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seule considération d'intérêt public suffit pour l'emporter sur les raisons d'équité que pourrait, en pareil cas, invoquer la partie intéressée (1). Le fabricant, au lieu d'engager une lutte inutile, n'a autre chose à faire qu'à proposer des mesures équivalentes que l'administration s'empressera sans doute d'admettre.

60. De la substitution de conditions nouvelles à celles prescrites. La substitution de conditions nouvelles aux conditions prescrites, et en général toute transformation de l'établissement, ne peuvent être faites qu'avec autorisation spéciale. Ainsi la faculté de former un établissement de première classe n'implique pas celle de le remplacer par un établissement de deuxième ou de troisième. Il faut réclamer une autorisation nouvelle à peine d'encourir la révocation.

« La nécessité est la mème, dit M. Dufour, pour les modificaations dont le résultat, sans aller jusqu'à un déclassement, doit « être d'aggraver les dangers ou les inconvénients de l'exploita« tion.» (T. 2, no 564).

Du reste, ce droit rigoureux de l'administration de prononcer contre un établissement en pleine activité une suppression qui peut être la ruine complète du fabricant, ne s'exerce que lorsque les changements apportés à l'exploitation sont assez importants pour constituer une véritable inobservation des conditions imposées, et non quand ils tendent à l'amélioration des procédés autorisés, sans danger nouveau pour la sûreté publique.

C'est ainsi qu'il a été reconnu que la substitution à l'appareil autorisé d'un appareil reposant sur les mêmes principes et offrant les mêmes garanties n'était pas de nature à faire prononcer la révocation (2). A plus forte raison le développement naturel ou la restriction de l'industrie autorisée ne peuvent-ils être considérés comme des infractions aux conditions prescrites.

Toutefois, les fabricants ne doivent se permettre qu'avec la plus grande réserve, les substitutions qui éveillent presque toujours la sollicitude de l'administration et les plaintes des tiers,

61. Effets de la translation ou déplacement d'un atelier. Comme on l'a vu d'après les formalités à remplir, l'autorisation est accordée bien moins à la personne de l'industriel qu'à l'établissement même, en considération des convenances locales que présente sa situation. Il suit de là que le fa

(1) Ordonnance précitée du 19 mai 1839 (commune de Garges c. Cazeneuve). (2) C. d'État, 11 nov. 1831 (Guyot c. Pauwels).-Voir Avisse, n. 176,-Cormenin, Questions de droit, t. 1, p. 250.

bricant doit continuer son exploitation au lieu même où elle a été autorisée, à peine de perdre le bénéfice de l'autorisation; car un établissement transféré n'est évidemment autre chose qu'un établissement nouveau relativement aux lieux où il est transporté, aux voisins qu'il rencontre, et la nécessité d'une nouvelle autorisation dérive naturellement de la nouveauté de la position. C'est ce qui résulte de l'art. 13 du décret de 1810 reconnu, par identité de motifs, applicable aux établissements tant postérieurs qu'antérieurs à ce décret (1), et à ceux de la seconde et de la troisième classe, aussi bien qu'à ceux de la première (2).

Aux termes de cet article, « les établissements maintenus par l'art. 11 cesseront de jouir de cet avantage dès qu'ils seront transférés dans un autre emplacement ou qu'il y aura interruption de six mois dans leurs travaux. Dans l'un et l'autre cas, ils rentreront dans la catégorie des établissements à former, et ils ne pourront être remis en activité qu'après avoir obtenu, s'il y a lieu, une nouvelle permission. »

Le conseil d'État considère comme translation, non-seulement tout déplacement de l'établissement lui-même, mais même le changement de l'emplacement d'une chaudière à vapeur dans l'atelier auquel elle est annexée, si cet emplacement a pu être pris en considération dans l'arrêté d'autorisation (3).

