Images de page
PDF
ePub
[ocr errors]

Allons enfants de l'onde pure,
L'illustre jour vient d'arriver,
Contre nous, l'affreuse friture,
Bouillonne et veut nous enlever. (bis)
Entendez-vous à chaque table,
Mugir chaque consommateur,
Ils vont de l'étang délectable
Nous faire sauter dans le beurr (e).

Aux armes, barbillons!
Formez vos bataillons, etc.

Nous nous assîmes sur un banc, tout à coup quelque chose de brillant apparut dans l'herbe. - Un verre de couleur ! m'écriai-je avec colère. Non, ce n'était qu'un ver luisant, mais il éclairait presque autant qu'un bec de gaz. Un ver doit être compris d'un poète: je l'interroge, en vers, naturellement; le ver reste silencieux mais devient plus phosphorescent. J'y suis! ce ver luisant illumine en l'honneur du 14 Juillet; sauvons-nous, il serait capable de nous chanter la Marseillaise. Nous allâmes un peu plus loin, en maugréant; soudain un concert de grillons éclate, sonore, intempestif sous une touffe de bruyère. Serait-ce un défi? Nous ouvrîmes plus attentivement nos tubes auditifs, il n'y avait plus à en douter, c'était la Marseillaise...des grillons que nous venions d'entendre. Je n'ai malheureusement pas pu la sténographier. Depuis ce moment, faute de coton, nous ne marchâmes plus qu'avec nos doigts dans nos oreilles. Malédiction! Vade, retro Satanas! Une fanfare des plus fanfaronnes se mit à faire pleuvoir dans l'onde sonore une averse d'harmonie, d'harmonie telle, qu'il est question de créer au Conservatoire une classe de professeurs de marrrrchands de robinets. Mes amis accablés étaient tombés sur la route; moi, j'eus plus de courage; non seulement je laissai les cuivres bossués martyriser mon tympan, mais, je les suivis avec rage, à travers toutes les rues de la ville et je m'écriai, avec la rage satanique du démon : Que c'est beau, la Marseillaise! Quand je revins sur la route, mes compagnons étaient gagas.

Le lendemain, après déjeuner, nous partimes pour Saint-Germain; mais après dîner nous cùmes la fatale pensée d'aller prendre le café au pavillon Henri IV, sur la fameuse terrasse. Depuis cinq minutes, nous y interrogions l'horizon constellé d'illuminations variées et de retraites aux flambeaux, lorsqu'une musique éclata retentissante derrière nos chaises! J'eus un soubresaut terrible qui faillit

LA RAGE DU 14 JUILLET

63

me faire rebondir de la terrasse jusqu'au Pecq..... Vous avez deviné, n'est-ce pas? C'était la fanfare des Beni-Bouffe-Toujours qui jouait. la Marseillaise, juste au moment où les premières fusées de tous les feux d'artifices s'élançaient pour poignarder le ciel! Nous abandonnâmes la terrasse en ressentant un léger frisson dans le dos! le frrrrrrissssson de la Maaaarrrrseilllaiiiiise!!!

Une heure après nous tombions à Paris en plein cœur de cette fète nationale, que nous avions fuie avec autant de lâcheté que de préméditation et, à peine à la gare Saint-Lazare, au milieu d'une cohue indescriptible, nous fùmes pour ainsi dire portés par la foule, jusque sur la place de l'Opéra. A des fenêtres du Grand Hôtel l'ambassade marocaine applaudissait l'orchestre de Métra qui faisait danser à deux mille personnes au moins, un quadrille sur des motifs de......... la Marseillaise!!!!!!

Après cette nuit mémorable, ce que je puis affirmer sur la tête de Louise Michel, c'est que, en proie pendant quarante-huit heures au cauchemar de la Marseillaisomanie j'en arrivai à me réveiller avec des instincts sanguinaires; oui, j'en demande humblement pardon à la Société protectrice des animaux, mais, dans cette nuit agitée du 14 au 15, je m'acharnai sans pitié sur une demi-douzaine d'insectes intolérables recueillis dans la fête nationale, et que j'égorgeai avec rage, en hurlant à mon tour :

[merged small][merged small][ocr errors]

LA RAGE DE LA RÉCLAME

Pour réussir il faut exploiter la réclame.
Faire parler de soi, sans cesse, à tout propos,
Et jamais au public, ne laisser de repos.
DELAVILLE.

Viens à notre aide, Barnum, pour attaquer ce chapitre à coups de grosse caisse et de tam-tam.

Les enragés de la réclame sont innombrables, depuis Alcibiade qui coupa la queue de son chien jusqu'au monsieur tellement assoiffé de publicité pour lui-même qu'il se marie rien que pour lire et faire lire son nom dans les journaux aux publications de mariage. Calino, lui, serait bien capable pour le même motif de le faire insérer aux décès et inhumations.

Une réclame bien faite est presque un chef-d'œuvre. Les Américains sont les maîtres du genre. Qu'on en juge par le cas qu'un de nos confrères de New-York raconte avec le plus grand flegme.

Un marchand de ballons rouges se promenait dernièrement avec sa marchandise sur la plage de la station balnéaire de Flaxaw. Il était accompagné de son fils âgé de 5 ans.

