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préciation aux tribunaux civils, et surseoir jusqu'à leur décision (1); s'il passe outre, l'autorisation à intervenir ne pouvant jamais préjudicier aux droits des tiers (voir ci-après no 162), ceux-ci conservent la faculté de les faire valoir utilement de vant la juridiction civile (2).

Si les oppositions ne sont fondées que sur les effets préjudiciables que peut produire le nouvel établissement, sans porter atteinte à des droits de propriété, tels que l'inondation des prairies voisines, ou l'élévation des eaux sous la roue d'une usine supérieure, ou la diminution de la force motrice d'un moulin préexistant, etc..., c'est à l'administration qu'il appartient d'apprécier ces questions aussi bien que la demande elle-même. Rien ne s'oppose donc à ce que le préfet donne suite à l'affaire, en prenant en juste considération les motifs allégués.

156. Le renvoi au contentieux administratif n'est jamais ordonné. — Il n'y a pas non plus lieu à sursis, comme le fait observer M. Dufour, quand le titre invoqué par un tiers à l'appui de son opposition est un acte administratif dont l'interprétation et l'appréciation appartiennent à l'autorité administrative contentieuse d'après le droit commun. Dans ce cas, le débat sera vidé sur cet incident comme sur le fond, sans renvoi préjudiciel au contentieux administratif, par la décision à intervenir sur la demande d'autorisation.

C'est l'application d'un principe constant en vertu duquel les questions contentieuses qui, en matière administrative, s'élèvent dans l'instruction d'une affaire qui doit être terminée par un décret du chef de l'Etat rendu dans la forme d'un règlement d'administration publique, sont considérées comme discutées contradictoirement par suite des formalités et lors des enquêtes qui accompagnent l'instruction, et sont tranchées par ce décret, aussi bien que les questions purement administratives (3).

157. Portée des divers moyens d'opposition. — La portée et la valeur des divers moyens d'opposition, qui ont beaucoup plus d'importance à l'égard des usines établies sur des cours d'eau non navigables ni flottables, seront examinées ciaprès à l'occasion de ces dernières. (Voir no 184.)

158. Arrêté préparatoire du préfet. —Le préfet, sauf

(1) Argument tiré de l'ordonnance du C. d'État, 14 déc. 1825 (Ricou).

(2) C. d'État, 2 mars 1832.

(3) C. d'État, 13 décembre 1833 (Vaillant); 29 août 1854 (Jobard): 11 janv. 1837 (Gayet).

l'application des règles ci-dessus exposées à l'égard des oppositions, termine la première phase de l'instruction par un arrêté préparatoire qui, en réalité, n'est qu'un simple avis sans aucun effet définitif jusqu'à la décision du chef même de l'État, mais qui, cependant, est notifié à toutes les parties intéressées, et autorise le pétitionnaire à exécuter immédiatement ses travaux, si cet arrêté est favorable.

Cet effet de l'arrêté préparatoire déjà admis sous l'empire des anciens principes n'est pas contestable en présence des dispositions précitées (no 152) du décret de 1852, qui élargissent si notablement les pouvoirs des préfets.

Mais en présence de cette autorisation toute provisoire, l'exécution n'a lieu qu'aux risques et périls du postulant, et n'empêche pas l'instruction de suivre librement son cours devant l'administration supérieure.

159. Instruction devant l'administration supérieure. — Décret impérial. — L'arrêté préfectoral renvoyé au ministre des travaux publics est, ainsi que toutes les pièces de l'instruction, l'objet d'un examen approfondi. Le postulant, si cet arrêté lui est contraire, peut le combattre en produisant, soit directement, soit par le ministère d'un avocat aux conseils, tous les arguments à l'appui de sa demande. Les tiers, de leur côté et par les mêmes voies, peuvent renouveler leurs oppositions. Le ministre demande au besoin de nouveaux renseignements au préfet ou aux agents de l'administration des ponts et chaussées. Enfin l'instruction étant complète et close, l'affaire est envoyée au conseil d'État, et un décret est rendu en la forme des règlements d'administration publique.

