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Question d'antériorité à 1810 ou d'interruption d'exploitation. 93. Résumé sur les questions administratives préjudicielles.

79. Les infractions aux règlements sur les ateliers constituent des contraventions.— La juridiction des tribunaux de répression, à l'égard des établissements classés, est fondée sur la disposition générale de l'art. 471 du Code pénal ainsi conçue:

« Seront punis d'amende depuis 1 fr. jusqu'à 5 fr. inclusive« ment. . . . .

« 15° Ceux qui auront contrevenu aux règlements légalement << faits par l'autorité administrative, et ceux qui ne se seront « pas conformés aux règlements ou arrêtés publiés par l'autorité « municipale, en vertu des art. 3 et 4, t. XI de la loi du 16-24 « août 1790, et de l'art. 46, t. I de la loi du 19-22 juillet 1791. »

Or, les décret et ordonnance du 15 octobre 1810 et du 14 janvier 1815, et toutes les ordonnances générales de classement, ainsi que les arrêtés spéciaux relatifs à chaque établissement en particulier, ayant incontestablement le caractère de règlements de l'autorité administrative, il en résulte que les tribunaux de police sont investis du droit de réprimer toute infraction aux dispositions de ces règlements et arrêtés.

80. Conditions générales de la légalité des règlements. - Parmi ces arrêtés et règlements administratifs que le pouvoir judiciaire est tenu de faire respecter, il faut comprendre, mais dans une limite très-restreinte, certains arrêtés de police municipale qui peuvent exceptionnellement être obligatoires pour les ateliers même autorisés.

En principe, il est certain que ces établissements sont placés exclusivement sous l'empire des règlements qui leur sont particuliers, et que, aux termes d'un arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 1853, « les pouvoirs généraux de police et de << sûreté que l'autorité municipale tient des lois du 24 août 1790 « et 19 juillet 1791 ne sauraient s'étendre aux matières qui « feraient l'objet de lois spéciales ou de règlements généraux. «En conséquence, il appartient seulement au préfet ou à l'au«torité administrative de statuer par des règlements pris selon « les distinctions indiquées dans les lois et ordonnances (1. du « 15 octobre 1810, ord. du 14 janvier 1815 et 9 février 1825), « sur le lieu où peuvent être formés les établissements qui en <font l'objet, et sur les restrictions dont l'industrie qu'ils com« portent est susceptible, dans l'intérêt de la sûreté, de la sa⚫ lubrité ou de la commodité publiques.

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81. Mesures spéciales de police attribuées à l'autorité municipale. Cependant la jurisprudence admet que des mesures spéciales de police peuvent être prises par l'autorité municipale à l'égard des établissements dont il s'agit, « pourvu a qu'elles n'empiètent pas sur le pouvoir confié à l'autorité su«périeure par les décrets et ordonnances précités, et qu'elles « n'aient pas conséquemment pour objet de régler le lieu « où peuvent être formés les établissements, de modifier ou « d'altérer les conditions d'existence de l'industrie des proprié« taires (1). »

Parmi ces mesures, elle comprend les précautions accessoires. dans le détail desquelles l'administration supérieure n'a pu entrer, et qui sont nécessaires à la salubrité des communes, pourvu qu'elles ne soient pas en opposition avec les conditions fixées par l'arrêté d'autorisation.-Ainsi elle reconnaît au maire le droit d'enjoindre à un fabricant de transporter à une certaine distance des habitations les résidus d'une féculerie autorisée (2); ou d'enfouir à une certaine profondeur les chrysalides provenant d'une filature de soie (3).

Ainsi encore la Cour de cassation a déclaré légal l'arrêté par lequel un maire, en vertu de l'art. 3, no 2, t. 11, de la loi des 16-24 août 1790, a fixé le temps pendant lequel tous ceux qui exercent des professions à marteau dans la ville seront tenus d'interrompre leurs travaux, afin de ne pas troubler la tranquillité des habitants (4). Mais elle a refusé à l'autorité municipale le droit de déterminer, d'une manière générale, les heures de travail des moulins à vent et les lieux où telle et telle industrie devrait seulement être autorisée.

