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« La falsification résulte de tous mélanges frauduleux tendant à dénaturer la substance annoncée, au préjudice de l'acheteur» (1), alors même que le peu d'importance du mélange ne rendrait pas la substance impropre à l'usage auquel elle est destinée et que le préjudice causé serait peu considérable. La loi repousse à cet égard toute distinction.

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1158. Distinction entre les falsifications et les simples mélanges. Par les mots ceux qui falsifieront, ceux qui vendront ou mettront en vente des substances falsifiées ou corrompues, la loi entend punir le mélange, l'altération faite dans un but de fraude ou de tromperie, mais non, en général, le mélange dans la fabrication d'une marchandise de matières étrangères, quand ce mélange est avoué et déclaré. Autrement, disait le rapporteur de la loi, on atteindrait l'art dans ses progrès, dans ses combinaisons les plus innocentes. La fabrication et la vente, de quelque manière qu'elles s'exercent, restent donc libres et ne sauraient être punies quand on ne veut tromper et qu'on ne trompe personne. C'est ce qui résulte très-clairement des explications données dans la discussion de l'art. 1er de la loi du 27 mars 1851.

« Le juge correctionnel doit apprécier les intentions, la bonne foi, les excuses, frapper la fraude et rien que la fraude. Il ne punira ni les mélanges non pernicieux révélés par le nom de la marchandise et par le vendeur, ni les mélanges ou coupages avoués que peuvent réclamer ou légitimer la conservation de la chose, les soins de la fabrication, les besoins de la consommation ou du commerce, les habitudes locales ou les caprices du goût (2), pourvu que l'on n'ait pas oublié frauduleusement les proportions qui doivent être observées dans les mélanges, ni l'imitation déclarée de produits étrangers (3). »

Mais

1159. Du débit des substances corrompues. si une distinction doit être faite à l'égard des substances mélangées, on ne saurait en admettre aucune à l'égard des substances corrompues ou, en général, nuisibles à la santé. Peu importe à l'égard de ces dernières, qu'il y ait ou non dissimulation, les denrées corrompues ou nuisibles ne peuvent être, sans délit, mises ou laissées dans le commerce, et l'avertissement donné de leur état de corruption ne mettrait pas le vendeur à l'abri de la

(1) C. cass., 27 avril 1854 (Deline).

(2) C. cass., 22 avril 1854 (Morel).

(3) Rapport de M. Riché (Dalloz, 51.4.61, n. 19).

peine. C'est ce qui résulte formellement des art. 2 et 3 de la loi de 1851 qui prévoient le cas où la falsification est connue de l'acheteur ou consommateur (1).

1160. La falsification punie indépendamment de l'usage de la substance falsifiée. - En cas de mélange proprement dit dans la composition de l'objet, s'il en résulte une altération qui, par sa nature même, par les usages de l'industrie, ou en vertu de règlements spéciaux, ne soit point avouable, ni susceptible de devenir un objet de commerce loyal, la loi atteint non-seulement la vente, mais tout ce qui la prépare, savoir, le fait lui-même de fabrication frauduleuse, de falsification. Jusqu'alors, la falsification ne pouvait guère être poursuivie à moins qu'on ne réussit à la faire considérer comme complicité d'une vente incriminée. Désormais, la manipulation frauduleuse est atteinte dans sa source. Ainsi, la fabrication de pain mélangé de farines légumineuses, si ce n'est dans une faible proportion autorisée par l'usage (2), est punissable par elle-même. Il en serait également ainsi au cas où, dans une fabrique de fécule, des os moulus, du plâtre ou de la craie, seraient mêlés au produit de la pomme de terre, etc....

C'est ce que la loi a entendu en punissant la falsification, indépendamment de l'usage de l'objet falsifié (3).

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1161. La tentative de falsification assimilée à la falsification consommée. La tentative de tromperie en cette matière est assimilée ici, comme en fait d'escroquerie, à la tromperie consommée; assimilation qui est une des innovations importantes de la loi de 1851. « Celui qui tend un piége à l'acheteur, dit le rapporteur de la loi, n'est pas plus honorable parce que l'acheteur est très-clairvoyant ou que la police est intervenue. On essaiera moins souvent quand on n'essaiera plus impunément. » Ainsi, le seul fait de la mise en vente de substances falsifiées ou corrompues donnera lieu à l'application de la peine, aussi bien que la vente elle-même.

