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Loix Civiles.

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Quant à notre Dynastie Tang, les Princes qui en ont été les Fondateurs, après avoir employé heureusement la force des armes pour rendre à l'Etat fon ancienne tranquillité, s'occuperent à le régler par de fages Loix; & pour en venir là, bien loin de rien emprunter de cette vile Secte étrangere, dès la premiere des années nommées Tchin-koan, Tai-tfong fe déclara contre elle; mais il alla trop mollement, & le mal n'a fait qu'augmenter. Pour moi, après avoir lu, & pefé tout ce qu'on m'a représenté sur ce point, après en avoir délibéré mûrement avec gens fages, ma résolution est prise. C'est un mal, il y faut remédier. Tout ce que j'ai d'Officiers éclairés dans les provinces, me preffent de mettre la main à l'œuvre. Selon eux, c'eft tarir la fource des erreurs qui inondent tout l'Empire, c'est le moyen de rétablir le Gouvernement de nos Anciens, c'est l'intérêt commun, c'est la vie des Peuples. Le moyen après cela de m'en difpenfer?

Voici donc ce que j'annonce : 1°. Que plus de quatre mille fix cents Bonzeries, qui font répandues de côté & d'autre dans tout l'Empire, foient absolument détruites. Conféquemment, que les Bonzes, hommes ou femmes (*), qui habitoient ces Bonzeries, & qui montent, de compte fait, à vingt-fix Ouan (**), retournent au fiecle, & payent leur contingent des droits ordinaires. En fecond lieu, qu'on détruise auffi quatre Ouan de Bonzeries moins confidérables, qui font répandus dans les campagnes ;

(*) Il y avoit des Bonzeries pour chaque fexe.

(**) Ouan signifie dix mille.

conféquemment, que les revenus qui y étoient attachés, qui montent à quelques mille Ouan de Tfing, foient réunis à notre domaine, & que quinze Ouan d'efclaves qu'avoient les Bonzes, foient mis fur le rôle des Magistrats, & foient cenfès être du Peuple. Quant aux Bonzes étrangers, venus ici pour faire connoître la Loi qui a cours dans leurs royaumes, ils font environ trois mille, tant du Ta-tfin (**) que du Mou-hou-pa. Mon ordre eft auffi qu'ils retournent au fiecle, afin que dans les coutumes de notre Empire il n'y ait point de mélange. Hélas! il n'y a que trop long-temps qu'on differe à remettre les chofes fur l'ancien pied : pourquoi différer encore? C'est chose conclue & arrêtée. Vue la préfente Ordonnance, qu'on procede à l'exécution. Telle eft notre volonté «.

Cette volonté eut fon effet. Il refta peu de Bonzeries dans toute l'étendue de la Chine: on en conferva deux grandes à chaque Cour du Nord & du Midi, & une dans chaque Gouvernement. Trente Bonzes deffervoient les plus grandes; les plus petites l'étoient par un moindre nombre.

(*) Monnoie Chinoise, qui est la dixieme partie d'une once d'argent.

(**) Le P. du Halde croit que Ta-tfin eft la Palestine, & que Mou-hou-pa défigne des Chrétiens; mais il n'ofe décider s'ils étoient Neftoriens ou Grecs,

Loix Civiles.

criminelles.

CHAPITRE VI I.

Loix & Procédure criminelles.

RIEN de plus terrible que les Loix pénales chez les

Loix & Procédure Chinois, fi l'on en croit quelques-uns de nos Ecrivains, qui connoiffoient peu la Chine. Comment un Peuple naturellement doux, auroit-il pu les imaginer? Sans doute

que

l'horreur du crime pourroit les fuggérer aux Légiflateurs. On demandoit à Dracon, premier Législateur d'Athenes, pourquoi il attachoit la peine de mort aux plus légeres fautes. C'est, répondit-il, que les moindres me semblent dignes de mort, & que je n'ai pas trouvé d'autre punition pour les plus grandes. Ses Loix furent adoucies par Solon; mais celles des Chinois n'ont pas eu befoin de l'être.

Ces Loix font tellement combinées, que nulle faute ne reste impunie, & que jamais le châtiment n'excede la faute. Il y a tel délit puni de mort en France, qui n'est à la Chine qu'un motif de correction.