160. Recours du postulant contre le décret impérial. — Le décret impérial qui accorde à certaines conditions, ou refuse l'autorisation, est définitif à l'égard du pétitionnaire, excepté dans le cas où les formalités prescrites n'auraient pas été remplies (1). Sauf cette circonstance qui rendrait recevable un recours au conseil d'État dans les formes ordinaires, il ne peut l'attaquer par la voie contentieuse. (2) S'il se croit lésé dans ses droits ou sa propriété, il peut seulement, usant du recours ouvert par l'art. 40 du règlement du 22 juillet 1806, en matière non contentieuse, solliciter la réformation du décret par une requête adressée au chef de l'État qui, sur le rapport du ministre com

(1) C. d'État (de Capol c. Porion, 114 janv. 1851.

(2) C. d'Etat, 8 juin 1850 (Quénisset) (Jurisprudence constante).

pétent, renvoie l'affaire, s'il y a lieu, à un nouvel examen du conseil d'État.

161. Recours des tiers. Tierce opposition devant le conseil d'État.. Il en est autrement à l'égard des tiers dont les droits seraient atteints par l'autorisation même, ou par quelqu'une des conditions prescrites par l'administration. Ils peuvent, suivant les cas, se pourvoir, soit devant le conseil d'État par la voie contentieuse, soit même devant les tribunaux ordinaires, ainsi qu'il va être expliqué :

1o Les tiers peuvent former tierce opposition devant la section du contentieux du conseil d'État, quand ils n'ont pas été appelés à présenter leurs observations dans l'instruction; ils sont alors recevables à présenter devant le conseil d'État tous les moyens qui auraient pu être pris en considération dans l'instruction, s'ils y avaient figuré. Si, au contraire, ils ont été entendus dans l'enquête, les formes suivies sont considérées comme leur ayant présenté des garanties suffisantes (voir ci-dessus n° 156); ils n'ont plus de recours par la voie contentieuse, et il ne leur reste que le moyen peu efficace de la requête au chef de l'État, par la voie gracieuse dont il a été question ci-dessus (C. d'État, 13 février 1840 (Lissot).

162. Action devant les tribunaux civils — 2o Les tiers qui invoquent la violation d'un titre de propriété, ou en général de tout titre du droit civil, ont toujours et en tous cas, qu'ils aient été entendus ou non dans l'instruction, une action devant les tribunaux civils dont on déterminera plus loin les conditions et les effets (voir no 200).

163. Caractère de l'autorisation. Dispense d'autorisation pour les usines antérieures à 1566. Il n'y a d'autorisation ou concession régulière pour les usines situées sur des cours d'eau, navigables ou flottables, que celles qui émanent du chef de l'État, seul investi de la garde du domaine public dont les cours d'eau font partie. Ces autorisations ou concessions peuvent être valablement intervenues sous l'empire des lois anciennes comme sous l'influence de la législation actuelle. Toutefois, il y a lieu, quant à leur effet, d'établir une distinction importante, d'après l'époque à laquelle elles se rapportent. Aux termes de l'édit de 1683, qui a prohibé d'une manière absolue l'aliénation du domaine de la couronne, les concessions antérieures au 1er avril 1566 sont de véritables titres de propriété, et comme tels incommutables (voir les conséquences de ce principe, no 167); celles postérieures à cette date, qu'elles

soient d'ailleurs intervenues avant ou après l'abolition du régime féodal, ne sont que des permissions susceptibles d'être retirées ou modifiées suivant les besoins de la navigation, comme on l'expliquera plus loin (voir no 165).

A défaut d'autorisation, l'existence des usines sur un cours d'eau navigable ou flottable est irrégulière. Quelle que soit la tolérance dont l'administration ait usé jusqu'alors, elle peut toujours en ordonner la démolition. L'origine immémoriale de l'établissement ne saurait suppléer à l'autorisation, si ce n'est dans le cas unique où cette origine serait antérieure au 1er avril 1566. Cette exception au principe général résulte de l'ordonnance de 1668, confirmée par l'édit de 1683, et portant que ceux qui n'auraient pas d'acte de concession émané d'un des rois de France ne seraient maintenus dans leurs établissements que s'ils pouvaient justifier d'une possession remontant au moins à la date précitée.

