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tions que le Gouvernement jugerait à propos de faire pour l'avantage de la navigation, du commerce et de l'industrie, même dans le cas de démolition (1).

Du reste, que cette clause soit insérée ou non dans les ordonnances d'autorisation, la jurisprudence a décidé que l'administration conserve à l'égard des cours d'eau navigables ou flottables la faculté de pourvoir librement à l'intérêt public, et qu'en conséquence les mesures prises dans ce but ne sauraient donner hieu à aucune indemnité au profit des concessionnaires dépossédés (2).

167. Exceptions au principe de non-indemnité. — Cependant ce principe reçoit plusieurs exceptions, et une indemnité est due :

1o Au cas où il serait justifié, par le propriétaire d'une usine de l'existence régulière de l'établissement antérieurement à 1566 (no 163 et la note 1). C'est la conséquence du droit définitif reconnu à ces usines anciennes par l'édit de 1683 (3);

2o Au cas où par un acte de vente nationale, il y a eu affectation spéciale d'une force motrice à une usine postérieure à 1566; une telle clause engage la garantie de l'État, et le rend responsable de la perte de la chose stipulée (4) ;

3o Au cas où la concession, même d'origine moderne, n'aurait été accordée qu'à titre onéreux et sous la condition de sommes versées à l'Etat (5).

168. Base du calcul de l'indemnité. En cas d'existence ancienne de l'usine, l'indemnité à accorder au propriétaire doit être calculée d'après la force motrice de l'usine, telle qu'elle était en 1566 (6), sans avoir égard aux augmentations qu'elle pourrait avoir reçues depuis ; mais, la consistance originaire de la force motrice étant ainsi déterminée, c'est l'état et la valeur actuelle de l'usine fonctionnant au moyen de cette force

(1) C. d'État, 15 mars 1826 (Gautier).

(2) C. d'État, 19 mars 1840 (Conqueret (Jurisprudence constante). dault de Buffon, Traité des usines, t. 1, p. 348.

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(3) C. d'Etat, 30 mars 1846 (de Boisset); 29 juillet 1846 (Monard); 5 sept. 1846 (Morlet); 15 déc. 1846 (Jouvin). — Voir Nadault de Buffon, t. 1, p. 348; Daviel,

t. 1, n. 356.

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(4) C. d'État, 22 mars 1841; 16 mars 1842; 5 déc. 1846 (Peyrousse).

(5) Avis du ministre des travaux publics du 14 janv. 1839 (Lebon, Arrêts du con

seil, 1839, p. 50); Nadault de Buffon, t. 1, p. 348.

(6) Dans les cas prévus au n. 167, 2o et 3°, c'est au moment de la concession du droit par l'État qu'il faut s'attacher.

non augmentée en elle-même, bien que mieux utilisée, qui doit être la base de l'indemnité. Tel est le principe que le conseil d'État a très-nettement établi, contrairement à l'avis du ministre des travaux publics qui soutenait que c'était l'état même de l'usine en 1566 qu'il fallait seul prendre en considération, sans tenir compte des améliorations permises par lesquelles le propriétaire avait tiré un plus grand parti de la force motrice, sans la modifier elle-même (1).

Quand la suppression, altération ou chômage de l'usine, sont le résultat de travaux publics effectués dans un autre intérêt que celui de la police des cours d'eau et de la navigation, comme la construction d'un quai pour l'embellissement d'une ville, l'indemnité est due pour toute usine régulièrement existante (voir à ce sujet no 188).

169, Juridiction compétente pour régler l'indemnité. — D'après la jurisprudence constante du conseil d'État, les demandes en indemnité doivent être portées devant le conseil de préfecture en première instance, et en appel devant le conseil d'État.

