Images de page
PDF
ePub
[blocks in formation]

Les petites filles des portières et des sages-femmes jouent, elles, à la raquette, aux grâces, et sautent à bon vinaigre sur la chaussée. Nombre de serments se font et se délient tous les jours sans qu'il soit besoin de ressusciter pour eux le jeu de paume.

Les poètes chantent encore les jeux et les ris et cependant on ne rit plus que du bout des lèvres.

Toutes les fêtes foraines s'ingénient à trouver des jeux d'adresse nouveaux, cela ne fait de mal à personne, et les gens adroits gagnent quelquefois un lapin, quand ce ne serait que celui qu'ils posent.

Nous ne pouvons, sous peine de commettre un crime de lèse-quinerie, oublier le noble jeu de loto qui, quoi qu'on en dise, n'est pas le jeu favori des seules portières, cardeuses de matelas et garde-malades. Bien des gens intelligents puisent une vraie joie et de douces émotions dans l'apparition de plusieurs quaternes ou d'un quine sur leurs cartons, ne gagneraient-ils qu'un haricot; nous en savons que ce gain transporte autant que s'ils avaient amené le zéro en plein à MonteCarlo et que s'ils eussent touché 35 fois leur mise.

Si Marivaux revenait, il constaterait que son Jeu de l'amour et du husard tient toujours l'affiche de notre première scène où tant d'auteurs nouveaux font jeux d'esprit. On marivaudera toujours et toujours l'on se fera un jeu de l'amour et du hasard.

CEUX QUI RAGENT QUAND IL PLEUT

ET QUAND IL FAIT BEAU

D'abord à Paris, quand il pleut, on ne trouve jamais de voitures aux stations. Il est vrai que lorsqu'il fait beau temps, c'est identiquement la même chose. Aussi, combien je comprends ce cri du cœur d'une demoiselle... des chœurs des Variétés! Il n'y a rien de tel que d'avoir une voiture à soi!

Quand il pleut en été, les entrepreneurs de bals champêtres et de cafés-concerts font la grimace. Les directeurs dont les théâtres sont restés ouverts, au contraire, nagent dans la joie en voyant leurs contemporains nager dans le macadam.

Quand il pleut, l'administration municipale fait néanmoins arroser nos voies publiques. C'est une énigme que je n'ai jamais pu m'expliquer et que je propose au Figaro pour l'offrir à ses lecteurs.

La blanchisseuse voit arriver la pluie avec une satisfaction qui n'a rien d'empesé.

Lejoli bas noir (!) qui a emprisonné la jambe mignonne de Mle Chose, le jupon tuyauté qui fait de nos maigres Parisiennes des Vénus Callipyges, reviennent maculés de boue chez la Gervaise de Boulognesur-Seine.

La pluie est bénie par le décrotteur, par le chand de parapluies à cinquante sous, parapluies qui sont très commodes et n'offrent aucun désagrément, si ce n'est de ne jamais vouloir s'ouvrir ou de se retourner sur eux-mêmes et de « faire tulipe » quand gémit le vent ou quand tombent sur votre tête les tuiles, les persiennes ou les cheminées.

CEUX QUI RAGENT QUAND IL PLEUT ET QUAND IL FAIT BEAU 139

Grâce à la pluie, le chapelier réalise des bénéfices inattendus. Une averse fait donner 10,000 coups de fer aux concurrents de Pinaud ou Gibus; soit 5,000 fr. de recette.

Une pluie menue, qui n'a l'air de rien, mais qui n'en transperce pas moins vos vêtements, gâle complètement un chapeau de femme. Un Rembrandt a coùlé 150 francs! Une goutte d'eau le fait tomber à 3 francs et l'envoie garnir la boutique d'une marchande du Temple. Désespoir de la belle et joie de la modiste.

A propos de modiste, la pluie vient contrarier les projets des galantins qui, à la sortie des ateliers, guettent les petites Nanas et leur décochent des madrigaux à la lumière des becs Jablochkoff! Il est vrai qu'ils peuvent remplacer leurs compliments par l'offre de la moitié de leur parapluie et de leur cœur.

