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* salubrité publique, la culture et l'intérêt général, les fabriques « et ateliers de première classe qui les causeront pourront être supprimés en vertu d'un décret rendu en conseil d'Etat, après « avoir entendu la police locale, pris l'avis des préfets et reçu la « défense des manufacturiers. >>

Il ressort de ce texte même que la mesure extrême qu'il autorise ne doit être prise que lorsque le danger présente une véritable gravité, et la jurisprudence a admis qu'on ne devait point y recourir, s'il y avait quelque autre moyen de faire cesser les inconvénients signalés (1).

70, Ce droit de suppression est réservé au Gouvernement. —L'art. 12, qui attribue au Gouvernement et au conseil d'État la suppression dans le cas dont il s'agit, n'a point été modifié par le décret du 25 mars 1852. Ce droit rigoureux reste donc en dehors des attributions du préfet. « Les affaires de ce genre, dit la circulaire ministérielle du 15 décembre 1852, doivent être instruites comme elles l'étaient avant le décret du 25 mars, et soumises ensuite à l'administration supérieure, qui ne statuera qu'après avoir pris l'avis du conseil d'État. » Les tiers intéressés peuvent provoquer cette mesure, mais par la voie purement administrative (2), en adressant leurs plaintes au préfet, ou même en présentant une requête au conseil d'État, qui renvoie au ministre pour être procédé à l'instruction de l'affaire (3).

71. Cette suppression est un acte de pure adminis. tration. La suppression pour inconvénient grave manifesté après l'autorisation, est un acte de pure administration, qui ne subit l'influence d'aucun droit préexistant, mais seulement des considérations tirées de l'intérêt général. D'après l'art. 12 du décret de 1810, confirmé d'ailleurs par le décret du 30 mars 1852, le conseil d'Etat agit en pareil cas par voie de mesure exclusivement administrative; seulement, l'industriel dont l'intérêt se trouve directement atteint est admis à se faire entendre dans l'instruction, qui, suivant le même art. 12, doit précéder la décision du conseil. Le conseil d'État ne statue, dit cet article, « qu'après avoir entendu la police locale, pris l'avis des préfets « et reçu la défense des manufacturiers. »

(1) C. d'État, 15 mai 1815 (Samson).
(2) C. d'État, 10 janv. 1845 (Castilhon).
(3) Voir Dufour, t. 2, n. 582.

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72. Conséquences des principes ci-dessus quant à la compétence et aux recours. Il faut conclure de ladisposition de l'art. 12 précité :

1° Qu'à l'égard des établissements dont il s'agit, les préfets commettraient un excès de pouvoir pouvant être déféré directement au conseil d'État, s'ils prononçaient la suppression définitive, et qu'ils ne peuvent prendre, dans l'intérêt de la sùreté ou de la salubrité publique, que des mesures provisoires (1);

2° Qu'aucun recours par la voie contentieuse n'est admissible contre le décret de suppression, si les défenses de la partie intéressée ont été reçues et visées dans le décret, et si les formalités prescrites par l'article précité ont été remplies (2);

3o Mais qu'un tel recours serait recevable si quelqu'une des formalités avait été omise, et spécialement si l'instruction n'avait pas été contradictoire (3). En pareil cas, les tiers intéressés à la suppression seraient recevables à intervenir devant le conseil d'État (4).

73. Mesures provisoires dans les pouvoirs du préfet. Si la mesure absolue de la suppression, quelle que soit la gravité des inconvénients, excède les pouvoirs des préfets, les mesures provisoires, au contraire, telles que la suspension, de nature à pourvoir immédiatement et sauf décision ultérieure et définitive aux nécessités de la salubrité publique, sont dans le droit de l'autorité départementale chargée de la police. C'est ce que décide très-formellement, à l'égard du préfet de police, mais par des motifs applicables à tous les préfets, l'ordonnance rendue en conseil d'État le 21 décembre 1837 (aff. Masteaux), ainsi conçue : « Vu les lois des 16-24 août 1790, le « décret du 12 messidor an 8, celui du 15 octobre 1810, et « l'ordonnance royale du 14 janvier 1815;-Considérant qu'aux « termes des lois et règlements de la matière, le préfet de «police est chargé de pourvoir, sous sa responsabilité, au « soin de la sûreté publique; qu'il peut et doit dès lors pren« dre, à l'égard des établissements incommodes, insalubres ou

