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La littérature joue aussi de la réclame aujourd'hui plus que jamais, il n'est pas de roman qui ne se fasse tambouriner à coups de cymbales et d'affiches illustrées sur tous les murs.

Le théâtre plus réclamiste encore que tous les autres! Ses comédiens et comédiennes ne se promènent plus sans un tamtam à la ceinture.

Je me suis laissé dire qu'un théâtre avait ouvert ses portes à une pièce réclame qui serait vraiment le modèle du genre. J'ai corrompu à prix d'or le copiste de cet ouvrage, et c'est pour vous le donner que j'en détache deux scènes, deux merveilles comme réclame appropriée à la scène. Lisez! jugez? Claretie — Porel — Raymond Deslandes Dumas Victor Koning, et vous aussi Augier

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Gondinet, etc., etc. :

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SCÈNE VIII

Sardou

MADAME SAINT-PHAR

Le comte va venir, je ne saurais rester plus longtemps en négligé.

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Donne-moi mon corset matelassé de chez Mme Beaunéné, rue...., no 27; ma robe en foulard, qui sort des magasins du....., boulevard de....., et si élégamment taillée par Mme S...., l'inimitable couturière de la rue Neuve-des-Petits....., no 95. Ah! et mes bottines en mordoré, de la maison F....., qui ne chausse que le high life. (Le public voit passer sous ses yeux les accessoires de toilette sus-énoncés et voit Mme Saint-Phar les revêtir au fur et à mesure.)

SCÈNE IX

Les mêmes, le comte de Dufricheton, le duc de la Rochequitremble.

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Souffrez que je dépose un baiser sur votre adorable main.

MADAME SAINT-PHAR (boutonnant son gant à 99 boutons).

Le temps de mettre mes gants Joséphine de chez R... et Y..., chaussée d'Antin.

LE COMTE (baisant le gant)

h! que la peau en est fine! d'honneur je me fournirai là.

MADAME SAINT-PHAR

Ma main exhale encore le parfun du Savon royal de Thridace de la nouvelle maison V..., rue feu Sc..., en face du Joc..., à une portée de pistolet des bureaux de la Gazette des...

(Le duc paraît au fond, le comte à sa vue bondit de rage et s'arrache une poignée de cheveux de sa perruque achetée rue....., chez L..., le célèbre artiste capillaire.)

MADAME SAINT-PHAR et LA FEMME DE CHAMBRE

Malheur! le duc!

LE DUC (s'avançant au marquis)

Votre heure?

LE MARQUIS

Demain matin, cinq heures, à ma bonne montre remontoir, de Th. Ler... et fils galerie de Val..., au Palais-Roy...

Les lieux? (Se reprenant.) Le lieu?

LE DUC

LE MARQUIS

Au bois de Vincennes, derrière les cabinets... particuliers du restaurant de la Porte J...ne, qui a résolu le difficile problème de la bonne chère, vins exquis (des caves du Grand-H...)

LE DUC

J'ai le choix des armes! J'apporterai mes épées de combat de chez Dev...me, l'illustre armurier du boulevard des It... et ce sera un duel à mort.

LA RAGE DE LA RÉCLAME

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Impossible de connaître l'auteur de ce nouveau genre de pièce qui va, naturellement, causer le plus grand préjudice à la quatrième page de tous les journaux.

Rien d'exagéré dans ce que vous venez de lire, car il ne se joue pas une revue, au théâtre et au concert, sans que la réclame n'y ait ses grandes et petites entrées sous toutes les formes, même dans celles qui remplissent le maillot de la commère réclames dans le dialogue, réclames dans les couplets réclames sur les décors; réclames dans le programme vendu dans la salle, réclames sur le rideau, réclames aux galeries, réclames au foyer, réclames dans les couloirs, réclame partout, partout.

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LA RAGE DES ENTRÉES

Avoir ses entrées, c'est souvent rester à la porte. (KOCHAIRE.)