62. Interruption de l'exploitation pendant six mois. -L'art. 13 ajoute à la cause de déchéance fondée sur la translation de l'établissement une seconde cause tirée de l'interruption dans l'exploitation, ou du chômage pendant le délai de six mois. Cette déchéance est fondée sur une présomption légale que l'établissement est abandonné, alors du moins que l'interruption a été volontaire. En ce cas, la révocation de l'autorisation est prononcée sans difficulté, tandis qu'elle ne devrait pas l'être si l'interruption avait été motivée soit par un ordre de l'autorité administrative, soit par l'effet d'une instance judiciaire (4) ou d'un recours formé par des tiers contre l'ordonnance d'autorisation (5).

63. Causes qui justifient le chômage.

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La déchéance

Encycl. du droit, v• Ateliers,

(3) C. État, 6 mai 1853 (Perrache).-17 nov. 1819.

(4) C. d'État, 15 mai 1815 (Samson).

(3) C. d'État, 3 mars 1895 (Garet).

dont il s'agit est d'ailleurs, par la force des choses, inapplicable aux industries qui ne peuvent s'exercer qu'à intervalles plus ou moins éloignés, à cause de la nature même de l'exploitation. C'est ce que la Cour de cassation a décidé relativement à un atelier affecté au rouissage du chanvre, qui n'a lieu que trois ou quatre mois chaque année, à l'époque de la récolte (1).

En général, s'il était justifié que le chômage provint de causes quelconques, naturelles ou accidentelles, absolument indépendantes de la volonté du fabricant, il nous paraît qu'il n'y aurait pas lieu à révocation, puisqu'en pareil cas, rien n'impliquerait l'idée d'un abandon de la fabrication. Nous pensons même que la destruction de l'établissement par un sinistre n'entraînerait pas nécessairement l'anéantissement de l'autorisation accordée; seulement, pour que celle-ci s'appliquât à l'établissement nouveau construit en remplacement de l'ancien, il serait essentiel qu'il fût placé identiquement dans les mêmes conditions.

64. La déchéance ne peut être encourue avant six mois. L'expiration du délai de six mois, fixé d'une manière absolue par le décret, est nécessaire pour que la déchéance soit encourue, alors même que l'enlèvement des machines et ustensiles semblerait annoncer auparavant une intention définitive d'abandonner la fabrication. On ne saurait arbitrairement priver l'industriel du temps qui lui est accordé par la loi pour revenir, s'il le juge à propos, sur une résolution première (2).

65. Cas où la déchéance peut être couverte.— La déchéance encourue par suite d'une interruption de plus de six mois est couverte par tout acte de l'administration qui, postérieurement à la cessation du chômage, implique reconnaissance ou confirmation de l'existence légale de l'établissement. Il a été récemment jugé en ce sens que l'autorisation d'annexer un atelier supplémentaire à un atelier principal, postérieurement au chômage de ce dernier, emporte interdiction d'opposer désormais à l'industriel l'interruption d'exploitation antérieure à cet acte administratif (3).

66. Le retard dans l'exploitation assimilé à l'interruption. Le fait d'avoir laissé passer six mois sans user

-(1) C. cass., 4 nov. 1848 (Magrey).

(2) Dalloz, n. 156.

p. 69.

Clérault, n. 114.- Contrà, Trébuchet, Code des ateliers,

(5) C. d'État, 18 mai 1854 (Jalaberi).

de l'autorisation obtenue faisant présumer que le fabricant renonce à s'en prévaloir, a été assimilé à l'interruption d'une exploitation commencée. L'administration est même dans l'usage, pour éviter toute difficulté à cet égard, de mentionner expressément cette cause de déchéance dans les arrêtés portant autorisation (1).

67. Autorité compétente pour prononcer la révocation de l'autorisation et la déchéance. L'autorité compétente pour prononcer la suppression de l'établissement en raison de l'inexécution des conditions, du déplacement de l'atelier ou de l'interruption d'exploitation, varie suivant la classe à laquelle appartient l'industrie en question. - A l'égard des établissements de première classe, le droit de suppression est resté dans les attributions du chef de l'État, conformément au décret de 1810, art. 12, que le décret du 25 mars 1852 n'a pas modifié sur ce point. Ce droit ne saurait, en conséquence, être exercé par le préfet sans excès de pouvoir (2).

