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SI.

Dispositions générales.-Des brevets.

effets.

De leurs objets et de leurs

310. Définition des brevets d'invention. - On appelle brevet d'invention un titre que toute personne, se prétendant inventeur, obtient du Gouvernement sur sa demande, à l'effet de s'assurer l'exploitation exclusive de son invention (art. 1 et 2). Le brevet, délivré sans examen, sans garantie (art. 2), ne confère par lui-même aucun droit de propriété, aucune preuve de la qualité d'inventeur qu'il ne met pas à l'abri des contestations. Il constitue seulement une prise de possession de cette qualité, fait utile en ce qu'il assure au breveté le rôle de défendeur en cas de contestation du brevet, et qui, d'ailleurs, si le breveté a droit au titre qu'il s'attribue, produit au fond les conséquences les plus importantes, comme on le verra ci-après (no 1).

Nous examinerons successivement quels sont les objets sur lesquels peuvent porter valablement les brevets, quelles sont les différentes espèces de brevets et leur durée, enfin quels sont les droits qui en résultent.

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· Objets susceptibles d'être brevetés et caractère des inventions brevetables.

SOMMAIRE.

311. Des objets susceptibles d'être brevetés. Principes généraux. — 312. Caractères essentiels des objets brevetables. 313. Ce qu'on entend par invention et découverte. 314. De la nouveauté.-345. De l'application à l'industrie et du caractère industriel. 316. Objets auxquels s'applique spécialement et limitativement le brevet. 317. Des produits industriels brevetables en eux-mêmes. 318. Des moyens brevetables: agens, organes, procédés. 319. D'où résulte la nouveauté des moyens. 320. Dans quel cas un système ou une méthode est brevetable. - 321. Des combinaisons industrielles dépourvues de tout organe extérieur. 322. A quelles conditions les formes peuvent être brevetées.-323. Les résultats, non brevetables en eux-mêmes. Distinction avec les produits.-324. Ce qui n'est que résultat à un point de vue peut devenir moyen à un autre.- 323. Un phénomène naturel n'est pas brevetable.-326. Étendue du droit privatif relativement aux moyens brevetés. 327. La connaissance purement scientifique d'un procédé n'exclue pas la nouveauté. . 328. De l'application nouvelle de moyens connus. 329. Du transport des moyens d'un objet à un autre analogue. 330. L'application nouvelle est brevetable, même quand le résultat n'est pas nouveau. 331. L'usage plus intelligent d'un procédé connu n'est pas breveta

ble.-332. Le peu d'importance d'une invention n'en exclut pas la brevetabilité. 333. Des objets non susceptibles en eux-mêmes d'être brevetés valablement.

311. Des objets susceptibles d'être brevetés. — Principes généraux. — La loi du 5 juillet 1844 définit, dans ses art. 1 et 2 qu'il faut rapprocher des art. 30 et 31, les objets qui peuvent être valablement brevetés. Elle énumère dans les art. 3 et 30 no 4 ceux qui, bien que réunissant les conditions requises par les articles précédents, ne sont cependant pas, par des motifs particuliers, susceptibles d'être brevetés.

<< Toute nouvelle découverte ou invention dans tous les genres d'industrie confère à son auteur, sous les conditions et pour le temps ci-après déterminés, le droit exclusif d'exploiter à son profit ladite découverte ou invention. Ce droit est constaté par des titres délivrés par le Gouvernement sous le nom de brerets d'invention » (art. 1er).

« Seront considérées comme inventions ou découvertes nouvelles : l'invention de nouveaux produits industriels, — l'invention de nouveaux moyens ou l'application nouvelle de moyens connus pour l'obtention d'un résultat ou d'un produit industriel» (art. 2). « Ne sera pas réputée nouvelle toute découverte, invention ou application qui, en France ou à l'étranger, et antérieurement à la date du dépôt de la demande, aura reçu une publicité suffisante pour pouvoir être exécutée » (art. 31).

« Ne sont pas susceptibles d'être brevetés: 1o Les compositions pharmaceutiques ou remèdes de toute espèce, lesdits objets demeurant soumis aux lois et règlements spéciaux sur la matière et notamment au décret du 18 août 1810, relatif aux remèdes secrets; 2° les plans et combinaisons de crédit ou de finances >> (art. 3).

