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s'agit. Aucune peine, ni aucune reparation civile, ne peuvent être prononcées pour faits antérieurs de plus d'un an à la décision du conseil de préfecture; mais il ne faut pas perdre de vue que, tant que les ouvrages non autorisés subsistent, la contravention se perpétue, et la prescription ne peut courir.

S II.

Usines sur les cours d'eau non navigables ni flottables.

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De l'autorisation et des formalités qui y sont relatives.
SOMMAIRE.

179. Nécessité d'une autorisation qui est conférée par le préfet. 180. Formalités de la demande et de l'instruction. 181. Caractère purement administratif de l'arrêté préfectoral. Recours pour excès de pouvoir. 182. Recours au ministre des travaux publics,-183. Tierce opposition. 184. Moyens à l'appui des oppositions ou recours.185. Autorisation implicite résultant de l'existence antérieure à 1790 ou d'un acte de vente nationale. - 186. Conséquences de l'absence ou du refus d'autorisation.

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179. Nécessité d'une autorisation qui est conférée par le préfet. -Sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans aucune discussion théorique sur la propriété des rivières non navigables ni flottables (1), il faut reconnaître que la police de ces cours d'eau appartient incontestablement à l'administration. Il résulte de là, aux termes des lois du 20 août 1790, ch. VI, et 6 octobre 1791, art. 16, que même sur les petites rivières et ruisseaux le droit des propriétaires riverains de mettre à profit les pentes et chutes d'eau pour y établir des usines est subordonné à une autorisation administrative (2). Cette autorisation, d'après le décret précité du 25 mars 1852 (no 152), est aujourd'hui accordée par le préfet, aussi bien pour les usines et autres établissements permanents situés sur les cours d'eau non navigables ni flottables, que pour les établissements temporaires sur les rivières même navigables.

180. Formalités de la demande et de l'instruction. -L'art. 4 du décret maintient expressément l'application des règles existantes pour l'instruction de la demande en autorisation. Elle devra donc être présentée et suivie dans les formes qui ont été tracées ci-dessus (no 153); seulement, l'instruction sera

(1) On peut voir sur cette grave question le résumé des divers systèmes présenté par Dalloz, vo Eaux, n. 208-245.

(2) C. d'État, 23 août 1836 (Frévin); 21 déc. 1837; 14 fev. 1853.

close et l'affaire terminée par l'arrêté du préfet qui, au lieu d'être simplement préparatoire, a désormais le caractère de décision définitive.

181. Caractère purement administratif de l'ar■ rêté préfectoral. — Recours pour excès de pouvoir. -L'arrêté préfectoral pour les cours d'eau non navigables, aussi bien que le décret impérial à l'égard des cours d'eau navigables, a le caractère d'une mesure purement administrative; il n'est pas, par conséquent, susceptible d'être attaqué par la voie contentieuse, pourvu que le préfet n'ait pas excédé ses pouvoirs, et ait observé les formes prescrites.

L'arrêté du préfet pourrait être directement déféré au conseil d'État par la voie contentieuse, suivant un principe appliqué en toute matière, s'il était entaché d'excès de pouvoir. Il en serait ainsi, par exemple, si le préfet avait opéré sans faire procéder aux enquêtes; mais il n'en serait pas de même si, après l'instruction régulièrement faite, l'administration modifiait les conditions de l'autorisation ou en ajoutait de nouvelles sans faire procéder à une nouvelle enquête (1).

Il y aurait empiétement sur les attributions de l'autorité judiciaire et excès de pouvoir, dans toute disposition d'un arrêté d'autorisation qui aurait pour objet unique de faire cesser une contestation particulière, attendu que les préfets n'ont le droit de régler le régime des moulins et usines établis sur les cours d'eau que dans un but de police et d'utilité générale (2).

