Images de page
PDF
ePub

versement de la taxe et, s'il y a lieu, le pouvoir mentionné dans l'art. 6» (art. 9).

Il a été expliqué dans la discussion à la chambre des pairs que le préfet n'a pas le droit d'ouvrir le paquet, et qu'il doit se borner à le transmettre clos et intact au ministre.

« A l'arrivée des pièces au ministère de l'agriculture et du commerce, il sera procédé à l'ouverture, à l'enregistrement des demandes et à l'expédition des brevets dans l'ordre de la réception desdites demandes » (art. 10).

374. Du principe de non-examen et de non-garantie du Gouvernement. — « Les brevets dont la demande aura été régulièrement formée seront délivrés, sans examen préalable, aux risques et périls des demandeurs, et sans garantie, soit de la réalité ou du mérite de l'invention, soit de la fidélité ou de l'exactitude de la description» (art. 11, al. 1er).

« Quiconque, dans des enseignes, annonces, prospectus, affiches, marques ou estampilles, mentionnera sa qualité de breveté ou de brevet sans y ajouter les mots : sans garantie du Gouvernement, sera puni d'une amende de 50 à 1,000 fr. » (art. 33).

« Toute demande dans laquelle n'auraient pas été observées les formalités prescrites par les nos 2 et 3 de l'art. 5 et par l'art. 6 sera rejetée» (art. 12, al. 1er).

Ces articles posent et appliquent le principe fondamental de la délivrance du brevet sans examen préalable.

Ce principe, fondé sur les plus graves considérations d'intérêt public, dégage l'administration de toute responsabilité quant à la valeur même du brevet, enlève au charlatanisme le prestige qu'il pourrait chercher dans l'obtention d'un brevet, et laisse les tribunaux entièrement libres dans l'appréciation des droits du breveté à la qualité qu'il s'attribue. Il doit donc être maintenu avec le plus grand soin, mais aussi il doit être renfermé dans les limites que la législation a tracées. Or, son application est subordonnée à une distinction essentielle.

375. L'examen préalable interdit pour les conditions intrinsèques,admis pour les conditions extrinsèques. L'examen préalable est absolument interdit à l'égard des conditions de la validité du brevet, ou, suivant le langage juridique, des conditions intrinsèques de la demande.

Il est admis, au contraire, relativement aux formalités extérieures, aux conditions extrinsèques de la régularité de la demande.

Il résulte de là que la demande ne peut jamais (sauf dans le

seul cas de l'art. 3) être rejetée par un motif tiré de la nature de la demande, lors même que l'objet de cette demande serait notoirement dans le domaine public, et, chose plus grave, lors même qu'il serait contraire aux bonnes mœurs. Il s'agit, en effet, d'un véritable jugement à prononcer, c'est-à-dire d'un acte qui n'est pas du ressort de l'administration. Aux tribunaux seuls, dans ce cas et autres semblables, il appartiendrait d'anéantir le brevet indument obtenu, en en prononçant la nullité (1). La nature de la demande ne peut être prise en considération que dans le cas où il s'agit ou de remèdes ou de plans financiers. Encore n'y a-t-il pas exception véritable, en pareil cas, au principe du non-examen préalable. C'est seulement d'après l'intitulé de la demande, s'il rentre dans les termes prohibitifs de l'art. 3, que le rejet devra être prononcé, et, comme on l'a dit dans la discussion, « sur l'étiquette du sac. » Si, au contraire, l'objet prohibé par l'art. 3 se cache sous une fausse dénomination, le Gouvernement n'est pas autorisé à rechercher au fond et par l'examen de la demande en elle-même quelle est sa nature véritable, et le brevet doit être accordé par l'administration, sauf à être annulé par la justice. C'est ce qui est résulté de la discussion, d'ailleurs fort vive, à laquelle l'art. 3 a donné lieu (2).

La seconde conséquence des articles précités et qui n'est que la contre-partie de la première, c'est que la demande peut être rejetée par des motifs tirés de la forme irrégulière de la demande. Nous examinerons ci-après ces divers motifs de rejet et leurs suites légales (nos 378, 379).

