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double et notable préjudice. Il les prive d'eau totalement pendant tout le temps que s'opère la retenue complète; puis, au moment où les eaux longtemps captives reprennent leur cours, elles se précipitent avec une violence qui peut dégrader les berges et ébranler le mécanisme des usines inférieures.

Les tiers lésés sont alors recevables à faire ordonner par les tribunaux la cessation de l'abus de jouissance, et à réclamer des dommages-intérêts (1).

La marche par éclusées, contraire au droit commun, ne peut avoir lieu qu'avec autorisation particulière dans le cas où elle est nécessaire pour utiliser un cours d'eau ou trop faible, ou trop lent, s'il est laissé à lui-même.

207. Contraventions de la compétence du tribunal de simple police.— Chose jugée. — Les tribunaux ne sont pas seulement compétents pour prononcer des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé aux particuliers. Ils connaissent, en outre, des contraventions résultant de toute infraction quelconque aux dispositions prescrites par l'administration pour la construction ou l'exploitation de l'usine.

Le tribunal de simple police fait, en pareil cas, l'application de l'art. 471 du Code pénal, qui punit les contraventions aux règlements administratifs (voir no 79).

Les peines qui peuvent être prononcées en vertu de l'art. 471, no 15, ont été énumérées au no 83. Les principes que nous y avons exposés sont exactement applicables au cas actuel.

Le jugement qui ordonne la suppression des vannes d'un moulin à défaut d'autorisation, ne fait pas obstacle à ce que l'usinier s'adresse au préfet pour faire régulariser l'existence de l'usine et obtenir le rétablissement du barrage (2).

CHAPITRE III.

Industries non classées, réglementées sous divers rapports de police,

208. Division du chapitre. Nous comprenons dans ce chapitre les industries qui, à raison de leur influence directe, soit sur l'ordre et la sécurité publique, soit sur la subsi

(1) Voir M. Daviel, t. 2, p. 233, et arrêt de Caen du 30 nov. 1827 (Lemarrois). (2) C. d'État, avril 1855 (Scharff c. Wendel).

stance et la santé des citoyens, soit sur la fortune des particuliers ou la fortune publique, ont été l'objet de règlements spéciaux; nous les classons d'après ces trois points de vue en trois paragraphes distincts.

SI.

Industries relatives à la presse.

IMPRIMEURS, LIBRAIRES - ÉDITEURS, FONDEURS EN CARACTÈRES, ETC. LEGISLATION. Loi du 6 prairial an vi (Timbre).-Décret du 5 février 1810 (Police de la librairie et de l'imprimerie).-Décrets du 2 février 1811, 11 juillet 1812 (Brevets).—Loi du 21 octobre 1814 (Police de la presse).—Lois du 28 avril 1816 ; 15 mai 1818 (Timbre).- Ordonnance du 8 octobre 1817 (Imprimeurs lithographes). -Lois du 17 mai 1819; 9 juin 1819 (Presse, journaux).—Lois des 17 et 25 mars 1822; 18 juillet 1828 (Journaux).-Loi du 9 septembre 1835 (Presse, journaux). -Loi du 27 juillet 1849, art. 7.-Décret du 17 février 1852 (Police de la presse. -Timbre).-Décret du 22 mars 1852 (Imprimeurs en taille-douce. Petites presses). -Décret du 28 mars 1852 (Timbre).

209. Les industries se rattachant à la presse sont réglementées. Des raisons de haute politique et de sûreté générale ont fait soumettre à des conditions particulières et soustraire au principe de la liberté industrielle l'exercice des industries qui se rattachent à la presse, c'est-à-dire à la fabrication et à la publication des ouvrages imprimés. Ces industries sont celles des imprimeurs, des libraires, des fondeurs de caractères et fabricants de presses.

Art. 1er. Conditions générales de l'exercice de la profession

d'imprimeur,

SOMMAIRE.

210. Brevet et prestation de serment exigés pour l'imprimerie en tous genres. - 211. Le brevet est spécial à un seul établissement et à un seul lieu.. 212. De la personnalité du brevet. — 213. Prohibition d'exploiter sous le nom d'un breveté.214. De la clandestinité de l'imprimerie. 215. Du retrait du brevet en cas de contravention.216. Limitation du nombre des imprimeurs. - 216, Droit de l'imprimeur de refuser ses presses.

