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que ce qu'on vouloit bien ne pas leur retrancher de garanties.

Nous croyons apercevoir une conséquence de ce système dans la disposition de la loi que nous

examinons maintenant.

Nous l'avons dit, elle met sur la même ligne les empiétemens réciproques des autorités administrative et judiciaire. La proportion ne nous semble pas juste.

Il ne faut pas comparer la puissance des tribunaux modernes avec celle des parlemens en France; ceux-ci partageoient presque la souveraineté, puisque leur refus d'enregistrer les édits royaux en arrêtoit l'exécution; la fonction de juger est maintenant bornée à la simple application de la loi. A l'exception des réglemens de police intérieure, les tribunaux et les cours n'ont la faculté de rendre aucune décision générale, ni aucune espèce d'arrêté.

Si l'on consulte l'expérience, l'ordre judiciaire est bien loin de chercher à étendre ses attributions; on n'observe, dans aucun de ses actes, cette énergie redoutable qui annonceroit des projets usurpateurs; plusieurs écrivains ont même cru remarquer, que l'amovibilité, de droit ou de fait, des fonctions judiciaires imprime un caractère de foiblesse sur plusieurs décisions importantes, et que l'on auroit, sous ce rapport, à redouter plus de condescendance que d'empiétement.

C'est ce que nous n'avons point à examiner.

Mais il est incontestable que l'indépendance du pouvoir de juger est la sauvegarde de la liberté et des droits des citoyens ; et qu'où ce pouvoir n'est pas entièrement indépendant, il n'y a plus de refuge contre l'arbitraire.

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e Il n'y a point de liberté, si la puissance de

juger n'est pas séparée de la puissance législa— »tive et de l'exécutrice. Si elle étoit jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens seroit arbitraire, car le juge » seroit législateur. Si elle étoit jointe à la puis»sance exécutrice, le juge pourroit avoir la force » d'un oppresseur.» (1)

A la liberté de l'ordre judiciaire est donc attachée inséparablement la liberté publique. C'est attenter à l'une que d'attenter à l'autre ; et sous ce point de vue, le crime est sans doute d'une plus haute importance que l'empiétement de l'autorité administrative, lequel est en outre moins facile.

Celle-ci n'a pas besoin d'un sujet particulier pour faire un réglement, elle se saisit elle-même bien ou mal; mais l'autorité judiciaire est saisie seulement quand une question particulière lui est présentée; hors de là, elle reste dans un état d'inertie; l'autorité administrative agit par elle-même, la force judiciaire a besoin d'être mue pour agir. L'autorité administrative, émanation du pouvoir

(1) Montesquieu. Esp. des lois, liv. 12, Chap. 6.

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exécutif est souvent confiée à un seul homme, dont les déterminations sont prises promptement et sans combat au lieu que la dispensation de la justice. n'est jamais remise aux mains d'une personne unique, elle ne peut être exercée que par une compagnie entière, et après une délibération.

L'usurpation de l'autorité administrative est donc presque impraticable de la part du pouvoir judiciaire ; et nous croyons impossible de citer un seul exemple bien avéré d'un semblable crime.

Il en est autrement de la part du pouvoir administratif, de pareils écarts ont été plus fréquents; l'on se rappelle les décisions ministérielles sur l'application des lois, les commentaires dont ces décisions étoient enrichies par les préfets, la volonté de faire passer toutes ces instructions comme la loi même, et la triste condescendance de certains tribunaux qui n'avoient pas assez profondément la conscience de leur force et de leur devoir, pour résister à une telle tyrannie.

Nous concluons des considérations précédentes que l'on devroit punir plus fortement l'usurpation commise sur le pouvoir judiciaire par l'autorité administrative, que l'empiétement correlatif compar le pouvoir judiciaire.

mis

Nous avons peu de choses à ajouter.

Le système du gouvernement françois, en attribuant à l'autorité administrative la connoissance de plusieurs espèces de contentieux, avoit rendu les

conflits d'attribution très - fréquents; l'article 165 de la loi fondamentale a fait disparoître cet ordre de choses, source d'une infinité de débats parfois assez scandaleux.

Nous ne voulons pas entrer dans le détail des lois sur la concussion, le péculat, la corruption des fonctionnaires publics; elles sont souvent rigoureuses à la vérité, mais si la corruption gagne les organes des lois, les dépositaires du pouvoir et de la confiance publique, où la vertu pourra-t-elle chercher un refuge ?

CHAPITRE V.

DÉLITS DES PARTICULIERS CONTRE L'AUTORITÉ PUBLIQUE OU CONTRE LES AGENTS DE L'AUTORITÉ.

Les séditions doivent être réprimées, les magistrats respectés par les citoyens ou défendus par les lois, tout cela est évident; est-il convenable toutefois, que l'outrage fait par gestes ou menaces à un magistrat, à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, soit puni plus sévèrement que la violation du domicile d'un citoyen (1)? Nous ne le croyons pas. Mais l'article 231 sollicite une attention particulière. Si les violences exercées contre les fonction"naires et agens désignés aux articles 228 et 230 " (2) ont été la cause d'effusion de sang, blessures, " ou maladies, la peine sera la réclusion. Si la "mort s'en est ensuivie dans les quarante jours,

le coupable sera puni de mort. » Ici ce n'est pas l'intention, ce n'est pas la combinaison du

(1) La peine est d'un mois à six mois d'emprisonnement. Art. 223.

(2) Tout individu qui même sans armes frappé un magistrat. Art. 228.

..... aura

Les violences de l'espèce exprimée en l'art. 228, dirigées contre un officier ministériel, un agent de la force publique, ou un citoyen chargé d'un ministère de service public. Art. 230°

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