376. Toute demande régulière en la forme entraîne délivrance du brevet. Quand la demande est régulière en la forme, « un arrêté du ministre, constatant la régularité de la demande, sera délivré au demandeur et constituera le brevet d'invention » (art. 11, al. 2). Cette constatation et le brevet lui-même ne forment qu'un seul et même acte.

La disposition de l'art. 11, al. 2, démontre jusqu'à l'évidence la vérité de la proposition émise précédemment (no 310), que le brevet n'est autre chose que la prise de possession régulière de la qualité d'inventeur. De ce principe, il résulte que l'arrêté ministériel ne pourrait être retardé et l'octroi de la demande entravé par une opposition formée entre les mains de l'administration.

(1) Renouard, p. 583.

(2) Voir l'analyse de cette discussion, présentée avec une remarquable clarté par M. Renouard, p. 388 et suiv, Voir également Vergé et Loiseau, p. 82, 88.

[ocr errors]

L'opposition supposerait, en effet, el que le brevet pourrait préjudicier aux droits des tiers, et que sa délivrance serait subordonnée à la justification du droit du requérant. Or on sait que ni l'un ni l'autre de ces deux points n'est exact (1).

877. Formalités qui accompagnent a délivrance du brevet. —— « A cet arrêté sera joint le duplicata certifié de la description et des dessins, mentionné dans l'art. 6, après que la conformité avec l'expédition originale en aura été reconnue et établie au besoin. --La première expédition des brevetsera délivrée sans frais » (art. 11, al. 3, 4). Cette disposition, qui abroge les taxes de 2 fr. et 3 fr. perçues sous l'empire de la législation de 1791, ne laisse à la charge du breveté que le coût du papier timbré sur lequel l'expédition doit être portée.

« Toute expédition ultérieure, demandée par le breveté ou ses ayants cause, donnera lieu au paiement d'une taxe de 25 francs. Les frais de dessin, s'il y a lieu, demeureront à la charge de l'impétrant » (art. 11, in fine). Les copies de dessin ne seront délivrées que si elles sont spécialement demandées. C'est à l'administration qu'il appartient de désigner les personnes par qui doivent être faites les copies, afin d'éviter que les dessins ne soient mis à la disposition des tiers (2).

« Une ordonnance royale, insérée au Bulletin des Lois, proclamera tous les trois mois les brevets délivrés » (art. 14).

378. Rejet des demandes irrégulières. On a vu qu'il ne devait être fait droit qu'aux demandes régulières en la forme (no 376). « Toute demande dans laquelle n'auraient pas été observées les formalités prescrites par les nos 2 et 3 de l'art. 5 et par l'art. 6 sera rejetée » (art. 12).

379. Quelles irrégularités donnent lieu au rejet de la demande. D'après cet article, les irrégularités de

forme qui autorisent le rejet sont :

1° L'absence totale de description, qui est un fait matériel à constater, et non la simple insuffisance, qui donnerait lieu à un examen interdit à l'administration;

2o L'absence des dessins ou échantillons qui seraient nécessaires. Il naît ici une difficulté de ce que, d'une part, les dessins ne sont exigés qu'en cas de nécessité, et que, d'autre part, l'administration ne peut, en vertu des principes exposés (no 375), faire l'appréciation de leur nécessité, sur laquelle cependant elle doit

(1) Renouard, n. 85.-Dalloz, n. 157.-Contrà, Blanc, p. 512. (2) Voir la discussion de l'art. 11 à la Chambre des pairs.

prononeer. On résout cette difficulté très-réelle en décidant, avee M. Renouard, que c'est le demandeur lui-même qui sera pris pour juge de la nécessité des dessins, et que l'omission dont il s'agit n'entraînera rejet de la demande que si le demandeur lui-même s'est référé à ces dessins non produits, comme étant le complément obligé de sa description. Dans cette hypothèse, en effet, leur absence constitue une lacune matérielle dans la demande, qui permet à l'administration de rejeter sans examen du fond (1);

3o La réunion dans une même demande de plusieurs objets principaux (art. 6, al. 1er).-Le rejet de la demande est, d'après la jurisprudence de la Cour de cassation, la seule sanction de cette irrégularité (2) (voir sur ce point le n° 465);

4° L'absence des indications et des formalités requises par l'art. 6, et énumérées ci-dessus (nos 359 et suiv.).

