N'applique tes raisonnements Qu'à chercher les plus prompts moments D'e faire un sacrifice à ma gloire outragée. Pars, pour toute réponse à mes empressements; Et ne me revois point que je ne sois vengée. (L'Amour s'envole.) FIN DU PROLOGUE. ACTE PREMIER. Le théâtre représente le palais du roi. SCÈNE I. AGLAURE, CYDIPPE. AGLAURE. Il est des maux, ma sœur, que le silence aigrit : Exhalons le cuisant dépit. Nous nous voyons soeurs d'infortune; Et la vôtre et la mienne ont un si grand rapport, Quelle fatalité secrète, Ma sœur, soumet tout l'univers Aux attraits de notre cadette, Qu'en ces lieux la fortune jette, 1 Quoi! voir de toutes parts, pour lui rendre les armes, Les cœurs se précipiter, Et passer devant nos charmes Quel sort ont nos yeux en partage, Et qu'est-ce qu'ils ont fait aux dieux, Fait triompher d'autres yeux? Est-il pour nous, ma sœur, de plus rude disgrâce CYDIPPE. Ah! ma sœur, c'est une aventure A faire perdre la raison; Et tous les maux de la nature Ne sont rien en comparaison. AGLAURE. Pour moi, j'en suis souvent jusqu'à verser des larmes. Tout plaisir, tout repos, par-là m'est arraché; Contre un pareil malheur ma constance est sans armes. Toujours à ce chagrin mon esprit attaché Me tient devant les yeux la honte de nos charmes, La nuit, il m'en repasse une idée éternelle Qui sur toute chose prévaut: Rien ne me peut chasser cette image cruelle; Et, dès qu'un doux sommeil me vient délivrer d'elle, Mais encor, AGLAURE. raisonnons un peu sur cette affaire. Pour inspirer tant d'ardeurs? Elle a quelques attraits, quelque éclat de jeunesse, Est-on d'une figure à faire qu'on se raille? N'a-t-on point quelques traits et quelques agréments, Quelque teint, quelques yeux, quelque air et quelque taille, A pouvoir dans nos fers jeter quelques amants? Ma soeur, faites-moi la grâce De me parler franchement : Suis-je faite d'un air, à votre jugement, Que mon mérite au sien doive céder la place? CYDIPPE. Qui? vous, ma sœur? Nullement. Mais, moi, dites, ma sœur, sans me vouloir flatter, AGLAURE. Vous, ma sœur? Vous avez, sans nul déguisement, Et je serois votre amant, Si j'étois autre que femme. CYDIPPE. D'où vient donc qu'on la voit l'emporter sur nous deux, Qu'à ses premiers regards les cœurs rendent les armes, Et que d'aucun tribut de soupirs et de vœux On ne fait honneur à nos charmes? |