182. Recours au ministre des travaux publics.— Quand l'arrêté du préfet est régulier, il peut néanmoins être déféré au ministre des travaux publics, conformément à cette règle générale en matière administrative, que le supérieur hiérarchique peut toujours, sauf exceptions formellement spécifiées, réformer les actes de son subordonné. Ce recours est d'ailleurs consacré expressément par l'art. 6 du décret de 1852, d'après lequel les actes des préfets qui seraient contraires aux lois et règlements, ou qui donneraient lieu aux réclamations des parties intéressées, pourront être annulés ou réformés par les ministres compétents; mais il résulte du caractère administratif et non contentieux de l'acte en question que la décision du ministre ne saurait être à son tour déférée au conseil d'État (3).

(1) C. d'État, 6 mai 1853 (Couleaux). (2) C. d'État, 24 mai 1854 (Hallez).

(3) C. d'État, 4 mai 1854 (Appay et consorts); 14 juin 1852 (Duchesne).

Le ministre des travaux publics, saisi par le recours du pétitionnaire ou des tiers intéressés, examine à nouveau l'affaire, prend auprès du préfet tous les renseignements, fait procéder, s'il y a lieu, à une nouvelle information, et décide, après avis du conseil général des ponts et chaussées, soit en maintenant, soit en modifiant, soit en réformant l'arrêté du préfet.

Nous ne saurions trop recommander ce recours, nouveau dans la matière, à toute l'attention des parties intéressées. Il est d'autant plus utile et efficace, que le ministre des travaux publics, auquel aboutissaient antérieurement toutes les demandes d'autorisation d'usine, possède tous les éléments désirables pour remédier aux erreurs que pourraient commettre les préfets. Seul, d'ailleurs, il remplace les garanties désormais supprimées qui résultaient de l'intervention nécessaire du ministre et du conseil d'État.

183. Tierce opposition. Le recours devant le ministre est ouvert, non-seulement au postulant, mais aux tiers intéressés dont les oppositions n'auraient pas été accueillies par le préfet, ou même qui n'auraient pas paru dans l'instruction. Ces derniers auraient en outre la faculté de former tierce opposition, soit à la décision du préfet, soit à celle du ministre, qui aurait accordé l'autorisation.

184. Moyens à l'appui des oppositions et recours. — Tous les motifs puisés, soit dans des droits préexistants, soit dans des intérêts privés menacés, peuvent être présentés comme moyens d'opposition, de recours au ministre ou de tierce opposition, sauf ceux tirés des inconvénients de la concurrence (1). On invoque habituellement le préjudice que la nouvelle usine peut causer ou à des propriétés voisines que la retenue d'eau exposerait à l'inondation, ou à des usines antérieurement établies dont la force motrice se trouverait diminuée.

185. Autorisation implicite résultant de l'existence antérieure à 1790 ou d'un acte de vente nationale. -Sont réputés titres légitimes à l'égard des usines sur les cours d'eau non navigables ni flottables les actes de vente nationale portant cession d'usines faite par l'Etat à des particuliers (2). Il en est de même de toutes les autorisations émanées des anciens seigneurs, considérés à la fois, et comme les représentants de la puissance publique, et généralement comme les

(1) C. d'État, 5 janv. 1813 (Seuly).

(2) C. d'Etat, 18 juin 1852 (Roussille).

propriétaires des cours d'eau non navigables ni flottables dans l'étendue de leurs fiefs (1). A défaut de titres formels obtenus, soit des seigneurs avant 1789, soit du chef de l'État jusqu'en 1852, soit du préfet du département depuis cette dernière époque, on considère comme équivalente à une autorisation tacite l'existence des usines dont il s'agit pendant le temps nécessaire pour prescrire (2) antérieurement à 1790. Ce principe, qui découle naturellement de la faculté qu'avait chaque particulier d'acquérir par prescription contre les anciens seigneurs les droits sur les petits cours d'eau, résulte d'ailleurs implicitement de la loi des 15-28 mars 1790, qui place les moulins sous la sauvegarde de la loi. Il est admis sans difficulté par la doctrine (3), la jurisprudence (4) et la pratique administrative la plus constante.

Il va de soi que les changements qui auraient été apportés à l'état des usines, et qui en auraient augmenté la force motrice avant l'abolition du régime féodal, sont protégés par les mêmes principes (5).