La procédure criminelle des Chinois est peut-être la plus parfaite de toutes celles qui exiftent. Sa lenteur devient la fauve - garde de ceux qu'on accufe injuftement. Les criminels n'y gagnent rien, puisque le temps découvre la vérité, & qu'elle ne peut pas leur être favorable. Tout accufé eft foumis à l'examen de cinq à fix Tribunaux; chacun d'eux revoit la procédure; & l'information n'eft pas uniquement dirigée contre l'accufé, elle l'eft auffi contre les accufateurs & contre

les

les témoins; genre de précaution auffi louable que néceffaire, & qui n'exifte qu'à la Chine.

Il est vrai que l'accufé refte en prifon jufqu'à la fin du procès; mais ces prifons ne font point d'horribles & fales repaires comme celles de tant d'autres Nations. Elles font fpacieuses, commodes même jufqu'à un certain point.

Un Mandarin est chargé de les vifiter souvent; il le fait avec d'autant plus d'exactitude, que s'il y a des malades, il eft obligé d'en répondre. C'est lui qui préside aux foins qu'on leur donne, qui fait venir les Médecins, & fournit les remedes aux dépens de l'Empereur. Si l'un de ces malades meurt, le Prince en doit être inftruit, & fouvent il ordonne aux Mandarins fupérieurs d'examiner fi le Mandarin Inspecteur des prisons a fait fon devoir.

Les différens délits reglent la différence des châtimens. Voici une Loi qui paroîtra fans doute bien rigoureuse; elle inflige la peine de mort à quiconque fait usage des perles.

coups

:

La moindre de toutes les punitions, c'est la bastonnade. Elle n'est destinée à châtier que les fautes les plus légeres. Leur plus ou moins de gravité détermine le nombre des de bâton; mais le moindre nombre eft toujours de vingt alors elle n'eft envisagée que comme une simple correction paternelle, elle n'a plus rien d'infamant. Souvent même l'Empereur la fait donner à quelques-uns de ses Courtisans; ce qui n'empêche pas qu'il ne les reçoive enfuite, & ne le traite auffi bien après qu'auparavant. Ce bâton, ou Pan-tfée, eft de bambou, un peu applati,

Ooo

Loix & Procédure: criminelles.

criminelles.

large du bas, poli du haut, pour être manié plus aisément. Loix & Procédure Tout Mandarin peut en user à sa volonté dans certains cas, foit lorsqu'on oublie de le faluer, soit lorsqu'il tient son Tribunal. Il est alors gravement affis derriere une table, fur laquelle eft placée une bourse remplie de petits bâtons : il est entouré d'Officiers fubalternes, munis chacun de Pan-ifées, & qui n'attendent que le fignal du Mandarin pour en faire usage. Celui-ci tire de la bourse un des petits bâtons qu'elle renferme, & le jette dans la falle d'audience. Aufsi-tôt on saisit le coupable, on l'étend ventre contre terre, on abaiffe fon haut-de-chauffe fur fes talons, & un eftafier lui applique fortement cinq coups de Pan-tsée. Un autre lui fuccede, & applique cinq autres coups au patient, fi le Mandarin tire un autre petit bâton de fon étui ; & ainfi par gradation, jusqu'à ce qu'il plaife au Juge de ne plus faire aucun fignal. Ce. n'eft pas tout; celui qui vient d'être ainfi traité doit fe mettre à genoux devant le Juge, fe courber trois fois jufqu'à terre, & le remercier du foin qu'il prend de fon:

éducation.

La peine du carcan eft auffi en ufage à la Chine; mais le criminel n'y eft point attaché, il le porte avec lui.. Ce carcan, que les Portugais ont nommé Cangue, est compofé de deux morceaux de bois échancrés par le milieu, & qui, lorsqu'on les rapproche, peuvent contenir dans leur centre le cou d'un homme ou d'une femme. On les pofe fur les épaules du coupable, on les réunit, de forte qu'il ne peut ni voir fes pieds, ni porter fes mains à fa bouche; il ne peut plus manger qu'avec le secours d'autrui; il ne peut quitter ce triste fardeau ni

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