Avoir ses entrées!... c'est la rage de bien des jeunes gens, c'est le vœu de bien des hommes mûrs; l'un fait un vaudeville, l'autre prend des actions dans un théâtre; l'un perd sa fortune à venir, l'autre, sa fortune passée; tout cela pour ce mot superbe, pour cet amour-propre ou ce plaisir, pour cette ambition, ou cette économie, de passer entre un contrôleur et un municipal en payant d'un coup de chapeau ce que les autres payent de leur argent.

Demandez à un critique feuilletonniste ce que vaut une entrée au théâtre, et vous éveillerez en lui une idée affreuse de gène et de déception; que de fois il a fait aux premières représentations une galanterie à une amie avec sa stalle, comptant beaucoup sur son entrée personnelle pour voir lui-même l'ouvrage dont il doit rendre compte; et que de fois il a erré dans les corridors comme une âme en peine pendant que l'on jugeait sans lui l'œuvre dramatique sur laquelle il avait à faire, le lendemain mème, un feuilleton bien senti. Jugez en pareil cas, combien la critique est sévère, et quelle idée odieuse il doit se faire d'un ouvrage qu'il a vu par des carreaux de loge, que les spectateurs prennent souvent plaisir à couvrir avec un chapeau!

La salle n'est pas toujours comble: il y a des jours où les entrées peuvent se prélasser au balcon ou dans les avant-scènes, mais ce sont naturellement ces jours-là qu'elles sont le moins demandées. A part les représentations importantes où l'on ne peut avoir de place, il n'y a point d'endroits plus ennuyeux à fréquenter qu'un théâtre où l'on a ses entrées.

Cependant il y a un certain plaisir, une saveur particulière dans l'entrée de contrebande que beaucoup de gens se procurent facilement.

LA RAGE DES ENTRÉES

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On ne saurait croire combien il existe de ces sortes d'entrées dans les théâtres de Paris.

Pour avoir ses entrées, il suffit d'avoir de l'aplomb et surtout une de ces figures vagues que tout le monde croit connaître. Aucun contrôleur de théâtre, aucune ouvreuse ne vous demandera votre billet ou votre carton, pourvu que vous ne témoigniez pas d'hésitation. Il est difficile à MM. les contrôleurs de garder fidèlement la mémoire de toutes les physionomies recommandées qui défilent un peu pêlemêle devant eux. Si le contrôleur émet un doute, dites hardiment un nom quelconque et vous passerez comme une lettre à la poste.

Tout le monde connaît le moyen qui a servi si souvent à faire entrer deux personnes ensemble. Le plus apparent et le plus effronté des deux dit au contrôleur : « Monsieur est avec moi. >>

Il y a des gens qui parviennent ainsi à procurer des entrées à toute leur famille et à tous leurs amis.

Quand vous jelez effrontément un nom en passant devant le contrôle, ne vous trompez pas... N'allez pas prendre un nom de ville. pour un nom d'homme, et dire imperturbablement, par exemple : Perpignan ou Lons-le-Saunier. Se figure-t-on aussi la tête de l'auteur, ou du publiciste qui se targue de son droit d'entrée, et à qui on répond qu'on l'a rayé du registre, parce qu'on le croyait décédé depuis longtemps.

A qui n'a-t-on pas déjà raconté l'histoire du bon bourgeois qui eut ses entrées franches plus de dix ans, à la Comédie-Française, en disant tout simplement en passant devant le contrôle Feu Waflard! Les droits de Waflard, l'auteur du Voyage à Dieppe, étaient incontestables, et il a fallu un contrôleur bien avisé, bien défiant pour faire un jour cette remarque que feu Waflard était mort! C'est encore une question pendante de savoir si les morts ont droit de conserver leurs entrées.

Il reste à parler d'un autre moyen d'entrer dans les salles de spectacles; c'est de demander le numéro d'une loge ou la personne qui en est titulaire. On ne saurait croire combien il entre de personnes qui demandent la loge d'un tel. Il va sans dire que c'est toujours

un nom très connu.

Les entrées ne s'obtiennent que très difficilement dans les théâtres d'ordre et pourtant chaque théâtre a de quoi faire un public avec ses entrées de faveur.

Nous conseillons aux entrées de contrebande de ne jamais négliger les petits profits et les étrennes des ouvreuses et de ne pas émettre

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