Pour une raison quelconque, le marchand éprouva le besoin de se débarrasser momentanément de ses ballons et attacha la ficelle qui les retenait à la ceinture de son rejeton. L'enfant, qui ne pesait pas lourd, fut immédiatement enlevé dans les airs par les minuscules aérostats et prit la direction de la pleine mer. Graud émoi sur la plage, on met force canots à l'eau, et on se dirige à force de rames à la poursuite du petit aéronaute malgré lui.

L'enfant était à environ 500 mètres de hauteur, lorsqu'un individu apparut sur la plage avec sa carabine.

C'était heureusement un célèbre tireur. Il épaula immédiatement son arme, un winchester à 25 coups, et creva, les uns après les autres, tous les ballons rouges.

L'enfant descendit graduellement et fut recueilli sain et sauf par les barques qui s'étaient mises à sa poursuite.

LA RAGE DE LA RÉCLAME

67

Et le journal ajoute : « Le chasseur, auteur de cet exploit extraordinaire, n'est autre que M. Stipso, le fameux tireur qui fait tous les soirs fureur au théâtre de l'Arkansas! >>

La palme est aux Américains, mais nous marchons sur leurs brisées. Aujourd'hui, le tailleur-vaudevilliste Dunan-Mousseux ne mousserait plus autant quoique ayant inventé l'abracadabrante devise:

Enfin, nous avons fait faillite!

Car aujourd'hui on va plus vite que ça et le temps est proche où un marchand d'habits quelconque imprimera sur ses volets:

Enfin, nous avons fait banqueroute!

Le célèbre Mangin casque en tête ayait atteint le summum de la perfection dans la réclame avec ses crayons qu'il débitait en faisant la parade à côté de son fidèle Vert-de-gris et en interpellant ses auditeurs de la manière suivante :

<«< Dites donc vous, là-bas, qui avez une tête d'âne à côté de cette dame qui en a une de... génisse, si vous ne me prenez pas douze crayons au moins, je vais révéler à l'honorable société vos petites turpitudes de ménage. » Et le reste à l'avenant.

Les pharmaciens ont diantrement distancé la modestie commerciale des apothicaires de Molière; sous le prétexte de nous vendre tous un remède spécial, qui n'est le plus souvent que la falsification de la plus simple des formules du Codex, ils trouvent un nom à effet, une étiquette ronflante sur un flacon luxueux ou sur une boîte de pastilles ou de pilules, le tout est enveloppé dans un prospectus richement imprimé, on y ajoute des annonces sous mille formes variées et d'un trompe-l'œil certain dans des journaux et sur cent mille affiches; voilà de quoi faire avaler à la badauderie française, onguents, vomitifs, sirops, huiles, poudres, purgatifs à jet continu.

Un pharmacien, de la patrie des pieds de cochon (Sainte-Menehould), a bien compris son siècle en l'abrutissant et en le faisant casquer le plus qu'il peut au profit de la vente de ses pastilles qui ne font pas moins bien aller le commerce, hélas! trop florissant de messieurs les marbriers. Mais, n'importe, ce n'est pas seulement un château que ce barnum pharmaceutique pourra s'offrir sur ses économies, c'est une Bastille! (Pends-toi, Christian!)

Et Crespin, de Vidouville (Manche), en voilà un à qui la vente à la petite semaine a fait le bras long. « Le carnaval parisien est mort, s'est-il dit un jour... gras, ressuscitons-le à la mi-carême au profit de ma bonne industrie, » et ainsi fit-il, et ainsi vîmes-nous défiler le 8 avril dernier sur toutes les grandes voies de la capitale la cavalcade Crespin, de Vidouville (re-Manche).

Jadis les journaux n'avaient laissé envahir que leur quatrième page par dame Réclame; aujourd'hui cette vieille intrigante s'est faufilée dans toutes les colonnes de journaux et... vespasiennes; elle y a envahi la chronique, l'article de fond, les faits-Paris, les tribunaux, les nouvelles-à-la-main et jusqu'aux feuilletons. Elle s'est faufilée partout comme la couleuvre sous les feuilles, et si vous déduisez d'un journal ce qu'il en reste d'intéressant à lire... vous ne lisez pas grand'chose.

Les magasins de nouveautés ont inventé le prospectus en couplets sur l'air de la rengaine ou de l'opérette à la mode. La grande maison d'habillement du Pont-Neuf s'est immortalisée, par un succès qu'a grandi encore sa réclame épique, homérique, unique, et pratique :

ON REND L'ARGENT!!!

de tout achat qui a cessé de plaire.

A ce sujet un revuïste a improvisé le couplet suivant :

« On me dit qu'au Pont-Neuf on rend l'argent

De tout achat qui cesse de vous plaire,
Est-c'que ça s'rait paraître trop méchant

De s'y faire rembourser sa bell'mère? »

Un industriel audacieux a inventé les assiettes-annonces qui marchent admirablement de pair dans une salle à manger avec les chaises à musique (n'est-ce pas Choumara ?).

Vous avez fini le potage, vous entamez le gigot -le garçon de restaurant ou la bonne vous change d'assiette et vous en donne une sur laquelle vous lisez au travers de la sauce.

Plus de cheveux blancs!

Avis à ceux qui n'aiment que les gigots et les biftecks chauves.

« PrécédentContinuer »