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210. Brevet et prestation de serment exigés pour l'imprimerie en tous genres. Nul ne peut ouvrir une imprimerie, s'il n'obtient un brevet du ministère de l'intérieur en justifiant de sa capacité et de sa moralité (1), et s'il ne prête

(1) Loi du 21 oct. 1814, art. 11, et décret du 5 fév. 1810, art. 7, et ordonnance

en outre le serment de ne rien imprimer contrairement aux lois (1).

Le brevet doit être enregistré au greffe du tribunal civil de la résidence de l'impétrant, qui prête serment devant le même tribunal (2).

Ces obligations ont été étendues aux imprimeurs lithographes par l'ordonnance du 8 octobre 1817 (3), et aux imprimeurs en taille douce par le décret du 22 mars 1852.

211. Le brevet est spécial à un seul établissement et à un seul lieu. - Le brevet ne peut couvrir qu'un seul et unique établissement, et il est défendu aux imprimeurs de travailler ou faire travailler ailleurs que dans les maisons où ils demeurent (4). Délivré pour un lieu déterminé, il est sans effet partout ailleurs, et le titulaire est punissable, s'il transporte son établissement d'une ville dans une autre, ou s'il établit, sans nouveau brevet, une succursale hors du lieu de sa résidence (5). 212. De la personnalité du brevet. — Le brevet est personnel et ne peut être cédé, vendu, loué, en tout ou en partie, sans l'agrément du Gouvernement, ni donné en nantissement (6), ni être transmis de plein droit par succession (7), sauf au Gouvernement à avoir pour les familles des égards particuliers (art. 8 du décret de 1810). La décision ministérielle refusant à l'héritier du titulaire la continuation du brevet ne serait susceptible d'aucun recours par la voie contentieuse. Ce principe ne reçoit exception qu'à l'égard de la veuve non remariée, qui peut continuer, sans nouveau brevet, l'exploitation de l'industrie de son mari, en vertu de l'art. 55 du règlement du 23 février 1723 demeuré en vigueur sur ce point (8).

213. Prohibition d'exploiter sous le nom d'un im.

du 6 avril 1834. Le décret du 22 mars 1852, qui attribuait la délivrance des brevets au ministre de la police générale, est devenu sans objet à cet égard par la suppression de ce ministère.

(1) Art. 14 de la loi de 1814; art. 9 du décret du 5 fév. 1810.

(2) Art. 9 du décret de 1810.

(3) Arrêt de Montpellier du 1er février 1847.

(4) Bories et Bonnassies, Diction, pratique de la presse, vo Imprimeur, n. 59. — Voir déclaration du 10 mai 1728, art. 15.

(5) Voir Parant, Lois de la presse, p. 36; Chassan, Traité des délits de la presse, p. 429.-Arrêt de Nîmes, 31 janvier 1850 (Cheynet).

(6) Paris, 9 janvier 1843 (Dalloz, 43.2.77),

(7) C. d'État, 1er août 1837 (Barrière).-V. de Grattier, Lois de la presse, t. I, p. 39. (8) C. cass., 9 juin 1827 (veuve Lebel).-V. Parant, p. 36.

primeur breveté. Le principe de la personnalité du brevet a pour conséquence la prohibition d'exploiter des presses placées dans les ateliers d'un imprimeur breveté et sous sa responsabilité, mais employées en réalité par leurs propriétaires sans le concours effectif du titulaire. La difficulté consiste à distinguer en fait s'il y a association de plusieurs individus pour l'exploitation d'une même imprimerie brevetée au profit de l'un d'eux, association qui est parfaitement licite, ou s'il s'agit au contraire d'une combinaison frauduleuse par laquelle le titulaire, réduit au rôle de simple prête-nom, couvre de son brevet des opérations distinctes et séparées des siennes. Il a été jugé qu'il n'y avait aucune contravention de la part du cessionnaire non encore breveté exploitant avec le concours du cédant (1), mais que la contravention existerait au contraire, si le cessionnaire était seul en réalité à la tête de l'imprimerie, ou si les presses fonctionnaient au profit et sous la direction d'individus autres que le titulaire (2).