D'après la jurisprudence du conseil d'État, c'est à l'autorité administrative, à l'exclusion de l'autorité judiciaire, qu'il appartient de rechercher et de décider si l'existence des usines, en vertu d'une autorisation expresse, ou de l'autorisation tacite qui résulte d'une origine ancienne, est régulière et légale (6).

186. Conséquences de l'absence ou du refus d'autorisation.—1o Les usines qui ne sont ni autorisées ni antérieures à 1790, soit qu'il n'y ait pas eu demande, soit qu'il y ait eu refus d'autorisation, n'ont pas d'existence légale. Elles peuvent être supprimées par ordre du préfet, nonobstant leur ancienneté, sans aucune indemnité (7) (voir ci-dessus, no 173). Les propriétaires d'usines dont la situation n'est pas régulière doivent donc, quelle que soit la tolérance dont ils aient profité jusqu'à pré

(1) C. cass., 19 juillet 1830 (Buyer), et 22 ventôse an x. Voir aussi Merlin, Quest, de droit, yo Cours d'eau, § 1,

(2) C. d'État, 18 juin 1852.

(3) Proudhon, Domaine public, t. 3, n. 1165 ;'Garnier, Régime des eaux, n. 193 et suiv.; Daviel, n. 610.

(4) Arrêts de Caen, 19 août 1837 et 19 janv. 1838, cités par Dalloz, v• Eaux, n. 573, 7o, et par Nadault de Buffon, t. 2, p. 314. C. d'Etat, 15 mars 1844 (GlaisBizoin).

(5) C. d'État, 18 juin 1852.

(6) C. d'Etat, 24 juillet 1853 (Brest).-Mais voir arrêt de Cass. du 21 mai 1855. (7) C. d'État, 23 déc. 1842 (Honnoret).-Voir la loi du 16 sept. 1807.

sent, se hâter de se mettre en règle en sollicitant une autorisation.

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Régime des usines autorisées dans leurs rapports avec l'administration.

SOMMAIRE.

187. L'autorisation ne met pas obstacle aux mesures pour la police des cours d'eau. Principe de non-indemnité. - 188. Ce principe inapplicable aux mesures étrangères à la police des cours d'eau.-189. De la clause de renonciation à l'indemnité. - 190. Clause de non-indemnité postérieure à l'autorisation originaire. Excès de pouvoir. —191. Éléments de l'indemnité. — 192. Juridiction compétente pour statuer sur l'indemnité.193. Inexécution des conditions. Retrait d'autorisation. 194. Interdiction des innovations importantes.-195. Du droit d'interdiction préventive.-196. Changement de destination de l'usine.-197. Réparations non autorisées, aux risques et périls de l'usinier. 198. De la reconstruction d'une usine détruite. - 199. De l'interruption du travail d'une usine.

187. L'autorisation ne met pas obstacle aux mesures pour la police des cours d'eau. — Principe de non-indemnité. L'usine régulièrement existante en vertu, soit d'une autorisation, soit d'une possession ancienne, reste soumise, sous de nombreux rapports, à la surveillance et à l'action incessante de l'autorité administrative.

L'autorisation, pas plus à l'égard des petits cours d'eau qu'à l'égard des rivières navigables, ne confère un droit de propriété au concessionnaire. C'est, à proprement parler, et comme l'expriment un grand nombre d'arrêts du conseil d'État, une permission accordée sous les rapports de police (1), qui ne peut, sans doute, être retirée arbitrairement (no 165), mais qui ne met pas obstacle à ce que l'administration prenne ultérieurement toutes les mesures qui peuvent devenir nécessaires dans l'intérêt de la police des eaux. A ce point de vue, l'administration n'est point enchaînée par ses propres actes; elle peut, quand le besoin s'en fait sentir pour la bonne direction et la conservation des eaux, modifier ou remplacer les mesures précédemment prises dans ce but, sans que les usiniers soient en droit de s'en plaindre, quelque préjudice, d'ailleurs, qu'ils en éprouvent. Ni la longue possession, ni des titres antérieurs à 1790, ni les autorisations récentes les plus

(1) C. d'État, 24 oct. 1834 (Billion); 4 juillet 1833 (de Félix), etc...

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