(1) C. d'Etat, 30 avril 1828 (Magneau); 25 août 1841 (Capdeville); 26 mai 1842 (Gérot); 13 juin 1845 (Capdeville).

(2) C. d'État, 29 janv. 1814 (Pinell); 10 déc. 1840 (Cazeneuve); 10 janv. 1840 (Castilhon).

(3) C. d'État, 3 janv. 1850 (Duquesne).

(4) C. d'État, 10 déc. (Cazeneuve).

« dangereux, toutes les mesures provisoires qui lui paraissent « nécessaires pour la conservation des intérêts qui lui sont « confiés, et que, après l'événement arrivé dans l'atelier du « sieur Masteaux, le 3 février 1836, et au vu des rapports des « gens de l'art, qui attestaient que la réouverture de cet atelier « offrirait toujours des dangers, quelque précaution que l'on « prît, ledit préfet a pu et dû provisoirement s'opposer à cette « réouverture, jusqu'à ce qu'il ait été statué par nous, en notre « conseil, sur le rapport de notre ministre du commerce et des travaux publics, sur le maintien ou la suppression définitive a dudit atelier.... »

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74. L'art. 12 inapplicable aux ateliers de deuxième et de troisième classe. La disposition de l'art. 12, comme on l'a dit plus haut (no 69), est spéciale aux établissements de première classe et ne saurait être étendue aux établissements de deuxième et de troisième classe. Un avis du comité des arts et manufactures auquel s'est rangé le ministre lui-même, est conforme à cette doctrine admise d'ailleurs par le conseil d'État qui a décidé, en ce qui concerne les établissements de deuxième classe, que comme tels, ils ne tombent point sous l'application de l'art. 12 du décret (1).

75. Droits de l'administration et de l'industriel.— Si des inconvénients graves se manifestaient dans l'exploitation d'établissements de la deuxième ou de la troisième classe, ce serait uniquement par mesure de police et en vertu des pouvoirs généraux qui appartiennent à l'administration pour pourvoir à la sûreté publique, que la fermeture ou au moins la suspension d'un établissement évidemment dangereux pourrait être ordonnée (2). C'est ainsi qu'il a été procédé tout récemment à l'égard d'une usine à gaz établie dans Paris. Mais en pareil cas, l'industriel, privé d'un droit acquis et exercé conformément aux lois et règlements, devrait recevoir une indemnité conformément au principe posé par la loi du 1er mai 1822 et l'ord. royale du 11 de ce mois lors de la suppression des distilleries établies dans l'intérieur de Paris. C'est en ce sens que la question a été résolue par le ministre de l'intérieur, conformément à un avis du comité consultatif des arts et manufactures (3).

(1) Voir Clérault, n. 108.-C. d'État, 13 fév. 1846 (Doublet et Piquenot). (2) Dufour, 1 édit., t. 1, n. 391.

(3) Voir Clérault, p. 305.

SIV.

Conséquences administratives de l'absence ou du refus d'autori

sation.

SOMMAIRE.