1162. La simple détention de substances falsifiées est punie.-La loi interdit également, tout en la punissant de peines moindres (voir ci-après no 1173), la simple détention, par le fabricant ou le débitant, sans motifs légitimes, de substances alimentaires ou médicamenteuses qu'il saurait être

(1) Rapport de M. Riché (Dalloz, 51.4.61, n. 23).

(2) C. cass., 22 avril 1854 (Morel).

(3) Voir rapport (Dalloz, 51.4.61, n. 20).

falsifiées ou corrompues. C'est la même disposition qu'à l'égard des fausses mesures (no 1150). Ce délit n'existe toutefois que si le prévenu conserve l'objet dans la connaissance de son altération, d'où il suit que s'il s'était, par exemple, subitement corrompu à l'insu du détenteur, il n'y aurait pas délit. Même en la connaissance de l'altération de la chose, il peut y avoir détention pour motifs légitimes, excluant toute culpabilité, par exemple, de la part d'un fabricant de savon qui aurait dans ses ateliers, pour les convertir en objets de sa fabrication, des graisses dont un boucher ou charcutier aurait dû se défaire comme altérées en tant qu'aliments.

Art. 2.

Tromperies sur la quantité de la marchandise.

SOMMAIRE.

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1163. Répression générale de toute tromperie sur la quantité de la marchandise.-1164. La tentative est punie comme la tromperie consommée.-1165. Manœuvres diverses énumérées par la loi. Définition.-1166. Des indications frauduleuses tendant à faire croire à un mesurage antérieur et exact.-1167. Tromperie sur la quantité résultant de l'addition d'une substance étrangère.-1168. La loi est applicable en cas d'emploi de mesures conventionnelles comme de mesures légales.-1169. Responsabilité du maître par suite de tromperies commises par ses agents. 1170. La seule exposition en vente constitue la tentative de tromperie.-1171. Présomptions de fraude. 1163. Répression générale de toute tromperie sur la quantité de la marchandise. La tromperie sur la quantité de la marchandise est l'objet du no 3 de l'art. 1o de la loi de 1851, qui remplace sur ce point, en l'étendant singulièrement, la disposition de l'art. 423 du Code pénal, et s'applique non plus seulement comme les nos 1 et 2, aux aliments ou médicaments, mais à toute espèce de marchandises et de produits. « Seront punis. . . . ceux qui auront trompé, ou tenté de tromper, sur la quantité des choses livrées, les personnes auxquelles ils vendent ou achètent, soit par l'usage de faux poids ou de fausses mesures, ou d'instruments inexacts servant au pesage ou au mesurage, soit par des manœuvres ou procédés tendant à fausser l'opération du pesage ou mesurage, ou à augmenter frauduleusement le poids ou le volume de la marchandise même avant cette opération, soit enfin par des indications frauduleuses tendant à faire croire à un pesage ou mesurage antérieur et exact. >>

On remarquera que cette disposition concerne l'acheteur aussi bien que le vendeur. Elle devrait donc être appliquée à la per

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sonne qui en fournissant au marchand ou fabricant une mesure fausse, ou par tout autre des moyens indiqués dans la loi, se serait fait livrer une quantité de marchandises plus grande que celle convenue (1),

1164. La tentative est punie comme la tromperie consommée. L'art. 423 du Code pénal ne punissait que la tromperie effectuée à l'aide de faux poids et mesures. A ce moyen direct et grossier, rarement employé parce qu'il est trop facile à surprendre, la loi nouvelle assimile un grand nombre de manœuvres tendant au même but et produisant le même effet d'une manière indirecte et par là même beaucoup plus dangereuse. Elle punit non-seulement le fait accompli, mais la tentative, comme dans le cas de falsification de denrées alimentaires (no 1161). 1165. Manœuvres diverses énumérées par la loi. · Définitions. - La loi comprend dans son énumération les diverses manœuvres signalées à son attention par une fréquente et triste expérience des mille ressources et des expédients variés de la fraude industrielle.

