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même celui de fa famille

mais là, comme ailleurs,

les hommes d'un rang beaucoup plus élevé se dispensent de cette attention.

On a parlé de la pompe qui accompagne un Vice-Roi lorfqu'il fort de fon palais. Les honneurs qu'on lui rend lorfqu'il quitte une Province, après l'avoir bien gouvernée, font d'un genre bien plus flatteur pour lui; car ils font volontaires. A peine il quitte la ville capitale, qu'il trouve fur fon chemin, durant deux ou trois lieues, des tables rangées d'espace en efpace. Elles font entourées d'une longue piece de foie qui pend jufqu'à terre : on y brûle des parfums; elles font garnies, même en plein jour, de bougies allumées; elles font chargées de légumes, de viandes, & de fruits. Le thé & le vin qu'on fe propose de lui offrir occupent d'autres tables.

Le peuple se met à genoux fur fon paffage, & courbe la tête jusqu'à terre : les uns pleurent, du moins ils font semblaut de pleurer; les autres le prient de descendre pour recevoir les derniers témoignages de leur reconnoiffance : d'autres lui préfentent le vin & les mets préparés pour lui; d'autres lui tirent fréquemment fes bottes, & lui en donnent de nouvelles. Ces bottes, qui ont fervi un instant au Mandarin, deviennent un monument précieux. Celles qu'on lui enleve les premieres, font placées, dans une efpece de cage, au deffus de la porte par où il a quitté la ville : les autres font confervées par fes amis, avec le même foin qu'un Guerrier François emploieroit à garder l'épée de Turenne ou celle de Bayard.

Qqqq ij

Maniere de con

verfer, &c.

Chinois, &c.

CHAPITRE X.

Mercantillage des Chinois. Leur maniere d'acheter & de vendre. Defiance réciproque & fondée..

NOUS

ous ne fommes point les Panégyriftes des Chinois. Mercantillage des C'eft le pays du monde où la défiance est le plus nécesfaire; elle est même autorifée par l'ufage & par la Loi. Celui qui achete doit porter avec lui sa balance, autrement il rifque fort d'être trompé fur le poids des pieces qu'on doit lui rendre. On a déjà dit que le poids feul en regle la valeur. La maxime du Marchand eft que l'acheteur a pour principe de donner toujours le moins qu'il peut, & qu'il ne donneroit rien du tout, fi le vendeur confentoit. Celui-ci, par la même raison, se croit fondé à tirer de l'autre le plus qu'il lui eft poffible. Ce n'est pas le Marchand, difent-ils, qui trompe, c'est l'acheteur qui fe trompe lui-même..

y'

C'eft quelque chofe de prodigieux que le commerce intérieur de la Chine. Celui de l'Europe entiere ne peut pas lui être comparé; de même que le commerce extérieur des Chinois ne foutiendroit pas la comparaison avec celui d'une feule des grandes Puiffances commerçantes de l'Eur

rope.

Le grand nombre de canaux & de rivieres dont la Chine eft pourvue, facilite le tranfport des marchandises de toute efpece; & l'extrême population en accélere le débit. Tel Marchand apporte dans une ville jusqu'à fix mille

bonnets relatifs à la faifon; ils feront vendus, jufqu'au

dernier, en trois ou quatre jours. Au furplus, on leve Mercantillage des boutique à peu de frais à la Chine. Une famille ne pof- Chinois, &c.

fede qu'un écu, quelquefois moins; elle s'érige, avec ce

peu
de fonds, en famille marchande : elle achete de me-
nues denrées dont le débit eft sûr & prompt; elle gagne,
vit fobrement, accroît par-là fa mife; & au bout de
quelques années, il n'est point rare de voir l'échoppe se
changer en magasin.