76. Droits de l'autorité municipale à l'égard des ateliers non autorisés. -77. Force obligatoire des arrêtés municipaux.

76. Droits de l'autorité municipale à l'égard des ateliers non autorisés. —Les droits que nous avons reconnus à l'administration, à l'égard des établissements autorisés, lui appartiennent aussi à plus forte raison à l'égard des ateliers classés qui ne justifient d'aucune autorisation, soit expresse, soit tacite. Tout propriétaire d'établissement classé, soit avant la demande, soit même avant l'obtention de l'autorisation, soit, à plus forte raison, après le refus qui serait intervenu, doit s'abstenir absolument de tout fait d'exploitation. S'il exploite dans l'une ou l'autre de ces circonstances, l'autorité municipale chargée de la police locale peut ordonner la fermeture de l'atelier, en vertu du droit qui lui appartient de prendre des arrêtés dans l'intérêt de la salubrité publique (art. 3, no 5, t. 11. L. du 24 août 1790), et pour assurer, en général, l'exécution des lois et règlements. « Attendu, dit un arrêt de la Cour de cassation du

14 février 1833, que le décret du 15 octobre 1810, en règlant « les conditions sous lesquelles l'établissement des manufactures « et ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode, « serait à l'avenir autorisé, n'a point dépouillé l'autorité mu«nicipale, tant que cette autorisation n'a pas été obtenue, du « droit qu'elle tient de l'art. 3, n° 5, t. 11 de la loi des 16-24 « août 1790, de prendre les mesures que l'intérêt de la salubrité publique lui parait exiger..... (1). »

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En vertu du même principe, le maire, qui peut enjoindre au fabricant de cesser l'exploitation non autorisée, peut lui ordonner de la transporter hors de l'enceinte de la ville.

77. Force obligatoire des arrêtés municipaux. — La force obligatoire de semblables arrêtés est d'ailleurs sanctionnée par l'art. 471, no 15 du Cod. pénal dont l'application est confiée aux tribunaux de police, comme on le verra ci-après (n° 79).

(1) Min. publ. c. Jau (Dalloz, Répert., vo Commune, n, 961). — Cass., 13 nov. 1835 (Pouly) (Dalloz, y° Boucher, n. 48).

CHAPITRE III.

Régime des Établissements autorisés dans leurs rapports avec l'autorité judiciaire.

LÉGISLATION. Décret du 15 octobre 1810.-Code pénal (art. 471, n. 15). -Loi des 16-24 août 1790, t. x1, art. 3 et 4; 19–22 juill. 1791, t. 1, art. 46 (Attribu– tions de la police municipale).—Code Nap., art. 1382 et s.

78. Double attribution de l'autorité judiciaire à l'égard des ateliers.- Les établissements industriels, après l'autorisation obtenue, ne sont pas seulement soumis à l'action de l'autorité administrative spécialement chargée, comme on l'a vu, des mesures à prendre pour assurer l'exécution des lois et règlements relatifs aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes; ils sont encore sous la juridiction de l'autorité judiciaire. Celle-ci, en effet, au point de vue de l'intérêt public et dans un but de répression, partage jusqu'à un certain point avec l'administration le soin de faire exécuter les lois et règlements sur la matière dont il s'agit, et, d'autre part, au point de vue de l'intérêt privé, elle est exclusivement compétente pour donner satisfaction aux droits des tiers expressément réservés par l'art. 11 du décret de 1810. Cette action de l'autorité judiciaire, sous l'un et l'autre rapport, s'exerce, à l'égard des établissements autorisés, dans une mesure et à des conditions qu'il importe de déterminer nettement.

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Action de la justice répressive sur les établissements autorisés au point de vue de l'intérêt public.

SOMMAIRE.

79. Les infractions aux règlements sur les ateliers constituent des contraventions. 80. Conditions générales de la légalité des règlements. -81. Mesures spéciales de police attribuées à l'autorité municipale. -82. Contravention pour exploitation non autorisée ou inobservation des conditions. 83. Pénalité. -84. La contravention résulte du fait matériel. Responsabilité du maître. -85. Dommages-intérêts. Interdiction d'exploiter. 86. Du droit d'ordonner la démolition. 87. Prescription annale. Point de départ.-88. Quand a lieu la chose jugée. 89. Le juge de police apprécie la légalité des règlements. - 90. Sursis obligatoire en cas de questions administratives préjudicielles. 91. Question d'interprétation d'actes administratifs. — 92.

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