Il résulte de cette jurisprudence et des distinctions assez délicates qu'elle consacre, que la police municipale ne pourra s'exercer, à l'égard des établissements classés, qu'à la condition de ne porter aucune atteinte aux conditions de leur existence,

82. Contravention pour exploitation non autorisée ou inobservation des conditions. En application des principes exposés ci-dessus, peuvent être poursuivis devant les tribunaux de police les industriels qui exploitent un établissement classé, soit avant la demande ou l'obtention de l'autorisa-,

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(1) C. cass., 25 novembre 1853.

(2) C. cass., 1o déc. 1842 (Min. publ. c. Morlière).

(3) C. cass., 12 juin 1828 (Cotin).-Voir Dalloz, vo Commune, D. 960,921 (4) C. cass., 1. mars 1842.

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tion, soit après le refus ou le retrait de l'autorisation (1), soit enfin malgré un arrêté de suspension (2).

La formation d'une demande d'autorisation, ou d'un recours contre l'arrêté qui la refuse, ne suspend pas l'action pénale, et ne peut autoriser le tribunal à surseoir (3). La condamnation est encourue de quelque manière que la partie soit en instance auprès de l'administration, par cela seul qu'il a exploité sans autorisation accordée et subsistante.

Sont également justiciables des tribunaux de police les industriels qui, dans le cours de leur exploitation, méconnaissent les conditions qui leur sont prescrites par l'arrêté d'autorisation (4).

Les mêmes poursuites peuvent être dirigées contre le fabricant autorisé qui a contrevenu à l'arrêté municipal interdisant pendant un certain temps de la nuit, dans l'intérêt du repos des habitants, le jeu des manufactures à marteau (5).

$3. Pénalités. Les peines à appliquer sont l'amende de 1 à 5 fr., d'après l'art. 471, no 15, C. pén., et l'emprisonnement pendant trois jours au plus, en cas de récidive (art. 474).

84. La contravention résulte du fait matériel. Responsabilité du maître. — En vertu d'un principe géné ralement applicable en matière de contraventions, le fait matériel suffit pour entraîner la condamnation, et le prévenu ne peut être excusé d'après son intention. Il est également de principe que l'amende est considérée comme ayant le caractère d'une réparation civile, et qu'en conséquence, elle peut être prononcée et recouvrée non-seulement contre l'auteur même du fait, mais contre celui qui en est civilement responsable, comme le maître à l'égard de son domestique.

85. Dommages-intérêts.- Interdiction d'exploiter. Le tribunal de police, en même temps qu'il prononce la peine, doit, d'après l'art. 161, C. d'inst. cr., statuer sur les demandes en dommages-intérêts qui seraient formées par une partie civile intervenante, c'est-à-dire accorder les réparations civiles. On parlera ci-après des dommages-intérêts auxquels peuvent avoir droit les tiers intéressés, et qui sont ordinairement de

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(3) C. cass., 19 août 1836 (René); 19 déc. 1835 (Guillié). — V. Dalloz, vo Manufactures, n. 191.

(4) C. cass., 2 janv. 1829 (Chéron).

(5) C. cass., 21 fév. 1845.

mandés par la voie de l'action civile devant les tribunaux ordinaires (no 94). Il est une sorte de réparation civile qui, bien qu'ainsi qualifiée par la jurisprudence, vient en réalité compléter la peine et assurer de la manière la plus efficace l'exécution des règlements, c'est l'interdiction de continuer l'exploitation qui doit être prononcée sur la réquisition du ministère public, aussi bien que sur les conclusions des parties intéressées (1).

