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puiffans encore fous la dynaftie des Song. Il n'eft point de rufes qu'ils n'employerent pour accréditer leur doc- Secte des Tao ffé. trine & captiver de plus en plus la confiance des Princes. Ces Impofteurs, pendant une nuit obfcure, avoient fufpendu à une des portes de la ville Impériale un Livre rempli de caracteres & de formules magiques. Dès la pointe du jour, ils firent donner avis à l'Empereur de l'apparition fubite de ce Livre, & publierent qu'il étoit tombé du Ciel. Le Monarque crédule, fuivi d'un nombreux cortége, fe rendit auffi-tôt à pied fur le lieu, pour recueillir le précieux volume; & l'ayant reçu avec refpect. dans fes mains, il le porta, comme en triomphe, dans fon palais, où il l'enferma dans un coffre d'or. Le huitieme Empereur de cette dynastie des Song poufsa sa superstitieuse vénération pour un Tao-ffé célebre, jufqu'à lui décerner publiquement le nom de Chang-ti. Jufqu'à cette époque, les partisans eux-mêmes de Lao-tfé avoient réfervé ce nom pour le feul Dieu fuprême, auquel ils étoient loin de comparer les Divinités nouvelles qu'ils s'étoient fabriquées. Cette impiété révolta tous les Sages de la Nation, & leur fit annoncer la ruine prochaine de cette dynastie, comme un châtiment mérité de cette odieuse profanation. C'est en ce sens que s'exprime un favant Colao, en parlant de la chute de cette famille : » En ce temps-là, dit-il, l'Empereur Hoei-tfong donna, » contre toute forte de raisons, la qualité de Dieu Sou» verain à un homme. Ce Dieu, le plus grand & le plus » vénérable de tous les Efprits céleftes, fut sensible à » cette injure; il punit très-févérement l'impiété de ce » Prince, & éteignit entiérement fa famille «.

Sette des Tao-fé.

Le temps, qui diffipe ordinairement l'illufion & l'imposture, ne fit qu'affermir cette méprisable Secte; de fiecle en fiecle, on la vit recevoir de nouveaux accroiffemens: la protection des Princes, la faveur des Grands, les scenes d'admiration ou de terreur dont le preftige & l'adresse frappoient l'efprit des peuples, tout concourut à la rẻpandre & à la perpétuer, malgré les conftantes réclamations des Sages, & les courageufes remontrances qu'ils fe permettoient de faire aux Empereurs. Voici celles que quatre Ministres d'Etat adreffoient encore, en 1496, à Hiao-tfong de la dynastie des Ming, Prince entiérement livré au Tao-ffé. » Depuis le Fondateur de votre auguste dynastie, lui dirent-ils, jufque vers la fin du regne de Yng-tfong, vos prédéceffeurs fe font appliqués à n'ad» mettre auprès de leurs perfonnes que des Sages imbus » de la faine doctrine; aujourd'hui on ne respecte plus. » le Tien, l'erreur triomphe, & l'audace se joint à la fuperftition. Si le Prince, au lieu de s'occuper du gou» vernement se laiffe entraîner à d'autres objets, s'il » s'écarte de la véritable doctrine, l'erreur le féduit, & » il donne un exemple dangereux, ainsi que l'expérience » & l'Hiftoire l'atteftent. Rechercher le fecret 'de faire de » l'or & de l'argent, de composer un breuvage qui pro» cure à l'homme l'immortalité, c'eft une erreur con» damnée par nos Sages, & une fcience défendue sous » de grieves peines par tous nos anciens Princes les plus » éclairés. La fin malheureuse de Hien-tfong des Tang doit » être attribuée au breuvage qu'il prit pour se rendre im» mortel. Tout récemment, le feu vient de réduire en » cendres le temple des Idoles que Votre Majesté honore;

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» fi ces Efprits avoient le pouvoir qu'on leur attribue,

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pourquoi n'ont-ils pu fauver leur temple? S'ils font Sette des Tao-fé.

» dans l'impuissance de se garantir eux-mêmes, comment

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pourront-ils nous protéger? Les phénomenes qui nous

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frappent font des avertissemens de changer de conduite. » La lumiere du Soleil, qui paroît diminuer, les bruits qu'on entend dans les airs, les tremblemens de terre, » ne font pas de vains pronoftics. Notre zele pour gloire & les intérêts de Votre Majesté ne nous permet » pas de garder le filence à la vue de tant de prodiges, capables de le réveiller s'il étoit afsoupi «. L'Empereur applaudit au zele de ses Ministres, & ne réforma ni sa conduite, ni fes opinions.

