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cal; on en a organisé partout: à Longchamps, à Auteuil, à Vincennes, au Vésinet, à Enghien, à Maisons-Laffite, à Neuilly, à Saint-Maur, à la Marche, à la Croix-de-Berny, etc., etc.

Et le public est toujours le même. Des parieurs qui perdent neuf fois sur dix et qui se soucient, comme une cocotte d'un lapin, de l'amélioration de la race chevaline.

Quelle différence avec les courses d'il y a vingt ans ! En dehors des parieurs sérieux, la pelouse et les tribunes étaient envahies par des amateurs qui trouvaient l'occasion de passer une bonne journée. Dans le pesage, les clubmen, les marchands de chevaux, les propriétaires d'écuries, les jockeys. Dans les tribunes les grandes dames faisant assaut de toilettes printanières. Sur la pelouse, un flirtage bien compris, des rires, des bouquets offerts aux petites femmes, le bruit des bouchons s'échappant d'un goulot argenté, une gaîté communicative!

Et le retour? Quels cris d'admiration poussés par la foule devant les Daumont des marquises des nobles faubourgs et les victorias des demi-mondaines; devant les mail-coachs, les attelages à quatre, les breaks des membres des cercles! Et le soir, le dîner joyeux au MoulinRouge terminé par une causerie vive et animée sous la vérandah de Mabille!

Aujourd'hui on va aux courses pour jouer et non pour se distraire. Je ne demande pas qu'on les supprime complètement. Je suis pour la liberté, et du moment que telles qu'elles sont elles amusent certaines gens, on ne doit pas y mettre d'entraves.

Mais je demande qu'au retour toutes ces diligences en mettent moins en traversant les boulevards au risque d'écraser les passants déjà assourdis par les crieurs de l'Echo de Paris ou de la Grammaire Volapuck; ou qu'on les fasse arrêter place de la Concorde, près de l'Obélisque, un monument que l'on dédaigne aujourd'hui, et qui est pourtant bien intéressant, sérieusement...

Je demande surtout qu'on ne mette plus de pronostics dans les journaux, car, ne le dites pas, je parie quelquefois et je perds toujours comme Rochefort.

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Le soliloque s'emploie pour désigner certaines réflexions qu'on se fait à soi-même sans que personne y fasse attention; le monologue, au contraire, suppose des auditeurs et se fait remarquer comme la preuve d'une vive préoccupation... d'occuper le public, demandez plutôt aux monologuistes et aux monologuomanes qui, depuis quelques années, ont inoculé leur rage aux deux tiers de la population parisienne et aux trois quarts des habitants de la province. Ce Coquelin cadet en a-t-il adopté, patronné et débité assez de ces monologues? Non, car on en fait paraître encore tous les jours, et tous, invariablement, lui sont dédiés avec un dessin de couverture destiné à immortaliser ses traits en charge autant que d'après nature. Le monologue au théâtre ne date pas précisément d'hier. Il a eu ses classiques dans le genre tragique et dramatique comme dans le genre comique. Exemples les odes-monologues de Corneille dans Polyeucte et dans le Cid. Le monologue de Cinna, les monologues d'Hamlet (Shakespeare); le monologue de Phèdre (Racine), le monologue de Figaro, dans le Mariage de Figaro (Beaumarchais), le monologue de CharlesQuint dans Hernani (160 vers, Victor Hugo), le monologue d'Harpa

gon, dans l'Avare (Molière), le monologue de Sosie, dans l'Amphitryon (Molière).

Les comédies de nos grands auteurs modernes, Dumas, Augier, Sardou, Octave Feuillet offrent de beaux exemples de monologues, qu'il serait fastidieux de rééditer ici.

Le monologue de casino-salon, de paravent, voilà l'ennemi à redouter et la rage à guérir.

Est-ce à dire que les monologuomanes devraient être contraints de sortir avec une muselière? Non, mais nous soutenons hardiment, et cela parce que nous avons ressenti nous aussi les atteintes de cette maladie, que la monologuomanie devrait, comme toutes les autres rages contagieuses, entrer en traitement, rue d'Ulm, à l'Institut PasAbraham Dreyfus, Grenet-Dancourt, Paul Bilhaud, BertolGraivil et quelques autres ont prouvé par leurs succès de pièces qu'ils valent mieux, cent fois mieux que ces petits opuscules, qui ne sont vraiment que les hors-d'œuvre inutiles de leur talent.

teur.

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Je ne connais pas de supplice chinois comparable à celui de l'album. Une femme charmante vous invite à son five o'clock. Sans défiance aucune vous arrivez chez elle, vous flirtez en aimable compagnie, et tout à coup, prise d'une véritable rage, la maîtresse de la maison vous présente un album et vous prie d'y mettre une pensée. Vous cherchez à être spirituel et vous devenez banal et terre à terre. L'inspiration ne se commande pas, et plus un poète, à ce moment, cherchera une rime riche, plus elle lui échappera. Allez donc dire à un musicien de trouver un motif gracieux, quand il n'est pas en train. O, l'album forcé, quelle rage!

Je comprends l'album de photographies qui vous donne les traits des actrices à dix années de distance. Rien d'intéressant comme cette revue rétrospective des princesses de la rampe (on ne les expulse pas encore); toutes aujourd'hui sont rajeunies, les maigres ont engraissé et les grosses sont devenues de frêles roseaux.

Je comprends encore l'album qu'un hôtelier vous présente, quand vous venez de faire une ascension alpestre, en vous priant d'y jeter vos impressions. On y lit souvent des pensées que ne désavouerait pas Pascal, des phrases amusantes que les Perrichons écrivent en torturant l'orthographe. L'année dernière, j'avais fait l'ascension merveilleuse de la Chambotte, et je voyais du haut d'un belvédère le lac du Bourget aux eaux bleues, encadré dans les montagnes neigeuses des Alpes.

L'album de rigueur me fut présenté, et je ne pus m'empêcher de sourire en lisant la pensée suivante :

Moi aussi je visiterais bien la Chambotte, si cela ne coûtait pas si cher.

JULES.

En parcourant la forêt Noire, je m'arrêtai aux sources de Geroldsau; sur l'album impitoyable, je lus la pensée suivante :

Le spectacle de la nature élève l'âme et fortifie le corps.

EMILE DE GIRARDIN.

J'avais une faim canine, je fus tenté d'écrire au-dessous des deux lignes du célèbre publiciste : le spectacle d'un bifteck saignant fortifie bien autrement le corps.

Jadis l'album ne se rencontrait que chez les habitants du faubourg Saint-Germain. Aujourd'hui, il s'est démocratisé, on le trouve partout. Le peintre en renom, le romancier à la mode, le vaudevilliste que l'on joue cent fois, le compositeur dont les refrains sont dans toutes les bouches sont traqués et mis à contribution. C'est une rage bien difficile à guérir.

Voici quelques pensées d'album sténographiées :

J'ai été un Bidard. Je n'ai jamais eu de belle-mère !

Il faut toujours marcher droit dans la vie.

La parole n'est rien, le geste est tout.

Quand on a de mauvais principes il faut divorcer avec eux.

A bas la réclame!

Les femmes du monde il n'y a que ça.

Vive la liberté !

Il faut vivre pour manger.

Oui, papa...

ADAM.

TRIBOULET.

BARON DE L'EPÉE.

A. NAQUET.

SARAH BERNHARDT.

BOIREAU.

ROCHE (de Decazeville).

CH. MONSELET.

ANDRÉ MONSELET.

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