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TOUS DEUX ENSEMBLE.

C'est la beauté qui commence de plaire;
Mais la douceur achève de charmer.

FLORE.

Est-on sage

Dans le bel âge,

Est-on sage
De n'aimer pas ?

Que sans cesse

L'on se presse

De goûter les plaisirs ici-bas..

La sagesse

De la jeunesse,

C'est de savoir jouir de ses appas.

DEUXIÈME ENTRÉE DE BALLET.

(Les divinités de la terre et des eaux mêlent leurs danses aux chants de Flore.)

FLORE.

L'Amour charme

Ceux qu'il désarme;

L'Amour charme,
Cédons-lui tous.

Notre peine

Seroit vaine

De vouloir résister à ses coups.

Quelque chaîne

Qu'un amant prenne,

La liberté n'a rien qui soit si douxt

CHOEUR des divinités de la terre et des eaux.

Nous goûtons une paix profonde,

Les plus doux jeux sont ici-bas.
On doit ce repos plein d'appas

Au plus grand roi du monde.

Descendez, mère des Amours;

Venez nous donner de beaux jours.

TROISIEME ENTRÉE DE BALLET.

(Les dryades, les sylvains, les dieux des fleuves et les naïades, voyant approcher Vénus, continuent d'exprimer par leurs danses la joie que leur inspire sa présence.

VÉNUS, dans sa machine.

Cessez, cessez pour moi tous vos chants d'allégresse,

De si rares honneurs ne m'appartiennent pas;

Et l'hommage qu'ici votre bonté m'adresse

Doit être réservé pour de plus doux

C'est une trop vieille méthode

De me venir faire sa cour;

Toutes les choses ont leur tour,
Et Vénus n'est plus à la mode :

Il est d'autres attraits naissants

Où l'on va porter ses encens.

appas.

Psyché, Psyché la belle, aujourd'hui tient ma place;
Déjà tout l'univers s'empresse à l'adorer;
Et c'est trop que, dans ma disgrâce,

Je trouve encor quelqu'un qui me daigne honorer.
On ne balance point entre nos deux mérites;
A quitter mon parti tout s'est licencié;
Et, du nombreux amas des Grâces favorites
Dont je trainois partout les soins et l'amitié,
Il ne m'en est resté que deux des plus petites,
Qui m'accompagnent par pitié.

Souffrez que ces demeures sombres

Prêtent leur solitude aux troubles de mon cœur,

Et me laissez, parmi leurs ombres,

Cacher ma honte et ma douleur.

(Flore et les autres déités se retirent; et Vénus, avec sa suite, sort de sa

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SCÈNE II.

VÉNUS, DESCENDUE SUR LA TERRE; L'AMOUR, ÉGIALE, PHAENNE, AMOURS.

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ÉGIALE.

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Nous ne savons, déesse, comment faire

Dans ce chagrin qu'on voit vous accabler:

Notre respect veut se taire,

Notre zèle veut parler.

VÉNUS.

Parlez mais si vos soins aspirent à me plaire,

Laissez tous vos conseils pour une autre saison,
Et ne parlez de ma colère

Que pour dire que j'ai raison.

C'étoit là, c'étoit là la plus sensible offense

Que ma divinité pût jamais recevoir;

Mais j'en aurai la vengeance,

Si les dieux ont du pouvoir.

PHAENNE.

de

Vous avez plus que nous de clartés, sagesse,

Pour juger ce qui peut être digne de vous;

Mais, pour moi, j'aurois cru qu'une grande déesse
Devroit moins se mettre en courroux.

VÉNUS.

Et c'est là la raison de ce courroux extrême.

Plus mon rang a d'éclat, plus l'affront est sanglant;

Et, si je n'étois pas dans ce degré suprême,
Le dépit de mon cœur seroit moins violent.

Moi, la fille du dieu qui lance le tonnerre;
Mère du dieu qui fait aimer;

Moi, les plus doux souhaits du ciel et de la terre,

Et qui ne suis venue au jour que pour charmer;

Moi, qui par tout ce qui respire

Ai vu de tant de vœux encenser mes autels,
Et qui de la beauté, par des droits immortels,
Ai tenu de tout temps le souverain empire;
Moi, dont les yeux ont mis deux grandes déités
Au point de me céder le prix de la plus belle,
Je me vois ma victoire et mes droits disputés
Par une chétive mortelle !

Le ridicule excès d'un fol entêtement

Va jusqu'à m'opposer une petite fille!

Sur ses traits et les miens j'essuîrai constamment
Un téméraire jugement;

Et, du haut des cieux, où je brille,
J'entendrai prononcer aux mortels prévenus :
Elle est plus belle que Vénus!

ÉGIALE.

Voilà comme l'on fait; c'est le style des hommes,
Ils sont impertinents dans leurs comparaisons.

PHAENNE.

Ils ne sauroient louer, dans le siècle où nous sommes, Qu'ils n'outragent les plus grands noms.

Ah!

VÉNUS.

que de ces trois mots la rigueur insolente
Venge bien Junon et Pallas,

Et console leurs cœurs de la gloire éclatante
Que la fameuse pomme acquit à mes appas!
Je les vois s'applaudir de mon inquiétude,
Affecter à toute heure un ris malicieux,
Et, d'un fixe regard, chercher avec étude
Ma confusion dans mes yeux.

Leur triomphante joie, au fort d'un tel outrage,
Semble me venir dire, insultant mon courroux

Vante, vante, Vénus, les traits de ton visage :
Au jugement d'un seul tu l'emportas sur nous;
Mais par le jugement de tous,

Une simple mortelle a sur toi l'avantage.
Ah! ce coup-là m'achève, il me perce le cœur,
Je n'en puis plus souffrir les rigueurs sans égales;
Et c'est trop de surcroît à ma vive douleur,
Que le plaisir de mes rivales.

Mon fils, si j'eus jamais sur toi quelque crédit,
Et si jamais je te fus chère,

Si tu portes un cœur à sentir le dépit

Qui trouble le cœur d'une mère

Qui si tendrement te chérit,

Emploie, emploie ici l'effort de ta puissance
A soutenir mes intérêts;

Et fais à Psyché, par tes traits,
Sentir les traits de ma vengeance.
Pour rendre son cœur malheureux,

Prends celui de tes traits le plus propre à me plaire,

Le plus empoisonné de ceux

Que tu lances dans ta colère.

Du plus bas, du plus vil, du plus affreux mortel,
Fais que jusqu'à la rage elle soit enflammée,

Et qu'elle ait à souffrir le supplice cruel

D'aimer, et n'être point aimée.

L'AMOUR.

Dans le monde on n'entend que plaintes de l'Amour;

On m'impute partout mille fautes commises;
Et vous ne croiriez point le mal et les sottises
Que l'on dit de moi chaque jour.

Si pour servir votre colère...

VÉNUS

Va, ne résiste point aux souhaits de ta mère;

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