Il a été jugé également que le propriétaire non breveté d'une presse lithographique était punissable, bien qu'il eût, moyennant certaines conventions, chargé un imprimeur breveté de la direction et de l'exploitation de cette presse (3).

214. De la clandestinité de l'imprimerie.-Application aux petites presses.- A défaut de brevet il y a clandestinité de l'imprimerie, délit prévu et puni par l'art. 13 de la loi du 21 octobre 1814, ainsi conçu: « Les imprimeries clandestines seront détruites, et les possesseurs et dépositaires punis d'une amende de 10,000 francs et d'un emprisonnement de six mois. >> Il résulte de cette disposition que la simple possession d'une imprimerie clandestine suffit pour entraîner contre le détenteur l'application des pénalités dont il s'agit, alors même qu'il n'en aurait été fait par lui aucun usage (4).

Le décret du 22 mars 1852 interdit, même pour les impressions privées, l'usage des presses de petite dimension, de quelque nature qu'elles soient, sans l'autorisation du ministre de la police (actuellement de l'intérieur) ou des préfets, sous les peines portées par l'art. 13 de la loi de 1814.

(1) C. cass., 30 août 1838; 19 juillet 1844; 10 juillet et 29 décembre 1846. (2) Arrêt des chambres réunies du 29 avril 1842; 15 fév. 1845; 11 oct. 1845. — Nimes, 31 janv. 1850,

(3) C. cass., 21 mai 1853 (Roche).- (Dalloz, 53, 5, 289),

(4) De Grattier, t. 1, p. 67, n. 2 ; Parant, n. 43; Chassan, t. 1, p. 430.

215. Du retrait du brevet en cas de contravention. Le brevet est donné à vie; mais il peut être retiré par le Gouvernement, d'après l'art. 12 de la loi du 21 octobre 1814, à tout imprimeur convaincu, par jugement, de contravention aux lois et règlements concernant spécialement l'imprimerie, et même de tout délit de presse en général (1). Néanmoins, d'après l'art. 8 de la loi du 18 juillet 1828, qui punit le défaut de signature des gérants de journaux, la contravention de l'imprimeur n'autorise pas en ce cas la révocation du brevet (2).

216. Limitation du nombre des imprimeurs. Le nombre des imprimeurs est limité dans chaque département, et cette limitation donne à leur industrie le caractère d'un véritable privilége. Toutefois, comme elle a pour principe un motif d'ordre public, et non pas l'intérêt privé des titulaires, il n'en résulte pas pour les imprimeurs en exercice le droit d'attaquer par la voie contentieuse une décision ministérielle portant concession d'un brevet au delà du nombre primitivement fixé (3). 217. Droit de l'imprimeur de refuser ses presses. De la limitation du nombre des imprimeurs, il ne résulte pas non plus que le ministère de l'imprimeur soit forcé, et que son droit privilégié ait pour conséquence l'obligation absolue d'imprimer tout ce qui lui est présenté. Une raison de haute moralité s'oppose à ce que l'imprimeur serve d'instrument passif et nécessaire à des publications qu'il aurait lieu de considérer comme funestes aux mœurs ou à l'ordre public. Cette liberté a toujours été proclamée par la jurisprudence (4). Cependant le refus de l'imprimeur ne doit pas être arbitraire, et les tribunaux peuvent apprécier la validité des raisons qu'il oppose, raisons qui ne seraient plus recevables, s'il prétendait revenir contre l'obligation par lui acceptée antérieurement de fournir ses presses (5).

(1) C. d'État, 6 janv. 1853 (Audiard); 22 mai 1851 (Boulé). (2) Voir Dict. pratique de la presse, vo Imprimeur, n. 53. (3) C. d'État, 14 mars 1834 (Saillot).

(4) Paris, 27 mars 1830 (Durand); Rouen, 1er avril 1850 (Mortureux); Dijon, 16 janv. 1839 (Consot); Angers, 2 janv. 1851 (Tausch).-Voir sur la question Bories et Bonnassies, Dict. pratique de la presse, v Imprimeur, n. 77, 78, 79. (5) Voir Morin, Répertoire du Droit criminel, vo Imprimerie, p. 193.

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