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CHAPITRE II

L'occupation anglaise et l'attitude de la Porte,

de la France et du Khédive

SECTION I

L'ATTITUDE DE LA PORTE

La Turquie était placée au premier rang pour manifester son inquiétude au sujet de l'occupation anglaise. Ayant conscience de sa faiblesse devant l'Angleterre, elle ne voulait agir que d'une manière courtoise pour décider le gouvernement britannique à évacuer l'Égypte.

Après le rétablissement de l'ordre en Égypte, la Porte remerciait l'Angleterre de ce qu'elle avait fait pour assurer la sécurité dans le pays et priait l'Ambassadeur d'Angleterre de vouloir bien faire savoir à quelle date. devra s'effectuer l'évacuation des troupes anglaises dont lord Dervin lui a annoncé le départ. »

L'ambassadeur anglais répondait immédiatement que l'ordre ayant été rétabli en Égypte, son gouvernement se proposait de retirer à bref délai une partie de son contingent militaire'.

Livre Jaune, affaires d'Égypte 1882-1883, pp. 51 et s.

Les promesses d'évacuation se succédaient, mais l'armée anglaise se renforçait de plus en plus en Égypte.

En 1885, une convention intervint entre la Turquie et l'Angleterre, dont voici le texte :

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Article premier. - S. M. le Sultan et S. M. Britannique enverront respectivement un haut fonctionnaire en Égypte. Art. 2. Le haut commissaire ottoman avisera, de concert avec S. A. le Khédive ou avec le fonctionnaire qui sera désigné à cet effet par S. A., aux moyens les plus propres à apaiser le Soudan par des voies pacifiques. Le haut commissaire ottoman et S. A. le Khédive tiendront le haut commissaire anglais au courant des négociations, et, comme les mesures à arrêter se rattachent au règlement des officiers égyptiens, elles seront adoptées et mises à exécution d'accord avec le haut commissaire anglais.

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Art. 3. Les deux commissaires réorganiseront de concert avec S. A. le Khédive, l'armée égyptienne.

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Art. 4. Les deux hauts commissaires, de concert avec S. A. le Khédive, examineront toutes les branches de l'administration égyptienne et pourront y adpater les modifications qu'ils jugeront nécessaires dans les limites des firmans impériaux.

Art. 5.

- Les engagements internationaux contractés par S. A. le Khédive seront approuvés par le gouvernement ottoman en tant qu'ils ne seraient pas contraires aux privilèges accordés par les firmans impériaux.

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Art. 6. Dès que les hauts commissaires auront constaté que la sécurité des frontières et le bon fonctionnement de la stabilité du gouvernement égyption seront assurés, ils présenteront un rapport à leur gouvernement respectif qui avisera à

1 Livre Jaune 1885, pp. 3 et s.

la conclusion d'une convention réglant le retrait des troupes britanniques de l'Égypte dans un délai convenable.

Art. 7. La présente convention sera ratifiée, etc.

Mouktar-Pacha, le haut commissaire ottoman, fait un rapport sur l'état de l'Égypte et insiste sur la nécessité d'engager une guerre au Soudan. Le succès de cette guerre, disait-il dans ce rapport, est lié à ce que l'armée égyptienne soit composée uniquement de contingents nationaux.

Cette proposition du maréchal Mouktar-Pacha avait déplu au gouvernement anglais. Si l'Angleterre acceptait le rapport du haut commissaire ottoman, il lui fallait non seulement renvoyer des milliers d'officiers qui étaient dans le service de l'armée égyptienne, mais encore évacuer l'Égypte qui avait un gouvernement régulier et une armée capable de se défendre. Le rapport de l'illustre maréchal ne pouvait donc pas être accepté par le gouvernement anglais. Il demandait au gouvernement ottoman d'entrer en pourparlers, pour contracter une autre

convention.

C'est la convention du 22 mai 1887 qui intervient1. Voici les articles les plus intéressants de cette convention :

« Art. 4. Attendu que la situation anormale dans le Soudan et les troubles causés par les événements politiques en Égypte pourront, pendant quelque temps, rendre nécessaire l'adoption de précautions extraordinaires pour la sûreté des

1 Livre Jaune 1886, pp. 62 et s.

frontières et la sécurité intérieure de l'Égypte, le gouvernement de S. M. Britannique surveillera la défense et l'organisation militaire du pays.

« Dans ce but, il maintiendra en Égypte le nombre de troupes qu'il jugera nécessaire et continuera à exercer l'inspection générale sur l'armée égyptienne.

<< Les conditions concernant le retrait des troupes britanniques et la cessation de toute surveillance excercée par le gouvernement de S. M. Britannique sur l'armée égyptienne seront remplies conformément aux stipulation de l'article 5.

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Art. 5. A l'expiration de trois ans à partir de la date de la présente convention, le gouvernement de S. M. Britannique retirera ses troupes de l'Égypte. Si à cette époque l'apparition d'un danger à l'intérieur ou à l'extérieur nécessitait l'ajournement de l'évacuation, les troupes anglaises se retireront de l'Égypte immédiatement après la disparition du danger et deux ans après l'évacuation précitée les stipulations de l'article 4 ci-dessus cesseront complètement leur effet.

<< Lors du retrait des troupes britanniques, l'Égypte jouira des avantages du principe de la sûreté territoriale, et lors de la ratification de la présente convention, les grandes Puissances seront invitées à signer un acte reconnaissant et garantissant l'inviolabilité du territoire égyptien.

D'après cet acte aucune Puissance n'aura le droit, dans aucune circonstance, de débarquer des troupes sur le territoire égyptien sauf le cas prévu dans le règlement annexé à la présente convention.

<< Toutefois le gouvernement impérial ottoman usera de son droit d'occuper militairement l'Égypte s'il y a des raisons pour craindre une invasion de l'extérieur ou si l'ordre et la sécurité

à l'intérieur sont troublés, ou si le khédivat d'Égypte refuse d'exécuter ses droits envers la cour souveraine ou des obligations internationales.

De son côté, le gouvernement de S. M. Britannique est autorisé par cette convention à envoyer, dans les cas précités, des troupes en Égypte lesquelles prendront les mesures nécessaires pour écarter ces dangers. En prenant ces mesures les commandants de ces troupes agiront avec tous les égards dus au droit du pouvoir souverain.

Les troupes ottomanes ainsi que les troupes britanniques seront retirées de l'Égypte dès que les causes motivant cette

intervention auront cessé.

«

Si, par suite d'empêchements, le gouvernement ottoman n'expédiait pas des troupes en Égypte, il y enverra un commissaire pour se tenir pendant la durée du séjour des troupes britanniques auprès de leur commandant.

«

Chaque fois que les deux États sentiront la nécessité d'envoyer des troupes en Égypte, ils notifieront le cas l'un à l'autre et agiront conformément à la présente convention. »

On fixait donc une date pour l'évacuation de l'Égypte ; mais cette date était assez élastique; en cas d'un danger intérieur ou extérieur, l'évacuation pouvait être suspendue. De plus, un nouveau danger pouvait rétablir l'occupation anglaise.

Cette convention excluait donc complètement l'intervention des autres puissances. Sous la pression de la Russie et de la France, la Porte voulut entrer en pourparlers avec le gouvernement anglais pour modifier certains points de la convention; le Gouvernement anglais n'accepta pas et la Porte refusa sa ratification.

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