C'est la conséquence de ce principe proclamé par le conseil d'Etat (mais contesté par la Cour de cassation), que les actes de concession qui forment les titres des propriétaires d'usines sur les cours d'eau navigables doivent être considérés comme des actes administratifs, dont l'appréciation ne peut appartenir qu'à la juridiction administrative (2). Ajoutons même que, si le sens des actes émanés du pouvoir souverain et invoqués par les réclamants était contesté, le conseil de préfecture devrait surseoir à statuer jusqu'à ce que l'interprétation de ces actes eût été donnée par la section contentieuse du conseil d'État (voir cependant no 163, note 1).

170. De l'inexécution des conditions et des innovations importantes. Nous examinerons en détail, au sujet des usines sur les cours d'eau non navigables, les effets de l'autorisation accordée, en ce qui concerne les conditions que le concessionnaire doit remplir pour en conserver le bénéfice (voir n° 193), et en ce qui concerne les droits des tiers (no 200). Les mêmes règles sont en général sur ces divers points applicables aux deux catégories d'usines.

On verra que l'autorisation peut être retirée, à défaut par

(1) C. d'État, 25 janvier 1851 (Boin).

(2) C. d'État, 17 mai et 3 sept. 1844.-Contrà, C. cass., 21 mai 1855.

l'usinier de se soumettre aux conditions prescrites (n° 193); qu'il ne peut, sans solliciter une autorisation nouvelle et dans les mêmes formes que la première, ni changer son établissement de place, ni même y faire quelque innovation importante (Inst. du 19 thermidor an vi (no 194); que la reconstruction d'une usine détruite exige généralement une nouvelle autorisation, à la différence des simples réparations (no 198).

171. Des réparations. Autorisation du préfet.Toutefois, la distinction entre les réparations proprement dites et les innovations importantes, étant souvent difficile à établir, et l'usinier, qui prend sur lui d'effectuer les premières, agissant toujours à ses risques et périls, la prudence conseille de ne se livrer à des réparations de quelque étendue qu'après s'être fait autoriser. Cette précaution, d'une grande difficulté pratique sous l'empire de la législation précédente, qui nécessitait, en pareil cas, l'obtention d'un décret en conseil d'État comme pour une concession, nous semble devenue fort simple en présence du décret du 25 mars 1852. A notre avis la faculté accordée aux préfets d'autoriser sur les rivières navigables les ouvrages qui n'altèrent pas sensiblement le régime des eaux entraîne incontestablement celle d'autoriser valablement tous les travaux ayant le caractère de réparations même considérables.

172. De l'abandon d'une usine. Ajoutons, relativement aux conséquences de l'abandon d'une usine, qu'aucune disposition du droit actuel n'a reproduit la règle de l'ancien droit d'après laquelle l'abandon d'un moulin ou autre établissement sur un cours d'eau navigable, pendant dix ans, entraînait la nécessité d'une concession nouvelle (1), et qu'il en est par conséquent, à cet égard, comme pour les usines sur les cours d'eau non navigables (no 199).

173. Destruction sans indemnité des usines non autorisées. L'administration est armée des moyens les plus efficaces pour assurer l'exécution des règlements relatifs aux usines sur les cours d'eau navigables ou flottables:

1° Toute usine dont l'existence, postérieure à 1566, n'est point autorisée, peut être détruite par ordre du préfet du département (Ordonnance de 1669, art. 43; Arrêté du 19 ventôse an vi, art. 4 et 5). Cette mesure peut être mise à exécution sans autre

(1) Voir Daviel, Législation des cours d'eau, t. 1, n. !92.

motif que l'irrégularité de l'existence de l'établissement, quelle que soit la longue tolérance dont il ait été l'objet jusqu'alors (1). Il est d'ailleurs de principe qu'aucune indemnité ne peut être en aucun cas réclamée au profit d'une usine non régulièrement existante (2), et qu'aucune opposition à l'établissement d'un ouvrage quelconque de nature à nuire au propriétaire d'une telle usine n'est recevable de la part de ce propriétaire (3).

Tout propriétaire d'usine non autorisée a donc le plus grand intérêt à solliciter la régularisation de sa position au moyen d'une demande d'autorisation formée et suivie de la même manière que s'il s'agissait de la création d'un établissement nouveau (no 153).