Cette disposition est demeurée en pleine vigueur, bien que l'application en devienne de plus en plus difficile; c'est d'ailleurs à celui qui invoque cette ancienne possession à en administrer la preuve, qui peut résulter de tous actes quelconques établissant en fait l'existence de l'usine avant 1566 aux lieux mêmes où elle subsiste encore (1).

164. Obligation d'effectuer les travaux dans le délai fixé. Procès-verbal de récolement. Sauf le cas exceptionnel où l'ancienne possession dispense de l'autorisation expresse, le décret ou arrêté portant autorisation énumère en détail les conditions auxquelles cette autorisation est subordonnée, et dont l'ensemble constitue le règlement de l'usine. Il fixe en outre un délai dans lequel les travaux nécessaires doivent être effectués à peine de déchéance.

A l'expiration du délai, l'ingénieur ordinaire de l'arrondissement visite les lieux et constate dans un procès-verbal de récolement dressé aux frais du concessionnaire si les travaux sont opérés conformément aux règles prescrites. En cas d'affirmative, l'autorisation est définitivement acquise. Si, au contraire, il résulte du rapport de l'ingénieur que l'usinier ne s'est pas conformé aux prescriptions administratives dans le temps fixé, l'au

(1) Un arrêt de cassation du 21 mai 1855 (meuniers de Vernon), vient de décider que c'est à l'autorité judiciaire et non à l'autorité administrative qu'il appartient de décider si l'établissement d'une usine est antérieur à 1566, et si, par suite, sa suppression donne lieu à indemnité (no 167). (Gazette des Tribunaux du 22 mai 1855).

torisation est révoquée; l'administration supérieure ordonne que le régime des eaux sera rétabli tel qu'il était auparavant, aux frais du propriétaire négligent, et recouvre la faculté de faire droit à une autre demande.

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Régime des usines autorisées sur les cours d'eau navigables.

SOMMAIRE.

165. Effets de l'autorisation définitive subordonnés aux besoins de la - 166. Principe de non-indemnité. -167. Exceptions

navigation.

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au principe de non-indemnité. — 168. Base du calcul de l'indemnité. - 169. Juridiction compétente pour régler l'indemnité. 170. De l'inexécution des conditions et des innovations importantes. - 171. Des réparations. Autorisation du préfet. — 172. De l'abandon d'une usine. 173. Destruction sans indemnité des usines non autorisées. 174. Suppression pour inexécution des conditions. Recours.175. Infractions constituant des contraventions de grande voirie. 176. Pénalités. Modération des peines par le chef de l'État. 177. Responsabilité civile à l'égard des amendes. — 178. Prescription.

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165. Effets de l'autorisation définitive subordonnés aux besoins de la navigation.— L'autorisation sanctionnée par le procès-verbal de récolement constitue au profit de l'usinier un véritable titre, en ce sens que la concession ne peut plus être arbitrairement retirée, tant que le concessionnaire observe les conditions prescrites (voir pour le cas d'inexécution des conditions, n° 174). Toutefois cette concession n'a rien de commun avec une cession de propriété, et l'intérêt public qui, en matière de cours d'eau navigables, domine tous les autres intérêts et ne peut jamais être abandonné par le Gouvernement, autorise toutes les mesures que les besoins de la navigation réclament. Ainsi l'autorisation ne fait pas obstacle à ce que la modification des ouvrages, la suspension des travaux, même la suppression totale et définitive de l'usine, soient ordonnées pour le service de la navigation. Ces mesures sont prises par arrêtés préfectoraux, qui peuvent être l'objet d'un recours administratif devant le ministre, mais non d'un recours par la voie contentieuse devant le conseil d'État, excepté en cas d'excès de pouvoir (1).

166. Principe de non-indemnité en cas de suppression.- En application de ces principes, toutes les ordonnances qui autorisent des usines à eau portent cette réserve qu'il ne pourra jamais être réclamé d'indemnité à raison des disposi

(1) C. d'État, 19 mars 1840; 27 nov. 1844; 18 avril 1845; 25 déc. 1845, etc.

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