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à tous les genres de Littérature qu'il embellit; mais il Langue Chinoife. s'accommode moins des ambiguités de la Métaphyfique & de la marche compaffée des sciences abftraites.

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Le Kouan-hoa. C'est le langage de la Cour,

des

gens en place, des Lettrés : il est entendu dans tout l'Empire. Les Courtisans, les Dames le prononcent avec beaucoup de grace, fur-tout à-Pe-king & dans la Province de Kiang-nan, où la Cour réfidoit autrefois. Le Kouanhoa admet des fynonymes pour tempérer le laconisme des mots monofyllabiques; des pronoms & des relatifs pour la liaison des phrafes & la clarté du difcours; des prépofitions, des adverbes, des particules, pour suppléer aux cas, aux modes, aux temps & aux nombres qui ont lieu dans les autres Langues.

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4°. Le Hiang-tan. C'est le patois que le peuple parle à la Chine. Chaque Province, chaque ville, & presque chaque village, a le fien. Outre le fens des mots qui varie dans un grand nombre de lieux, la diversité de prononciation les altere encore au point de les rendre fouvent méconnoiffables.

Les Lettrés Chinois diftinguent cinq principales fortes d'écriture. La premiere se nomme Kou-ouen; c'est la plus ancienne, & il n'en reste presque aucun vestige. La seconde, Tchoang-tsée, a duré jusqu'à la fin de la dynastie des Tcheou; c'est celle qui étoit en ufage du temps de Confucius. La troifieme, Li-tfée, commença avec la dynastie des Tfin. La quatrieme, Hing-chou, eft employée à l'impreffion, comme en Europe la lettre ronde & l'italique. La cinquieme, Tfao-tfée, fut inventée fous les Han. C'est une forte d'écriture à tire de pinceau : elle exige unc

main légere & très-exercée; mais elle défigure confidéra

blement les caracteres. Elle n'a cours que pour les ordon- Langue Chinoise.
nances des Médecins, les préfaces des Livres, les inf-
criptions de fantaisie, &c.

Les Chinois attachent un grand mérite au talent de tracer leurs caracteres avec grace & avec correction. Ils les préferent fouvent à la peinture la plus élégante ; & l'on en voit qui achetent fort cher une page en vieux caracteres, lorfqu'ils leur paroiffent bien formés. Ils les honorent jufque dans les Livres les plus communs; & fi par hafard quelques feuilles s'en détachent, ils les ramaffent avec refpect. En faire un ufage profane, les fouler au pied en marchant, feroit une impoliteffe groffiere qu'on ne pardonneroit pas. Il arrive même fouvent que des ouvriers, comme Maçons, Menuifiers, n'ofent fe permettre de déchirer une feuille imprimée qui fe trouvera collée fur le mur ou fur le bois.

Les anciens Chinois n'ont pas plus connu la ponctuation que les anciens Grecs & Romains. Les Chinois actuels, par respect pour l'antiquité, n'ofent l'employer dans les Ouvrages de haut style, ni dans aucun des Ecrits qui doivent être mis fous les yeux de l'Empereur. Quelque obfcurs que foient les King, on les imprime fans points, à moins qu'ils ne foient accompagnés de commentaires, & destinés pour les écoliers.

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CHAPITRE II

Poefie des Chinois.

UNIQUEMENT Occupés des études utiles qui peuvent les

Poéfie des Chinois. conduire à la fortune, les Chinois', en général, attachent peu de prix à la Poésie. Rarement l'art de faire des vers attire l'attention & les récompenfes du Gouvernement. On s'y livre par goût, par défœuvrement; mais on n'en fait point profeffion. On dit d'un Lettré qu'il a le talent de faire de bons vers, à peu près comme on loueroit, en Europe, un Capitaine de Dragons de savoir bien jouer du violon. Le goût de la Poéfie eft cependant assez généralement répandu, & il est peu d'Ecrivains Chinois qui ne lui aient confacré quelque partie de leurs loifirs: on cite même, comme très-extraordinaire, l'exemple du célebre Tfeng-nan-fong qui n'a jamais fait de vers; on le compare, pour cette raifon, à la fleur Hai-tang, qui feroit la plus belle & la plus parfaite des fleurs, fi elle n'étoit point fans odeur.