Par instruments inexacts servant au pesage ou au mesurage, il faut entendre, par exemple, les fausses balances qui, même avec des poids réguliers, induisent en erreur sur la quantité vendue, soit qu'un des plateaux soit allourdi, soit que le fléau soit allongé ou raccourci d'un côté (2).

Les manœuvres ou procédés tendant à fausser l'opération du pesage ou mesurage signifient « les stratagèmes simples et variés, la prestidigitation habile ou les additions clandestines qui savent rendre docile un plateau, ou fascinent les regards d'un acheteur (3).» Telle serait l'addition ou la suppression d'un poids quelconque aux poids convenus, l'impulsion donnée frauduleusement aux plateaux de la balance pour faire croire à un poids imaginaire, etc. (4).

Par les procédés tendant à augmenter frauduleusement le poids ou le volume de la marchandise même avant l'opération du pesage ou mesurage, on doit entendre, par exemple, l'artifice qui consiste à soumettre d'avance à l'action de l'humidité le bois, le savon, le grain ou tout autre produit, pour lui faire acquérir une apparence trompeuse (5).

(1) Argument de l'arrêt de cassation du 13 février 1845,

(2) Voir C. cass., 29 avril 1831.-Chauveau et Hélie, t. 6, p. 15.

(3) Rapport.-Voir Dalloz, 51.4.60, n. 6.

(4) Voir C. cass., 16 octobre 1841.

(3) Rapport (Dalloz, 51.4.60, n. 26).

1166. Des indications frauduleuses tendant à faire croire à un mesurage antérieur et exact. Il faut donner une attention particulière à la disposition finale de l'article relatif aux indications frauduleuses tendant à faire croire à un pesage ou mesurage antérieur et exact.

<«< Sans opération matérielle de pesage et de mesurage il peut y avoir des fraudes... Il est des marchandises dont le poids est présumé d'après le nombre qui compose leur collection (comme la chandelle en paquets, le chocolat en tablettes, etc...), d'après leur nom, d'après certaines indications. Si le marchand vend sachant que ces signes sont fallacieux, il dérobe une partie du poids dont ces signes étaient l'expression. Dans d'autres cas, la facture peut chercher à persuader faussement à l'acheteur l'existence d'un pesage ou mesurage antérieur et exact, base du prix. Soit qu'elle veuille couvrir le déficit ou échapper au contrôle, cette espèce d'escroquerie est vraiment une vente à faux poids (1). >>

Ce genre de fraude a lieu toutes les fois que, sans vérification directe de l'acheteur, le fabricant ou marchand livre une quantité inférieure à celle qu'il indique sur sa facture. Elle a lieu également par le fait de mise en vente d'un objet avec indication par un moyen quelconque d'une mesure autre que celle existant réellement. C'est ce qui résulte notamment de la vente de denrées, en quantité inférieure, dans des sacs dont la forme seule, d'après l'usage du lieu, détermine la contenance; de la vente de pains d'un poids inférieur à celui fixé par les règlements avec une marque ou sur une montre indicative du poids légal.

Ces faits et tous autres analogues, que le Code pénal n'atteignait point, sont expressément compris dans la disposition finale de l'art. 1er de la loi de 1851 (2).

1167. Tromperie sur la quantité résultant de l'addition d'une substance étrangère. - Parmi les tromperies, non pas sur la nature, mais sur la quantité de la chose vendue, effectuées par le dernier moyen que définit l'article cidessus, il faut comprendre le fait de vendre des couverts argentés avec déclaration qu'ils contiennent une quantité d'argent plus considérable que celle qui s'y trouve réellement (3).

Par la même raison, l'addition de l'eau ou de toute autre sub

(1) Rapport de M. Riché (Dalloz, 51.4.62, p. 27).-C. cass., 14 avril 1855. (2) Bourges, 18 juillet 1851; Orléans, 11 novembre 1851; C. cass., 4 fév. 1854. (3) Bordeaux, 18 février 1855.

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