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Les Tao-fé actuels facrifient à l'Efprit qu'ils invoquent trois fortes de victimes; un cochon, une volaille & un poiffon. Les cérémonies dont ils font usage dans leurs fortiléges, varient felon l'imagination & l'adresse de l'impofteur qui les opere. Ceux-ci enfoncent un pieu en terre; ceux-là tracent fur le papier des caracteres bizarres, & accompagnent chaque trait de leur pinceau de grimaces & de cris horribles; d'autres font un tintamarre affreux de chaudrons & de petits tambours : tantôt ils réuffissent, tantôt il ne réfulte rien de tout ce fracas.

Un grand nombre de ces Tao-ffe font à la Chine le métier de Devins. Quoiqu'ils n'aient jamais vu celui qui vient les confulter, ils l'appellent d'abord par fon nom, lui font le détail de toute fa famille, lui difent comment fa maison est fituée, combien il a d'enfans, leurs noms, leur âge, & vingt autres particularités qu'ils ont l'adresse de favoir d'ailleurs. Quelques-uns de ces Devins, après leurs

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invocations mystérieuses, font paroître en l'air la figure Seite des Luo é, du Chef de leur Secie, ou celles de leurs Divinités. D'au

tres ordonnent à leur pinceau d'écrire de lui même ; & le pinceau, fans qu'on y touche, trace auffi-tôt fur le papier ou fur le fable la réponse aux demandes & aux confultations qui ont été faites. Tantôt ils font paroître fucceffivement, fur la furface d'un baffin plein d'eau, toutes les perfonnes d'une maison; ils y font remarquer, remarquer, comme dans un tableau magique, les révolutions qui doivent arriver dans l'Empire, & les dignités futures auxquelles feront élevés ceux qui embrafferont leur Secte.

Le Chef des Tao-ffé & les fucceffeurs font décorés par le Gouvernement de la dignité de Grands-Mandarins, & résident dans un bourg de la Province de Kiang-fi, où ils habitent un riche palais. La confiance fuperftitieufe des peuples y entretient un grand concours; on s'y rend de toutes les Provinces: les uns y viennent pour folliciter des remedes à leurs maux, les autres pour pénétrer dans l'avenir & faire confulter les forts fur leurs futures deftinées. Le Tien-ffe diftribue à tous des billets remplis de caracteres magiques, & ils s'en retournent fatisfaits, fans regretter ni la fatigue ni les dépenfes, qui font la fuite de ce pieux pélerinage.

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CETTE autre Secte, plus pernicieuse encore & beaucoup

ou Fo.

plus répandue à la Chine que la précédente, eft criginaire Secte du Dieu Foé
de l'Inde. Les Docteurs Tao-ffé avoient promis au Prince
de Tchou, frere de l'Empereur Ming-ti, de la dynastie
des Han, de le faire entrer en communication avec les
Efprits. Ce Prince crédule & fuperftitieux ayant entendu
parler d'un Efprit célebre dans l'Inde, nommé Foé, ne
ceffa de folliciter fon frere jufqu'à ce qu'il l'eût engagé
à envoyer une ambaffade vers cette Divinité étrangere.
L'Officier chargé de cette commiffion partit accompagné
de dix-fept autres perfonnes, & dirigea fa route vers les
Indes. Lorfqu'il y fut arrivé, il n'y rencontra que deux
Cha-men, ou Religieux de Fo, qu'il emmena à la Chine. Il
rassembla en même temps plufieurs images du Dieu Fo
ou Boudha, peintes fur une toile fine des Indes, avec
quarante-deux Chapitres des Livres Canoniques des In-
diens, qu'il mit, ainsi que les images, fur un cheval blanc.
Cette ambaffade rentra dans la ville Impériale la huitieme
année du regne de Ming-ti, & la foixante-cinquieme de
l'Ere chrétienne. Tous les Hiftoriens conviennent que
c'est à cette époque que le culte & les dogmes de Foe
furent introduits pour la premiere fois à la Chine, où ils
firent bientôt les plus rapides progrès.

On n'a pas une connoiffance certaine du lieu de la

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