Les brevets ne peuvent porter valablement sur des « principes, méthodes, systèmes, découvertes et conceptions théoriques ou purement scientifiques, dont on n'a pas indiqué les applications industrielles » (art. 30, n° 4).

312. Caractères essentiels des objets brevetables. - Du rapprochement de ces textes ressortent nettement les caractères légaux auxquels on peut reconnaître si un objet est susceptible d'être breveté. Ces caractères essentiels, fondamentaux, sont: 1o la nouveauté de l'objet; 2° son application à l'industrie. 313. Ce qu'on entend par invention et découverte. - L'idée de nouveauté se confond avec celle d'invention ou de

découverte (1), mots que la loi emploie pour désigner deux choses qui diffèrent en théorie, mais dont les effets pratiques sont les mêmes.

Grammaticalement l'invention est la création d'une chose qui n'existait pas, la découverte est l'observation d'une chose qui n'avait pas été aperçue; mais dans l'application ces deux mots sont sans cesse pris l'un pour l'autre.

Qui dit invention ou découverte dit chose nouvelle; car, si la chose est déjà connue d'ailleurs, celui qui, sans se servir du secours d'autrui, y arriverait de lui-même, pourrait bien avoir le mérite d'inventeur, mais il n'apporterait rien au public, et l'invention n'existerait pas pour la société déjà pourvue. Il n'est plus aujourd'hui possible de découvrir l'Amérique ou d'inventer la poudre. Aussi, tandis que la science décernait à M. de Ruolz ses palmes et ses récompenses pour les magnifiques travaux accomplis par ses seuls efforts, la justice lui refusait le brevet d'invention, parce que M. Elkington, travaillant de son côté, avait avant son émule fait connaître à la société les mêmes résultats.

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314. De la nouveauté. Toutefois, pour plus de clarté et pour bannir toute espèce d'équivoque, la loi a ajouté aux expressions invention et découverte, la qualification de nouvelle; et l'on peut dire que la première condition, pour qu'un objet soit brevetable, est qu'il constitue au regard de la société une nouvelle création.

La nouveauté s'explique et se définit d'elle-même. C'est l'apparition première de l'objet d'une découverte encore inconnue, et présentée dans le brevet avant toute autre manifestation d'un objet semblable. Cette nouveauté, d'après la loi, doit être entendue dans son sens le plus absolu, sans égard aux temps ni aux pays (art. 2 et 31). Quant aux faits et aux circonstances qui peuvent y porter atteinte, ils seront examinés conformément à l'ordre suivi par la loi elle-même, au titre des nullités et des déchéances. Nous éviterons ainsi beaucoup de répétitions inutiles, et l'exposition des principes gagnera, ce nous semble, à être dégagée de toute discussion des particularités et exceptions que le législateur a pris soin de traiter séparément. Nous nous en tiendrons en conséquence à la méthode qu'il a lui-même tracée.

(1) Un brevet n'est légitime que s'il y a invention, c'est-à-dire nouveauté (Renouard, Traité des brevets, n. 35).

315. De l'application à l'industrie ou du caractère industriel. — Pour être brevetable, il ne suffit pas que l'objet soit de création nouvelle, il faut encore qu'il s'applique à l'industrie, c'est-à-dire qu'il se produise sous une forme telle qu'il puisse être la matière d'une exploitation industrielle. « Une invention, dit M. Renouard, a le caractère industriel, lorsqu'elle donne des produits que la main de l'homme ou les travaux qu'il dirige peuvent fabriquer, faire naître ou mettre en valeur, ou de nature à entrer dans le commerce pour être achetés ou vendus (1). » C'est ce que la loi indique par la qualification d'industriel qu'elle donne à tout objet de brevet. Tel est le motif pour lequel elle déclare non brevetables les conceptions scientifiques ou les découvertes théoriques, même susceptibles d'applications industrielles, si on n'a pas indiqué ces applications (art. 30, no 3). Ainsi, le galvanisme, admirable découverte de la chimie, n'était pas brevetable tant qu'il est resté un fait scientifique; il l'est devenu quand MM. de Ruolz et Elkington ont réussi à se servir de la pile devolta pour la dorure et l'argenture.