Quand les regles font puifées dans la Nature, elles font à peu près par-tout les mêmes: auffi la poétique Chinoise ne s'écarte-t-elle pas beaucoup de celle d'Horace & de Boileau. On peut en juger par les préceptes expofés dans ce fragment d'un Livre Chinois, intitulé Ming-tchong. » Pour qu'un » Poëme foit bon, il faut que le fujet en foit intéresfant, & traité d'une maniere attachante; le génie doit » y dominer, & fe foutenir par les graces, le brillant » & le fublime de la diction. Le Poëte doit parcourir » d'un vol rapide la plus haute sphere de la Philosophie,

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» mais fans s'écarter jamais des fentiers étroits de la vé"rité, ni s'y arrêter pesamment. Le bon goût ne lui par» donne que les écarts qui l'approchent de fon but, & le » lui font voir fous un point de vue plus piquant. Mal» heur à lui, s'il parle fans dire des chofes, ou fans les » dire avec cette force, ce feu & cette énergie qui les » montrent à l'efprit, comme les couleurs aux yeux. L'é» lévation des penfées, la continuité des images, la dou» ceur de l'harmonie font la vraie Poéfie. Il faut débuter » avec nobleffe, peindre tout ce qu'on dit, laiffer entre

voir ce qu'on néglige, ramener tout au but, & y ar» river en volant. La Poéfie parle le langage des paffions, du fentiment, de la raifon; mais en prêtant fa » voix aux hommes, elle doit prendre le ton de l'âge, " du rang, du fexe, & des préjugés de chacun...... «.

La verfification Chinoise a fes regles, & elle n'est pas moins hériffée de difficultés que la verfification Françoise. Le choix des mots poétiques eft fur-tout très-embarraffant. Les vers Chinois n'admettent que les expreffions les plus énergiques, les plus pittorefques, les plus harmonieuses, & il faut toujours les employer dans le fens que les Anciens leur ont donné. Dans une des éditions qu'on a faites des Poéfies de l'Empereur Kang-hi (mart en 1722), on a pouffé l'attention jufqu'à justifier par des exemples tirés des plus grands Poëtes, toutes les expreffions dont ce Prince s'eft fervi. Un pareil travail annonce & fuppofe dans une Nation un goût févere & délicat. Chaque vers ne peut contenir qu'un certain nombre de mots : tous doivent être rangés felon les regles de la quantité, & terminés par une rime. Le nombre des

Poéfie des Chinois.

vers qui compofent les ftrophes n'est point déterminé ; Poéfie des Chinois. mais elles doivent offrir la même fuite & la même distribution de rimes. Le petit nombre de mots poétiques contient la Langue Chinoise, a forcé d'alléger un peu le joug de la rime: on permet aux Poëtes un vers blanc fur quatre.

que

Les Poëtes Chinois n'ont pas la reffource des fictions attachantes de notre Mythologie. Ils fuppléent de plufieurs manieres aux agrémens qu'en emprunte la Poéfie Européenne: 1o. par des métaphores hardies & ingénieuses, qui s'accordent avec le génie de leur Langue. L'aigle, par exemple, fe nomme dans leurs vers l'Hôte des nues; le geai, l'oiseau de la parole; une natte fur laquelle on se couche, le royaume du fommeil; l'agneau, le tetteur à genoux; la tête, le fanctuaire de la raifon; l'eftomac, le laboratoire des alimens; les yeux, les étoiles du front; les oreilles, les Princes de l'ouïe; le nez, la montagne des fources, &c. 2°. Ils fe fervent de plufieurs noms d'animaux dans un sens allégorique: ainfi le dragon, le tigre, l'épervier, l'hirondelle, leur tiennent lieu de Jupiter, de Mars, de Mercure, de Flore. 3°. Souvent ils empruntent les belles expreffions de leurs King, qu'ils favent placer propos : pour dire un époux & une épouse, ils se serviront du mot Tong-fin, qui n'ont qu'un cœur, expreffion du Chi-king. Ils appelleront les veuves & les orphelins Tienkiong, pauvres du ciel. 4°. Ils favent tirer un grand parti des mœurs & des usages de la haute antiquité,' dont ils confervent les Sentences & imitent quelquefois les manieres de parler. Leur Histoire, les actions & les reparties de leurs Empereurs, les maximes des anciens Let

à

trés,

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