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dôme contient un temple où l'on admire une grande propreté; la voûte eft ornée de mofaïques, & les murailles font revêtues de figures de pierre en relief, qui repréfentent des animaux & des monftres. Les colonnes qui foutiennent le toit de cet édifice font de bois verniffé, & aux jours folennels on les orne de banderoles de diverfes couleurs, Le temple est pavé de petits coquillages, dont les compartimens offrent des oiseaux, des papillons, des fleurs, &c.

Les Bonzes brûlent continuellement des parfums fur l'autel, & entretiennent le feu des lampes qui font fufpendues à la voûte du temple. A l'une des extrémités de l'autel, on voit une urne de bronze fur laquelle ils frappent, & qui rend un fon lugubre. L'extrémité oppofée eft occupée par une machine de bois creuse & faite en ovale, qui fert au même usage, c'est-à-dire que le fon de l'un & de l'autre instrument accompagne leurs voix, lorfqu'ils chantent les louanges de l'idole tutélaire du pagode.

Le Dieu Poussa est placé au milieu de cet autel; il a pour base une fleur de bronze doré, & tient un jeune enfant entre ses bras; plufieurs idoles ( qui font fans doute des Dieux fubalternes ) font rangées autour de lui, & marquent par leurs attitudes leur refpect & leur vénération.

Les Bonzes ont tracé fur les murs de ce temple plufieurs caracteres hieroglyphiques à la louange de Pouffa. On Y voit un tableau historique ou allégorique, peint à fresque, qui représente un étang de feu où semblent nager plufieurs hommes, les uns portés fur des monftres, les autres environnés de toutes parts de dragons & de ferpens ailés. On apperçoit au milieu du gouffre un rocher efcarpé, au haut duquel le Dieu est affis, tenant un enfant entre fes bras,

Province de Fo-kien.

Province de Fo-kien.

qui femble appeler tous ceux qui font dans les flammes de
l'étang; mais un vieillard, dont les oreilles font pendantes,
& qui a des cornes à la tête, les empêche de s'élever jufqu'à
la cime du rocher, & paroît vouloir les écarter à coups
de maffue. Au refte, les Bonzes ne favent
que répondre
aux questions qu'on leur fait fur ce tableau. On trouve
derrière l'autel une espece de bibliotheque, dont les livres
traitent du culte des idoles.

Lorsqu'on est descendu de ce dôme, on traverfe la cour,
& l'on entre dans une espece de galerie dont les murs
font lambriffés: on y compte vingt-quatre ftatues de bronze
doré, qui repréfentent vingt-quatre Philofophes, anciens
difciples de Confucius. Au bout de cette galerie, on trouve
une grande falle qui eft le réfectoire des Bonzes; on tra-
verse enfuite un affez vaste appartement, & l'on entre enfin
dans le temple de Fo, où l'on monte par un grand efcalier
de pierre. Il eft orné de vases de fleurs artificielles, ouvrage
dans lequel les Chinois excellent, & l'on y trouve les
mêmes inftrumens de musique dont on a déjà fait mention.
On ne voit la statue du Dieu qu'à travers une gaze noire,
qui forme une espece de voile ou rideau devant l'autel.
Le refte du pagode confifte en plusieurs grandes chambres
fort propres, mais mal percées; les jardins & les bofquets
font pratiqués fur le côteau de la montagne, & l'on a taillé
dans le roc des grottes charmantes, où l'on
à l'abri des chaleurs exceffives du climat.

peut

fe mettre

ᎥᏝ

Il y a plusieurs autres pagodes dans l'ifle d'Emouy; en est un, entre autres, qu'on appelle pagode des dix mille pierres, parce qu'il eft bâti fur le penchant d'une montagne, où l'on a compté un pareil nombre de petits rochers, fous

lefquels les Bonzes ont pratiqué des grottes & des réduits très-agréables. On voit régner une certaine fimplicité champêtre, qui plaît & qui féduit.