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Les foires de l'Europe les plus fréquentées ne font qu'une foible image de cette foule incroyable de vendeurs & d'acheteurs qui s'agitent fans ceffe dans les grandes villes de la Chine. On peut prefque dire que la moitié eft occupée à tromper l'autre. C'est fur-tout contre les étrangers que les Marchands Chinois exercent fans ménagement leur insatiable rapacité. Le P. du Halde en cite cet exemple, qu'il pouvoit appuyer de bien d'autres. » Le Capitaine » d'un vaisseau Anglois avoit fait marché avec un Négociant Chinois de Canton, d'un grand nombre de balles » de foie, que ce dernier devoit lui fournir. Quand elles » furent prêtes, le Capitaine va, avec son Interprete', chez "le Chinois, pour examiner par lui-même fi cette foie " étoit bien conditionnée. On ouvrit le premier ballot, " & il la trouva telle qu'il la fouhaitoit; mais les ballots. » fuivans qu'il fit ouvrir ne contenoient des foies pour»ries: fur quoi le Capitaine s'échauffa fort, & reprocha » au Chinois, dans les termes les plus durs, fa méchan» ceté & fa friponnerie. Le Chinois l'écouta de fang froid, & pour toute réponse: Prenez-vous-en, Monfieur,

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que

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» lui dit-il, à votre fripon d'Interprete; il m'avoit

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tefté que vous ne feriez pas la vifite des ballots «.

pro

peau;

Les gens du peuple font fur-tout fort adroits à falfifier, à dénaturer en total ce qu'ils vendent. Vous croirez avoir acheté un chapon, vous n'en avez que la tout le reste a été fupprimé, & le vide rempli fi industrieusement, que l'instant de manger le chapon eft le feul où la fraude puisse être reconnue.

On a cité plus d'une fois les faux jambons de la Chine. C'est une piece de bois, taillée en forme de jambon, recouverte d'une certaine terre, couverte elle-même d'une peau de cochon. Le tout eft fi artistement peint & arrangé, qu'il faut user du couteau pour découvrir la supercherie.

C'est auffi par la fineffe que les voleurs de profeffion signalent leur savoir-faire. Rarement ils ont recours aux actes de violence : ils se font rechercher, ou bien ils s'introduifent fans être apperçus. Il est auffi difficile à la Chine de n'être pas volé, que de prendre le voleur fur le fait.

Les Chinois ont peu d'aptitude pour le commerce maritime. Jamais dans leurs voyages fur mer ils ne passent le détroit de la Sonde. Leurs plus grandes navigations ne s'étendent du côté de Malaque, que jufqu'à Achen; du côté du détroit de la Sonde, que jufqu'à Batavia; du côté du nord, que jufqu'au Japon. Leur commerce avec cette ifle, moyennant les objets d'échange qu'ils fe procurent à Camboye ou à Siam, leur donnent deux cents pour cent de bénéfice.

Leur commerce à Manille est moins lucratif. Leur gain, pour l'ordinaire, fe réduit à cinquante pour cent. Il est

Chinois, &c.

plus confidérable à Batavia; & d'ailleurs les Hollandois n'épargnent rien pour attirer les Chinois chez eux. Les Mercantillage des Négocians de la Chine vont auffi, mais plus rarement, à Achen, à Malaque, à Thor, à Patane, à Ligor, dépendance de Siam, & à la Cochinchine. Ils tirent de ces divers endroits de l'or & de l'étain; mais fur-tout divers objets de luxe pour la table, & d'autres d'une néceffité plus urgente.

Un grand obstacle aux progrès du commerce maritime chez les Chinois, c'eft leur indifférence à cet égard, & la mauvaise conftruction de leurs vaiffeaux. Ils en conviennent; mais y toucher feroit, felon eux, déroger aux loix & aux conftitutions de l'Empire.

CHAPITRE XI.

Obfeques.

Voici la plus importante de toutes les cérémonies

particulieres des Chinois. La mort d'un d'entre eux `est communément pour lui un jour d'éclat. Jamais il ne reçoit plus d'honneurs, plus d'hommages que quand il n'est plus.

Peu de momens après fa mort, on le revêt de fes plus riches habits, & des marques de toutes fes dignités. On le place dans le cercueil qui vient d'être acheté pour lui, ou que lui-même avoit fait préparer d'avance; car un des plus grands objets de follicitude pour un Chinois, c'eft de se préparer un cercueil, &de ne pas fe repofer de ce foin

Obfeques

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