86. Du droit d'ordonner la démolition.— Le tribunal, qui peut prononcer la défense d'exploiter, ne pourrait, sans excès de pouvoir, ordonner la démolition de l'établissement, excepté dans certains cas spéciaux (C. pén., art. 151, etc.) comme le font observer avec raison MM. Avisse (2) et Dufour (3). C'est qu'en effet, d'une part, la contravention résulte moins, comme on l'a dit, de l'existence de l'établissement que de son exploitation; et que d'autre part, s'il ordonnait la démolition, le tribunal entraverait le libre exercice de l'autorité administrative, en mettant obstacle à ce qu'une autorisation régulière pût intervenir utilement en faveur de l'établissement en question. Le juge ne pourrait pas davantage, d'après le même principe, déterminer les conditions auxquelles l'exploitation condamnée pourrait être reprise, conditions qu'il appartient exclusivement à l'administration de régler.

87. Prescription annale; point de départ.- Aux termes de l'art. 640 du C. d'inst. cr., la prescription en matière de contraventions est accomplie, au point de vue de la pénalité et au point de vue des dommages-intérêts, après une année révolue. Cette année court à compter du jour où l'infraction a été commise, même lorsqu'il y aurait eu procès-verbal, saisie, instruction ou poursuite, si dans l'intervalle, il n'est point intervenu de condamnation. Il faut faire observer toutefois que la contravention résultant ici moins de la formation non autorisée de l'établissement que de son exploitation illégale, celle-ci constitue, chaque fois qu'elle se renouvelle au mépris des règlements, un fait nouveau qui doit être l'objet d'une répression. Il suit de là, que le fabricant qui exploite illégalement ne peut se prévaloir du long temps pendant lequel cette exploitation aurait eu lieu antérieurement à la poursuite, et qu'il suffit, pour qu'il puisse

(1) C. cass., 10 avril 1830.

(2) Établ. industriels, t. 1,
p. 289.
(3) Traité général, t. 2, n. 608.

être condamné, que le dernier fait d'exploitation n'ait pas plus d'un an de date (1).

ments.

88. Quand a lieu la chose jugée. – Il résulte du même principe, au point de vue de la chose jugée, qu'un premier jugement qui aurait renvoyé le prévenu des fins d'une première poursuite, ne mettrait pas obstacle à ce qu'une condamnation intervint pour la même exploitation ultérieurement continuée (2). 89. Le juge de police apprécie la légalité des règleUne remarque essentielle est que l'art. 471, no 15, n'est applicable qu'en cas de règlements légalement faits. De ces termes la jurisprudence a déduit le droit, désormais incontesté, pour le tribunal de police chargé de juger le fabricant prévenu d'avoir violé un règlement sur la matière, de rechercher, nonseulement si l'infraction existe, mais encore si le règlement est légal. « L'autorité judiciaire, dit la Cour de cassation, a toujours le droit d'examiner si les dispositions réglementaires qu'elle est appelée à sanctionner par l'application d'une peine, ont été prises par l'autorité de laquelle elles émanent, dans les limites légales de sa compétence (3).

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Il suit de là que le fabricant poursuivi devant le tribunal de police peut toujours exciper de l'illégalité de l'arrêté sur l'inobservation duquel serait fondée la condamnation. Il peut soutenir, par exemple, s'il est poursuivi pour avoir exploité en contravention avec un arrêté qui révoque son autorisation, que cette révocation a été prononcée par une autorité dont les attributions ne comprenaient pas un tel droit. De même un fabricant accusé d'avoir contrevenu aux conditions prescrites pourrait, à notre sens, soutenir que son établissement ne rentre dans aucune des trois classes établies par le décret de 1810, que toute autorisation était dès lors superflue, et que c'est à tort que l'autorité administrative a soumis son établissement à des conditions applicables seulement aux établissements classés.-En présence de semblables exceptions, le tribunal de police est tenu de résoudre préjudiciellement la question de légalité qui lui est soumise, et la décision qui prononcerait une condamnation sans solution préalable de cette question encourrait inévitablement la censure de la Cour de cassation (4).

(1) C. cass., 28 janv. 1832 (Piédel).

(2) C. cass., 19 août 1836 (René).

(3) Cass., 18 mars 1836; 20 janv. 1837.-Hélie et Chauveau, Théorie du C. pén., t. 6, p. 404.-Dufour, Traité général, t. 1, n. 69; t. 2, no 59.

(4) Jurisprudence constante.

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