380. Tempéraments admis dans la pratique. — II est certain que toute omission des diverses formalités qu'on vient de rappeler autorise l'administration à rejeter la demande. Mais, dans la pratique, des tempéraments de diverse nature indiqués par M. le rapporteur de la loi à la chambre des pairs adoucissent beaucoup cette rigueur.

Il est d'usage que les demandeurs soient avertis officieusement des irrégularités de leurs pièces et invités à les faire disparaître.

A défaut même de rectification par les intéressés, l'administration tient compte du peu de gravité que peut avoir l'irrégularité, s'il s'agit, par exemple, de renvois insignifiants non approuvés ; elle les corrige même en certains cas aux frais, risques et périls du demandeur, en faisant faire notamment le duplicata de la description qui aurait été omis. C'est seulement quand l'irrégularité est grave et non réparable par les soins de l'administration que le rejet est prononcé.

381. Les irrégularités de forme couvertes par la délivrance du brevet. — Lorsque le pouvoir administratif, juge compétent, dit M. Renouard, des formalités extrinsèques, a passé outre, nonobstant certaines irrégularités, et délivré le brevet, ces irrégularités sont couvertes, si elles tiennent uniquement à la forme. Les tiers ne pourront les relever ultérieurement et s'en prévaloir pour faire annuler le brevet, à moins qu'elles ne

(1) Renouard, p. 400.- Vergé et Loiseau, p. 80 et suiv. (2) C. cass.,

mai 1855 (Cavaillon). Contrà, Blanc, sur l'art. 30.

rentrent dans les causes de nullité ou de déchéance formulées par les art. 30 et 32, lesquelles ne sauraient être étendues (1).

382. Conséquences du rejet de la demande. — Perte de partie de la taxe. — Quoi qu'il en soit des tempéraments entièrement facultatifs et sur lesquels le demandeur ne doit nullement compter, toute demande reste en droit sous le coup d'un rejet, si elle est irrégulière. Or, pour faire comprendre tout l'intérêt des inventeurs à apporter les plus grands soins à la régularité de leurs pièces, il suffit de constater les graves et souvent irrémédiables conséquences qu'entraîne le rejet d'une demande. Ces conséquences sont : 1° une perte pécuniaire; 2o une déchéance possible.

1. En cas de rejet de la demande pour irrégularité de forme, << la moitié de la somme versée restera acquise au trésor » (art. 12). Toutefois, cette perte n'est pas irrévocable. Le demandeur étant toujours maître de former une nouvelle demande, nonobstant l'insuccès de la première, il lui est tenu compte de la totalité de la somme versée, « s'il reproduit sa demande dans un délai de trois mois, à compter de la date de la notification du rejet de sa requête » (art. 12, in fine). Il y a lieu à restitution intégrale de la taxe lorsque par application de l'art. 3, relatif aux remèdes et plans financiers, il ne doit pas être délivré de brevet (art. 13).

383. Perte de la priorité résultant de la date de la demande.— 2° Lorsqu'une demande est rejetée comme irrégulière, elle est réputée non avenue. Il suit de là que, si un brevet est pris pour le même objet avant que la demande rejetée n'ait été reproduite, le droit résultant de la priorité de date se trouve perdu pour le premier demandeur. Cette conséquence n'est pas douteuse en principe. Un amendement de M. Gay-Lussac, tendant à faire déclarer que la priorité de l'invention resterait en tout cas constatée par la date du procès-verbal de dépôt, a été rejeté sur l'observation du rapporteur que, « du moment qu'une demande est nulle, c'est comme si elle n'existait pas. Cela peut être dur, ajoutait-il, mais cela est (2). »

384. Du cas où la demande est reproduite dans les trois mois. En est-il autrement au cas particulier où la demande aura été reproduite dans le délai de trois mois? La négative a été nettement énoncée à la chambre des députés, où il a

(1) C. cass., 12 juillet 1857 (Barbier).-Renouard, n. 154; Dalloz, v° Brevets, D.154. (2) Voir Galisset, Corps du droit français, sur l'art. 12.—Renouard, n. 153.

« PrécédentContinuer »