174. Suppression pour inexécution des conditions. -Recours. 2o Les usines autorisées, à défaut d'exécution des conditions prescrites par l'ordonnance d'autorisation, peuvent être supprimées aussi bien que les usines sans existence légale. Si l'infraction au règlement de l'établissement consiste dans l'adjonction d'ouvrages non autorisés, la destruction de ces ouvrages peut être ordonnée. L'une et l'autre mesure peut être prise sur le rapport des agents de l'administration, soit par le ministre des travaux publics que l'ordonnance d'autorisation charge toujours, d'une manière expresse, de veiller à son exécution, soit par le préfet en vertu des pouvoirs de police qui lu appartiennent en matière de grande voirie. La partie a droit de recourir au ministre contre la décision du préfet, et au conseil d'État contre la décision du ministre.

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175. Infractions constituant des contraventions de grande voirie. 3o Indépendamment des mesures que peut prendre ou ne pas prendre à son gré l'administration active, toutes infractions aux lois et règlements concernant les cours d'eau navigables et flottables, et, par suite, les usines situées sur ces cours d'eau, sont punies comme contraventions de grande voirie. Ces contraventions sont constatées par les agents des ponts et chaussées et de la navigation, les maires, adjoints, gardes champêtres. Elles sont déférées au conseil de préfecture investi par la loi du 29 floréal an x, art. 1er, de la connaissance des contraventions en matière de grande voirie, et

(1) C. d'État, 23 avril 1836 (Vigule).
(2) C. d'État, 7 janv. 1842 (Piard).
(5) C. d'État, 7 mai 1823 (Pouguet).

spécialement des entreprises sur les fleuves et rivières navigables.

176. Pénalités.–Modération des peines par le chef de l'État seul. Les peines à appliquer sont, d'après l'arrêt du conseil du 24 juin 1777 : 1o une amende de 1,000 livres ou de 500 livres, suivant qu'il s'agit d'ouvrages non autorisés, ou de simples obstacles au libre découlement des eaux; amende qui, d'après la loi du 23 mars 1842, peut être réduite jusqu'au vingtième; 2o la démolition immédiate des ouvrages d'où résulte la contravention.

Du moment où la contravention est constante, c'est-à-dire où il est prouvé que, soit l'usine elle-même, soit tel ou tel ouvrage particulier, existe sans autorisation, l'une et l'autre peine doit être intégralement prononcée, par le conseil de préfecture qui statue comme tribunal, et n'apprécie pas comme administrateur. Le conseil d'État réforme constamment les décisions des conseils de préfecture qui, en vue du peu de gravité de la contravention, abaissent le taux de l'amende au-dessous du minimum, ou ajournent la démolition des ouvrages (1). Mais hâtons-nous d'ajouter que le droit refusé au conseil de préfecture appartient à l'Empereur en son conseil, et que, en conséquence de ce principe, la partie peut obtenir la modération de la peine en formant un recours au conseil d'État par la voie contentieuse.

177. Responsabilité civile à l'égard des amendes. --Quoique les peines soient en principe personnelles, c'est-àdire qu'elles ne doivent être supportées que par celui qui a commis l'infraction, cette règle reçoit exception à l'égard des amendes prononcées pour contraventions, parce que ces amendes sont considérées comme une réparation civile du dommage causé par la contravention. Il en résulte que l'amende encourue par suite du fait d'un serviteur à gages, d'un garde moulin, par exemple, peut être exigée du propriétaire ou meunier de l'usine, civilement responsable des faits de son subor donné (2).

178. Prescription.

La prescription d'un an établie par l'art. 640, Cod. inst. crim., est, d'après une jurisprudence désormais constante (3), applicable aux contraventions dont il

(1) C. d'État, 6 mai 1836; 21 mai 1852 (Didier); 13 avril 1855 (Benassit). (Jurisprudence constante.)

(2) C. d'Etat, 13 août 1852 (Messageries).

(3) C. d'Etat, 25 janv. 1858 (Compagnie des riverains de la Loire).

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