S'il s'agit d'un atelier de deuxième classe, c'est au préfet qu'il appartient de statuer en premier ressort, avec recours au ministre contre l'arrêté du préfet; et il est non-seulement dans les attributions, mais dans les obligations du ministre, de statuer sur un tel recours (3), sauf pourvoi au conseil d'État contre la décision du ministre. Ce point, déjà admis par la jurisprudence (4), n'est plus même susceptible de doute en présence du décret de mars 1852, art. 2, tabl. B, no 8 (5).

Enfin, c'est au sous-préfet qu'il appartient de prononcer la suppression des établissements de troisième classe (6), sauf les recours admis en cas d'autorisation (Voir nus 37 et 38).

69. Droit de l'administration d'ordonner la translation et la suspension. —La faculté de prendre la mesure définitive et absolue de la révocation implique celle de prendre, dans les mêmes cas et pour les mêmes motifs, des mesures moins absolues et moins radicales qui, sans détruire l'autorisation, la

(1) M. Dufour, t. 2, n. 562.

1

(2) C. d'État, 5 janv. 1854 (Joye). — Contrà, Avisse, Supplément, p. 32; Dalloz, * Manufactures, n. 50.

(3) C. d'État, 5 janv. 1854 (Marronier).

(4) C. d'État, 2 juill. 1836 (Gazzino); 27 août 1840 (Castilhon): 19 janv. 1844 (Capdeville); 18 juin 1846 (Saget); 21 avril 1848 (Pluquin). Voir Clérault; n. 91, 92.-Avisse, n. 177.-Dufour, t. 2, n. 361.

(5) Avisse, Supplément, n. 32–36.

(6) Avisse, n. 178.

modifient cependant, comme la translation d'un établissement autorisé d'un lieu dans un autre, ou la suspension de l'exploitation jusqu'à ce que le fabricant ait employé les moyens nécessaires pour en faire cesser les irrégularités. De telles mesures, du reste, ne peuvent émaner que de l'autorité départementale, et non de l'autorité municipale; nous ne pouvons que nous référer sur ce point à ce qui a été dit ci-dessus (no 67).

S III.

Manifestation de dangers imprévus.

SOMMAIRE.

69. Droit exceptionnel de suppression pour dangers imprévus.-- 70. Ce droit de suppression réservé au gouvernement. 71. Cette suppression est un acte de pure administration. 72. Conséquences des principes ci-dessus quant à la compétence et aux recours. — 73. Mesures provisoires dans les pouvoirs des préfets. 74. L'art. 12 inapplicable aux ateliers de deuxième et troisième classe. 75. Droits de l'administration et des industriels.

69. Droit exceptionnel de suppression pour dangers imprévus. Nous avons vu les diverses conditions auxquelles s'exerce régulièrement une industrie autorisée, et que doit observer exactement le fabricant pour être assuré de conserver le bénéfice de l'autorisation obtenue; mais il est un cas exceptionnel où, nonobstant l'accomplissement le plus exact des règles prescrites, certains établissements peuvent être frappés de suppression. C'est, en effet, le droit et le devoir absolus du Gouvernement de prendre toutes les mesures indispensables pour la sûreté et la salubrité publiques, sans être lié jamais, à ce point de vue, par aucun acte antérieur; d'où il résulte que, même en l'absence de toute irrégularité dans l'exploitation, l'autorisation peut être retirée si la mise en activité de l'établissement révèle des dangers imprévus. Ce principe est toutefois limité dans ses effets, à cause de leur gravité même, aux établissements de première classe, par l'art. 12 du décret du 15 octobre 1810, reconnu d'ailleurs applicable non-seulement, d'après ses termes, aux établissements antérieurs au décret, mais même, d'après ses motifs, aux établissements postérieurs (1).

Suivant cet article, « en cas de graves inconvénients pour la

(1) Voir Dufour, t. 2, n. 577.-Foucart, l. 1, n. 388.-C. d'État, 21 déc. 1837 ; 26 mai 1842 (Gérot); 10 janv. 1845 (Castilhon); 5 janv. 1850 (veuve Duquesne).

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