtre, qui se tient debout en bas, répète ces noms à celui qui est en haut, et celui-ci à chaque nom fait une prière en même temps qu'il frappe une clochette dont le, son aigu fait assez de bruit. Il lui est déb

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fendu de dormir, et s'il était tenté de le faire aussitôt monterait un scorpion qui le piquerait cruellement pour le réveiller. Voilà au moins ce que débitent les faiseurs de contes religieux; et Lucien n'ose garantir la vérité du fait. Voilà comme les prêtres se sont toujours joués des sots qui leur portaient de l'argent afin de les engager à prier pour eux comme étant des êtres d'un ordre supérieur au reste des mortels, et placés entre eux et les Dieux. Que de fois cette supercherie a été répétée sous des formes différentes, sans que les peuples trompés en soient devenus plus sages et les prêtres moins impudens!

Le temple était, suivant Lucien, exposé au soleil levant et aux rayons naissans du Dieu qui y était adoré. Sa forme et le style de son architecture étaient Ioniques. Les portes en étaient dorées'. L'or brillait de toutes parts dans l'intérieur du temple dont le lambris et la voûte étaient dorés ; l'air était ; parfumé d'essence, et tel qu'on le respire en Arabie. L'odeur la plus agréable parfumait jusqu'aux habits de ceux qui y étaient entrés, et se faisait sentir encore long-temps après qu'ils en étaient sortis. Les prêtres seuls entraient dans une espèce de chapelle, ou sanctuaire particulier, dont était exclu le reste des adorateurs qui inondaient les autres parties du temple. Dans ce sanctuaire étaient placées les statues de Jupiter et de Junon qu'on y adorait, mais sous d'autres noms. Ces sanctuaires

1 Lucien, p. 901.

TOME V.

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étaient dorés, et les deux divinités étaient représentées assises. Des figures delion, comme nous l'avons déjà observé, portaient Junon (k), et des taureaux portaient Jupiter. La statue de Jupiter avait tous les traits auxquels on peut reconnaître ce Dieu '. C'était sa tête, ses yeux, sa manière d'être assis, enfin il était impossible de représenter autrement Jupiter. Junon, dit Lucien, examinée de près réunit les traits de différentes divinités; dans le fait, c'est bien Junon; mais elle a quelque chose de Minerve, de Vénus, de la Lune, de Rhéa, de Diane, de Némésis et des Parques. D'une main elle tient un sceptre, et de l'au tre un fuseau. Sa tête rayonnante soutient des tours, et elle ale ceste qui appartient exclusivement à Vénus. J'observerai ici qu'Isis, dans Apulée 2, prend tous. les noms des divinités dont cette Junon emprunte les attributs. C'est donc bien réellement une Isis. Elle a, en outre, d'autres ornemens en or et en pierres précieuses; les unes blanches, les autres couleur d'eau, celles-ci couleur de feu. Elle a aussi des émeraudes, des hyacinthes, des sardoines, etc., et d'autres pierreries dont les Egyptiens, les Indiens, les Ethiopiens, les Mèdes, les Arméniens et les Babyloniens ont composé sa parure. J'observerai encore que dans la peinture que MartianusCapella fait de Junon, il donne à cette déesse une couronne de douze pierres précieuses destinées à représenter les douze signes et les mois, et que les pierres ici dénommées en font partie. Lucien

1.

1 Lucien, p. 902.- 2 Apulée. Métam., l. 11.3 Martian Capell., 1. 6, c. 4 et 5.

nous dit que ce qu'il y avait de plus remarquable était une très-grosse pierre précieuse nommée lycnis, et qui produisait parfaitement l'effet qu'indiquait son nom, car elle jetait pendant la nuit un si vif éclat que tout le sanctuaire était éclairé. Sa lumière n'était presque pas sensible pendant le jouron n'y voyait simplement qu'une pierre couleur de feu. Je remarquerai ici que cette pierre isolée et très-éclatante désignait, avec beaucoup d'apparence, l'astre même que représentait Junon, c'est-à-dire la lune. Clément d'Alexandrie 2, Jo sèphe et Philon, parlent de semblables pierres qui composaient la parure du grand-prêtre des Juifs, et parmi lesquelles on en distinguait deux plus grosses et plus brillantes, destinées à représenter le soleil et la lune.

Le commentateur anonyme de Denis le voyageur parle de cette pierre lycnis, dont l'éclat approchait de celui du feu et de la flamme, et il nous dit qu'on l'appelait aussi pierre sélénite ou lunaire, parce que sa lumière croissait et diminuait, en suivant celle de la lune et les progressions de ses phases. Il n'en fallut pas davantage pour en faire le principal ornement de la Junon Assyrienne, qui, sui→ vant Lucien, avait beaucoup de caractères qui lui étaient communs avec la lune et avec Diane. Pline parle dans les mêmes termes de la pierre sélénite, qui renferme en elle une espèce d'image de la lune dans

...Lucian, p. 903. 2 Clem, Alex. Str., I. 5, p. 565; Jos. Ant. Jud.,. 3, c. 85 Anony. in Dionys. Perieg., v. 316. 1

les accroissemens et décroissemens périodiques de sa lumière. Il ajoute qu'on croit qu'elle naît en Arabie. Dioscoride prétend qu'on la remarque par l'éclat qu'elle jette au milieu de la nuit et qui sert à la faire trouver. Tous ces caractères conviennent parfaitement à cette fameuse pierre de Junon, dont parle ici Lucien. Pline fait mention, quelques chapitres auparavant, de la pierre lycnis du genre des escarboucles ou pierres de couleur de feu, et que l'on trouve au clair de la lune, surtout dans son plein 2. Junon pouvait-elle mieux être caractérisée que par une pierre qui, comme la lune, brillait au sein des ténèbres de la nuit? Aussi, dans la table de Kirker qui contient la chaîne des êtres subordonnés à chaque planète, dans les différens règnes minéral, végétal, animal, la pierre sélénite est celle qui est affectée à la lune.

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Ce simulacre avait encore quelque chose de singulier, dans sa manière de se présenter à la vue. Le regardait-on en face, il paraissait vous fixer. Passait-on devant, il semblait vous suivre des yeux. Enfin, de quelque côté que vous regardassiez sa figure, il avait l'air d'avoir les yeux tournés sur

vous.

Au milieu de ces deux statues, dit Lucien, en est une troisième qu'on appelle, d'un mot générique, le signe, la statue, l'image. Cette statue est aussi dorée, mais elle n'a rien de semblable aux

2 Pline,

1 Pline, Hist. Nat., 1. 37, c. 10; Solin, p. 112.--Hist. Nat., 1. 37, c. 7. .3 OEdipe, t. 2, part. 2, p. 180.

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