La pluie est bénie également par les lovelaces de carrefour qui se mettent en chasse et suivent impitoyablement toute femme qui, en retroussant sa robe, laisse voir un bas de jambe arrondi et provocateur. Je conseille pourtant aux myopes de ne pas faire comme un mien ami, qui pendant une heure avait suivi sa... belle-mère !

Quand il pleut, c'est une averse... de consommateurs dans les cafés. Se méfier de la terrasse et des garçons trop zélés qui vous versent votre moka près d'une gouttière. La chicorée qui n'a pas été ménagée dans la cafetière suffit sans qu'il soit besoin d'y adjoindre l'eau du ciel.

En général, les amants de la dive bouteille, les « biberons insignes », comme dit Rabelais, ont la pluie en horreur. Nul besoin, je pense, de m'étendre sur le motif de leur... aversion.

Les chefs de partie dans les cercles ont la pluie en vénération. Grâce à l'ondée, la cagnotte marche, marche sans s'arrêter. Vous êtes venu à cinq heures à votre cercle, sans parapluie, uniquement pour serrer la main à un ami, lire les journaux, boire le madère ou savoir le résultat du dernier scrutin. On taille un bac; vous risquez quelques louis avant de rentrer diner avec votre belle petite. Il pleut! <«< chasseur, portez ce mot chez moi ». Et, après avoir prévenu «Bichette » que vous ne retournerez pas à la maison, vous prenez une banque ! Si vous gagnez, vous bénissez saint Médard, si vous perdez, vous trouvez le diner mauvais et votre cigare détestable. L'artiste qui touche du piano dans le salon d'à côté vous horripile. Votre voisin qui fait un calembour vous agace ! Il pleut ! il pleut ! Et si ces quelques lignes ne vous ont pas... plu, adorable lectrice, ne m'en veuillez pas trop et ne vous en prenez qu'à la pluie. En

fouettant les vitres de mes fenêtres, elle m'avertit de ne pas sortir et pourtant, j'avais à...

Ah! mais pardon, j'allais vous raconter mes petites affaires, comme si cela pouvait vous intéresser. Nous nous reverrons, si vous le voulez bien, aux prochains rayons du soleil.

Saint Medard et saint Barnabé.

[graphic][merged small][merged small]

Où cela s'arrêtera-t-il? Il y a quelque dix ans, on a fermé les agences de courses où se pratiquaient les paris mutuels.

On ne voyait autour des appareils que des garçons de café, des cochers, des domestiques, des employés de commerce ou des sauteruisseau. On a voulu moraliser les paris, je n'y vois pas de mal.

Tout récemment, on a traqué dans certains estaminets de la rue Choiseul ou de la rue du Hanovre, des bookmakers qui faisaient des poules... mais pas au billard.

On prétend que pour l'automne prochain, la pelouse de Longchamps sera interdite aux bookmakers et que l'on n'entendra plus, que dans nu songe, cette phrase sacramentelle : « Voyez la cote, voyez la belle cote. » Un jour, autour de cette belle cote, on m'a chipé mon portefeuille, souvenir des courses d'Aix-les-Bains!

En attendant, dès que midi a sonné au ventre du nègre de la porte Saint-Denis, des véhicules de toute sorte, des omnibus démodés, des tapissières aux essieux criards, des voitures antédiluviennes, des arches de Noé à quatre roues traînées par cinq chevaux, encombrent la chaussée. Les postillons font claquer leur fouet pendant que les conducteurs font appel aux passants pour les conduire sur le terrain. Hommes et femmes s'engouffrent dans ces boîtes roulantes et vont se faire rôtir ou geler sur les Hippodromes urbains et suburbains. C'est une rage, car les courses durent toute l'année et ont lieu par des pluies battantes aussi bien que sous les ardeurs d'un soleil tropi

« PrécédentContinuer »