Il n'y a pas du reste à distinguer entre les diverses industries, la loi ayant assuré un droit à l'inventeur sur ses découvertes dans tous les genres d'industrie. Aussi pensons-nous avec MM. Blanc et Dalloz, contrairement à un arrêt de la Cour de Paris, qu'un procédé d'embaumement du corps humain a pu faire l'objet d'un brevet, bien que le corps humain ne soit pas dans le commerce, parce que le procédé en lui-même est un objet de spéculation industrielle (2).

316. Objets auxquels s'applique spécialement et limitativement le brevet d'invention. Mais tout objet nouveau appliqué à l'industrie n'est pas susceptible d'être valablement breveté. La marque imaginée par le fabricant pour désigner ses produits, le dessin inventé pour une étoffe, la forme nouvelle trouvée pour un appareil connu, tout cela est création industrielle, objet de droit privatif (3), mais non susceptible d'être breveté. La loi a réservé le brevet pour les créations industrielles qui constituent, soit de nouveaux produits, soit de nouveaux procédés de fabrication. Ce sont là les créations auxquelles elle donne plus spécialement le nom d'invention, et qu'elle définit de la manière la plus précise en les classant en trois catégories:

(1) Renouard, Traité des brevels, n. 57.

(2) Paris, 14 mars 1844.- Voir Blanc, 446.-- Dalloz, n. 85.

(3) Voir les chapitres ci-après sur les marques, les dessins de fabrique, la sculpture industrielle.

1° Invention de nouveaux produits industriels;

2. Invention de nouveaux moyens pour l'obtention d'un résultat ou d'un produit industriel;

3o Application nouvelle de moyens connus pour l'obtention d'un résultat ou d'un produit industriel.

Il n'y a d'invention brevetable, quelle qu'en soit la nouveauté, même dans le domaine de l'industrie, que celle qui rentre dans l'une ou l'autre de ces trois classes, produits, moyens, applications. Il importe donc de les définir avec le plus grand soin.

317. Des produits industriels, brevetables en eux. mêmes. — 1o On entend par produit industriel un objet matériel, un corps certain, soit fabriqué de toutes pièces, soit obtenu de la nature même par le travail de l'homme. Ainsi un appareil, une étoffe, un produit chimique, sont dans le sens de la loi des produits brevetables, s'ils sont nouveaux.

Les produits industriels, à la différence des moyens, sont brevetables en eux-mêmes et indépendamment de l'emploi qui peut en être fait. Ainsi, la Cour de cassation a jugé récemment que si un mode de traitement médical ne peut être breveté, parce qu'il n'est point objet d'industrie, l'agent matériel, l'appareil mécanique (tel qu'une ceinture orthopédique), au moyen duquel ce traitement a lieu, est un véritable produit industriel, et a pu devenir à ce titre la matière d'un brevet (1).

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En conséquence des mêmes principes, ce serait surtout, selon nous, comme produit nouveau que devrait être breveté en luimême un instrument de musique construit dans de nouvelles proportions, donnant une nouvelle qualité de sons, et méritant à ces divers titres la qualification de nouvel instrument (2). 318. Des moyens brevetables: agents, organes, procédés. · 2o Les moyens brevetables sont en général tout ce qui sert à obtenir un produit ou un résultat industriel. On peut distinguer trois espèces de moyens industriels, à savoir : les agents, les organes et les procédés. Les agents sont les forces empruntées à la nature, mais qui peuvent être l'objet de découvertes nouvelles, telles que l'électricité, le galvanisme, la force élastique de l'air, de la vapeur, la force centrifuge (3). Les organes sont les éléments mécaniques, les ressorts de toute nature à l'aide desquels s'effectue une opération; et non pas seulement

(1) C. cass., 30 mars 1855 (Guérin.-Sirey, 53.1.264).

(2) C. cass., 9 février 1855, arrêt relatif aux instruments de Sax (Sirey,83.4.193). (3) Voir dans la discussion de l'art. 2, le discours de M. Delespaul.-Vergé et Loiseau, Loi sur les brevets d'invention, p. 46 et 47.

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