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Mais cette obligation d'attendre la dénonciation. du gouvernement nous paroît inconvenante.

C'est une pensée à laquelle nous ne pouvons nous accoutumer, que celle de voir le gouvernement dénonciateur.

Nous sommes dans un de ces cas où par le choix

d'un mot, l'on peut détourner les idées. C'est se donner une grande latitude que de parler du gouvernement d'une manière abstraite; et l'on doit se mettre en garde contre un pareil usage, dans les matières positives.

Que doit-on entendre ici par gouvernement ? N'est-ce pas le pouvoir exécutif appliqué aux diverses branches d'administration; et le chef de l'état n'est-il pas le dépositaire suprême du pouvoir exécutif sous la responsabilité des ministres? (1)

Il faudra donc, que le chef de l'état ordonne à l'un de ses ministres de dénoncer aux tribunaux le crime du fournisseur; car les ministres n'étant pas le gouvernement, ne pourront dénoncer d'office. Or, un semblable ordre convient-il à la majesté royale, et la réserve de cette dénonciation obligée est-elle compatible avec la grandeur du trône? C'est ce que nous ne décidons pas, mais cela nous paroît ne pas être indigne d'attention.

(1) Nous ne voulons pas entrer ici dans la discussion d'une nouvelle division de pouvoirs, dans laquelle on fait du pouvoir royal un pouvoir à part. Nous suivons les idées communes.

En second lieu, la personne ainsi dénoncée ne sera-t-elle pas exposée à combattre un préjugé naissant de la source même de la dénonciation, et ne verra-t-elle pas confondre avec les charges de la cause, l'acte d'où résulte la nécessité d'examiner et de juger ces charges?

Et si le fournisseur ainsi dénoncé sort victorieux de l'épreuve à laquelle il a été soumis, contre qui poursuivra-t-il ses dommages-intérêts?

Contre le gouvernement? Non sans doute. Contre le ministre qui aura signé la dénonciation? Seroit-ce bien là, un cas de responsabilité ministérielle.

D'un autre côté, le gouvernement ne pourra pas espérer de toujours connoître la vérité; il est rare qu'un fournisseur reste isolé et ne se ménage pas quelque appui ; il est si difficile que la vérité pénètre à travers les rangs des protecteurs; le crime restant inconnu restera impuni, et le gouvernement qui n'aura pas dénoncé pour n'avoir été instruit, paroîtra aux yeux mal intentionnés avoir capitulé avec le crime, et avoir arrêté la marche de la justice.

pas

Il ne seroit pas très-difficile, en supprimant la dénonciation obligée du gouvernement, d'y suppléer par d'autres formes analogues à la qualité des crimes ou délits des fournisseurs, en partant d'une division dictée par la nature des choses; c'est-à-dire, les fournitures permanentes et celles qui doivent

se faire en suivant les mouvements des armées. De là pourroient suivre les détails des poursuites.

S. 4.

Des maisons de jeu.

Ce sujet paroît tenir particulièrement à la police; cependant nous avons cru pouvoir en parler, en nous occupant des actes contraires à la paix publique.

Une recherche assez curieuse, et assez philosophique en même tems, seroit celle de la révolution de quelques usages des nations civilisées.

L'on verroit, par exemple, la loterie imaginée d'abord comme un moyen délicat de faire des présents, établie ensuite pour servir à la fondation de monuments pieux, devenir de nos jours une branche lucrative, mais nous ne dirons pas morale, du revenu public dans plusieurs gouvernemens de l'Europe.

Nous n'avons pas à traiter des jeux en général; nous dirons que beaucoup de gouvernemens se sont réservé le monopole des jeux de hasard, pour en affermer le privilége.

Le Code pénal punit ceux qui ont tenu des maisons de jeu de hasard, ou des loteries non autorisées, d'un emprisonnement de deux mois à six mois, d'une amende de 100 francs à 6000 francs, et de la confiscation des fonds ou effets qui seront trouvés exposés au jeu ou mis à la loterie, etc. Art. 410.

On a cent fois décrit les épouvantables suites du jeu, je n'en retracerai point le tableau. On peut le représenter en deux mots; l'espérance fait entrer le joueur, le sort le dépouille, le désespoir le reconduit et lui donne un poignard, dont son moindre crime est de se servir contre soimême.

Quand on réfléchit aux horreurs qu'enfantent les jeux de hasard, l'on doit conclure que la loi n'est pas assez sévère contre ceux qui ouvrent ces repaires clandestins où l'honneur et la fortune des familles vont chaque jour s'engloutir; l'infamie devroit les atteindre, indépendamment des confiscations que la loi a déjà prononcées.

La loi prodigue la réclusion contre tant d'actions,

que la misère produit ou que l'emportement excuse, qu'on est étonné de ne pas voir cette peine appliquée à un délit, qui peut devenir la cause occasionnelle de presque tous les crimes.

Nous saisissons cette occasion pour appeler l'attention du gouvernement sur une pratique scandaleuse qui s'introduit dans nos provinces; nous voulons parler de ce colportage effréné de billets de loterie fait de porte en porte, nonseulement dans les villes, mais encore dans les campagnes, par des individus sans caractère, inconnus pour la plupart, et qui montrant la fortune d'une main, sèment de l'autre le germe trop prompt à éclore de tous les vices. Pourquoi ne point les

forcer à respecter l'heureuse ignorance des hommes, à qui la loterie est encore inconnue; quel nom Mr. Virey donneroit-il à l'abus que nous signalons, lui, qui n'a pas craint, dans un ouvrage récent (1), d'appeller la loterie elle-même, une infâme exploitation de la crédulité populaire.

S. 5.

Des maisons de prét non autorisées.

Une marche simple dans les idées a conduit le législateur à s'occuper des maisons de prêt, qui n'étoient souvent que des maisons d'usure, après avoir fixé sa pensée sur les ravages du jeu.

Espérons que l'établissement des monts de piété tarira la source d'une foule de délits, d'infidélités qui naissoient de la multiplicité des maisons de prêt inconnues, ou mal surveillées. Espérons aussi que la mise en gage, ne sera plus le voile dont on cou

vroit les larcins et les vols.

(1) Dict. des sciences médicales, tom. 26 pag. 358.

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