fièvre passagère qui prend par un frémissement et finit par un bàillement. Les enragés qui s'unissent par amour se séparent généralement... par vitriol!

Jadis on brùlait, on languissait, on mourait tout doucement d'amour. Aujourd'hui l'amour faisant rage vous fait admettre d'emblée à l'Institut Pasteur, d'où malheureusement il n'est pas encore sorti guéri.

Au Salon, on ne voit que des Vénus cherchant à désarmer l'Amour et n'y arrivant pas, que dis-je? Elles se piquent elle-mèmes à ses flèches redoutables.

Figaro prétend que l'amour donne de l'esprit à ceux qui n'en ont pas, qu'il en ajoute à ceux qui en ont peu, mais qu'il en ôte à coux qui en ont beaucoup. Ce serait le cas ou jamais de faire des personnalités pour justifier le dire du spirituel barbier, mais nous ne voulons blesser personne pour ne pas être provoqué en duel... de la main gauche.

Nous ne citerons pas non plus les nombreuses actrices et Parisiennes mondaines, qui, périodiquement, sont prises de la rage amou

reuse!

Nous préférons remonter au passé et rappeler des exemples connus dans le martyrologe des enragés d'amour!

Jupiter et Sémélé;
Diane et Eudymion;
Daphnis et Chloé;

Joseph et Me Putiphar;

Psyché et l'Amour;

Philémon et Baucis;

Antoine et Cléopâtre;

Eponine et Sabinus;

François Ier et la Belle Féronnière;

Faust et Marguerite;

Pétrarque et Laure;

Roméo et Juliette;

Manon Lescaut et Desgrieux;

Henri IV et la belle Gabrielle;

Louis XIV et La Vallière;

Le maréchal de Saxe et Adrienne Lecouvreur;

Molière et la Béjard;

Voltaire et Me du Châtelet:

Louis XV et la Pompadour;

LA RAGE D'AMOUR

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Faublas et toutes ses maîtresses;

J.-J. Rousseau et Mme de Warens;

Mirabeau et Sophie;

Robespierre et Marianne;

Béranger et Lisette;

Murger et Musette;

Armand Duval et la Dame aux camélias.

Nous allions oublier Paul et Virginie qui ont eu tant d'imitateurs dans les mansardes, se murmurant lèvre à lèvre le vers du grand poète :

Ton amour m'a refait une virginité!

Et Héloïse ne mit-elle pas la rage au cœur de ce pauvre Abeilard, pour qui Fulbert usa d'un moyen radical de guérison que répudierait M. Pasteur, et qui n'est pas à la portée de toutes les bourses!

RAGES FINALES

"

y

a encore de nombreux cas de rage auxquels nous ne voyons pas la nécessité de consacrer un chapitre spécial. Nous allons done. les passer en revue au courant de la plume.

La rage de la Gymnastique. — J'approuve fort la jeunesse française de se livrer chaque dimanche aux exercices du corps, mais pourquoi tant de clairons qui assourdissent les passants, car on peut être très fort sur le trapèze et très faible sur l'embouchure. Pourquoi garder le soir ces costumes bariolés qui font très bien sur un hippodrome, mais qui jurent dans les rues de Paris avec nos vêtements étriqués. Pourquoi, au lieu de prendre un repos salutaire, se livrer à des culbutes qui n'ont rien de patriotique. Pourquoi cette rage de critiquer un amusement qui fait de nos futurs volontaires autant d'athlètes?

La rage électorale. Elle ne sévit pas souvent, heureusement pour les gens paisibles. La rage électorale engendre la rage des clubs où tant de beaux parleurs, en disant des choses renversantes, se préparent un siège à la Chambre des députés. La rage des clubs amène la rage des grèves. Celles de Paris ont pour effet de faire payer plus cher aux clients ceux qu'ils commandent à leur tailleur.

La rage de la mendicité. Paris ressemble maintenant à une immense cour des miracles. Vous ne pouvez faire un pas sans qu'un cul-de-jatte ne vienne se jeter entre vos jambes, sans qu'un mendiant ne vous présente son moignon sous le nez, sans qu'une femme déguenillée, qui sent le tord-boyaux, ne vous dise qu'elle n'a rien mangé depuis huit jours. Je fais une exception pour les aveugles qui ne vous harcèlent jamais et attendent qu'une âme compatissante dépose son

obole dans leur sébile. Mais les aveugles restent les plus intéressants, songez-y donc, si leurs caniches devenaient enragés !

La rage de la pêche. On n'attrape pas de poisson, mais un coup de soleil. Et pendant que Monsieur reste quatre heures sous les arches d'un pont, il ne se dispute pas avec Madame, qui peut tout à son aise bavarder avec les commères de son carré et pècher, elle aussi, avec

son cousin.

La rage de la chasse. Elle rapporte beaucoup aux marchands de gibier qui vendent très cher des lapins avancés, je ne dis pas savants, et des lièvres putréfiés aux Nemrods maladroits mais vaniteux.

La rage du travestissement. Elle sévit le mardi gras et le jeudi de la mi-carême. Nombre de jolis messieurs s'habillent en femmes, nombre de femmes s'habillent en hommes et se collent des moustaches. Cela ne les embellit pas. - Nota bene. Les servantes de brasseries se travestissent d'un bout de l'année à l'autre.

La rage du monocle. A vingt ans, quantité de jeunes gens sont pris de la rage de s'incruster un morceau de verre sous l'arcade sourcilière. Il faudrait forcer les faux myopes et les presbytes de contrebande à porter lunettes comme Sarcey. Le lendemain, ils verraient clair... même dans la politique du gouvernement, ce qui n'est pas donné à tout le monde.

La rage de parler. Ce proverbe arabe n'est pas mis assez en pratique. On en a la preuve par le recensement de cette année, qui nous dit au juste combien on compte à Paris de perroquets, d'orateurs de clubs, de portières et autres pies-borgnes, sans omettre ceux qui bavardent et jacassent en volapuck.

La rage de dents. Elle ne satisfait jamais les gens... cives. On en guérit facilement en les mettant dehors, ou en allant chez notre ami de Mirimonde, 62, boulevard Magenta. Celui-là vous insensibilise (Dieu, que c'est difficile à prononcer!) sans risque de vous envoyer mâcher au Père-Lachaise, 72° division, (dite des dentistes) allée des chicots-morts.

La rage de la morphine. Au Salon, un tableau cette année a attiré tous les regards. Il représente une femme étendue sur son lit et en proie à une divine extase. Une autre femme, la poitrine nue, la regarde et se prépare à se faire sur le bras gauche une piqûre de morphine. Oui, mais gare aux conséquences. (Ceci s'adresse principalement à vous, femmes de toutes les voluptés, comme dirait Prud'homme.)

LA RAGE DU PIANO

Chi va piano, va sano

Chi va sano, va lontano.

Soit, mais celui qui va piano fait bien enrager ses concitoyens, surtout quand il commence ses arpèges au lever de l'aurore! Et dire que l'impôt dont on les a frappés ne leur imposera jamais silence!