Y

Ces Bonzes reçoivent les Étrangers avec affez de plaifir: on peut entrer librement dans leurs temples; mais il ne faut pas chercher à fatisfaire entiérement sa curiofité, ni entrer dans les appartemens où ils ne vous introduisent pas eux-mêmes, fur-tout lorfqu'on eft mal accompagné : car les Bonzes, à qui le commerce des femmes eft interdit fous des peines rigoureuses, & qui en gardent fouvent dans des lieux fecrets, pourroient, dans la crainte d'être accufés, venger d'une curiofité trop indifcrete.

fe

Les ifles de Pong-hou forment un archipel entre le port d'Emouy & l'ifle Formofe; on y tient une garnifon Chinoife, avec un Mandarin de Lettres, dont le principal emploi eft de veiller fur les vaiffeaux marchands qui vont ou qui viennent de la Chine à Formofe, & de Formofe à la Chine.

Comme ces ifles ne font que fables ou rochers, on doit y porter tout ce qui eft néceffaire à la vie. On n'y voit ni buissons ni brouffailles; un feul arbre fauvage en fait tout l'ornement. Le port y eft bon & à l'abri de toutes fortes de vents; il a environ vingt à vingt-cinq braffes de profondeur. Quoiqu'il fe trouve dans une ifle inculte & inhabitée, il est abfolument néceffaire pour la confervation de Formofe, qui n'a aucun port où les vaiffeaux, tirant plus de huit pieds d'eau, puiffent aborder.

Province

de Fu-kien.

Province

CETTE

ARTICLE V.

Province de Tche-kiang.

ETTE province, autrefois le féjour de quelques Emde Tche-kiang. pereurs, est une des plus considérables par fa fituation maritime, son étendue, ses richesses & le nombre de fes

habitans; elle est bornée au fud par celle de Fo-kien; au nord & à l'ouest par celles de Kiang-nan & de Kiang-fi, & à l'est par la mer. L'air y eft pur & fain; fes campagnes font arrofées par quantité de rivieres & de canaux très-bien entretenus; les fources d'eau vive & les lacs qui s'y trouvent, contribuent encore beaucoup à fa fertilité. Ses peuples sont doux, spirituels & fort polis envers les Étrangers; mais on prétend qu'ils font extraordinairement fuperstitieux.

On éleve dans cette province une quantité prodigieuse de vers à foie; on y voit des plaines entieres couvertes de mûriers nains, qu'on empêche de croître; on les plante & on les taille à peu près comme les vignes. Une longue expérience a convaincu les Chinois, que les feuilles des plus petits mûriers procurent la meilleure foie. La principale branche du commerce de cette province font donc les étoffes de foie; celles qu'on y fabrique, & auxquelles on mêle l'or & l'argent, font les plus belles & les plus eftimées dans tout l'Empire. Quant aux autres pieces plus communes, on en transporte dans toute la Chine, au Japon, aux Philippines & en Europe, une quantité prodigieufe; &, malgré cette exportation, il en refte encore affez dans la province, pour en donner de quoi faire un habit complet,

au

au même prix que fe vendent en France les étoffes de laine les plus groffieres.

C'est de cette province que viennent les meilleurs jambons, & ces petits poiffons dorés dont on peuple les viviers: on y trouve aufli l'arbre qui produit le fuif, & une forte de champignons qu'on transporte dans toute la Chine. Après les avoir confits dans le fel, on les feche & on peut les garder toute l'année ; il fuffit de les tremper dans l'eau, pour leur rendre leur premiere fraîcheur, lorsqu'on veut en faire ufage.

On compte dans le Tche-kiang onze villes du premier ordre, foixante-dix - fept du fecond & du troisieme, & dix-huit fortereffes qui feroient en Europe des villes confidérables.

Hang-tcheou-fou, la métropole de la province, est, selon les Chinois, le Paradis de la terre: on peut la regarder comme une des plus riches, des mieux fituées & des plus grandes villes de l'Empire; elle a quatre lieues de circuit, fans y comprendre fes fauxbourgs, & le nombre de fes habitans monte à plus d'un million. On compte dans son enceinte environ foixante mille ouvriers qui travaillent à la foie: mais ce qui rend cette ville délicieufe, c'eft un petit lac, nommé Si-hou, qui baigne le pied de fes murailles du côté de l'Occident; l'eau en eft pure & limpide, & fes bords font presque par-tour couverts de fleurs. On y a élevé, fur des pilotis, des falles & des galeries ouvertes, foutenues de colonnes, & pavées de grandes pierres carrées, pour la commodité de ceux qui veulent le promener à pied. Des levées, revêtues de pierres de taille, traversent le lac en différens fens. Les ouvertures, pratiquées de distance en

Te

G

Province

de Tche-kiang.

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